La marque constitue un repère pour le consommateur, pour les fournisseurs et les partenaires d’une entreprise. Pour qu’elle soit véritablement marque sur le plan juridique, il lui faut nécessairement afficher une singularité particulière. Elle apporte une garantie de distinction dans un marché ou un domaine d’activité. Elle constitue un facteur de confiance très important. Les marques sont devenues le capital des entreprises, un objet central qui impacte directement la performance économique, la culture et l’expérience, un facilitateur de transformation et un accélérateur de croissance.
Si la marque est un actif immatériel, l’entreprise recherche souvent au travers d’elle à bâtir une notoriété, une image de marque et une relation connivente avec ses prospects et clients. L’idée de marque forte devient alors un but. Or, en suivant cette vision qui ne repose que sur l’effet de communication fragile des premières années suivant la création, la marque ne s’installe que très rarement durablement. Il vaut mieux préférer faire de sa marque une marque bankable. Ce schéma plus solide et plus ambitieux nécessite toutefois des explications.
La marque bankable est avant tout celle qui crée de la valeur
« Bankable » ! Cet anglicisme issu de l’univers du cinéma est désormais légitime pour les marques et les entreprises mais encore faut-il essayer d’en comprendre les contours. Est-ce uniquement en relation avec sa capacité financière, avec sa capitalisation, sa notoriété ou sa capacité à se positionner comme référent ? En définitive, la marque bankable regroupe l’ensemble de ces critères mais elle se pose avant tout comme une marque qui crée de la valeur pour l’entreprise et son public : consommateurs, utilisateurs, distributeurs, fournisseurs, partenaires économiques. Au milieu de 20 millions de marques dans le monde dont 90 000 noms de marques créés en France chaque année, les nouvelles marques doivent se faire connaître et reconnaitre pour émerger dans leurs secteurs. S’il fallait résumer la marque bankable en quelques mots, elle est celle qui cultive la rareté et l’utilité en transformant les usages, elle est celle qui attire naturellement par sa représentation (image, univers, produits, services), elle est crédible, audible et visible. Son branding lui permet d’atteindre après sa consolidation et son déploiement, une position orbitale pour devenir référente dans la différence (pas pour autant leader d’ailleurs). Pour une jeune pousse, la position orbitale qui correspond à une dimension « au-delà » du reste des autres marques, doit être un stimulateur permanent d’innovation.
Pour une startup, notons que la réussite ou la pénétration de sa marque sur un marché par l’effet dopant d’une levée de fonds n’est pas pour autant une clé immédiate pour être bankable. La marque à fort potentiel bankable donne capacité par sa représentation à attirer plus facilement à soi les investisseurs dans un processus de recherche de financement. La marque, par ce qu’elle représente grâce à tous ses attributs, affirme un positionnement, revendique des valeurs, une idéologie et une capacité à faire pour l’entreprise un élément déterminant de sa pérennité (financière, réputation, utilisation). Les derniers exemples en date comme ContentSquare, +Simple ou Doctolib ne le démentent pas.
Point de départ et objectifs
Son système identitaire est le point de départ de la plupart des stratégies globales. Cette étape essentielle ne doit pas être mise entre de mauvaises mains. Il ne s’agit pas de trouver un nom qui sonne bien, de préférer une couleur ou de penser que l’idée disruptive fera à elle seule la différence. Il faut définir une identité forte, socle déterminant pour traverser le temps et les tempêtes. L’ajout des ingrédients du positionnement et de l’innovation viennent enrichir ces possibilités à traverser le temps mais il s’agit là d’évolutions permanentes propres à la dynamique de toutes les entreprises.
La liste des éléments constituant une marque et plus globalement le branding est longue : création de nom, design du logotype, désignation du slogan, conception du packaging et des identités émotionnelles comme le design sonore ou olfactif, compréhension des cycles de vie pour mieux anticiper, nécessité de définir un schéma économique, segmentation et positionnement, plan média, approche omnicanal et CRM, délivrer une expérience client positive et différenciante, plan d’innovation et gouvernance, etc. Il est nécessaire d’explorer tous les thèmes pour comprendre et positionner les différents sujets liés à la création et à la gestion de marque. Il est primordial d’admettre qu’une marque qui veut devenir bankable doit passer par plusieurs étapes légitimes pour bâtir des fondations suffisamment solides afin de braver les affres d’un marché concurrentiel ou plus encore, enclin à la possible disruption soudaine de son secteur. Même si sous l’ère numérique, les marques technologiques gravissent les échelons plus vite, il ne faut pas délaisser les principes fondamentaux. Sans emprunter ce chemin, les décideurs d’entreprises multiplient les risques jusqu’au point de non-retour au moment où globalisation et digitalisation bousculent tous les codes.
La marque bankable n’est pas uniquement celle affichée dans les classements comme celui de Brandfinance (janvier 2018) où nous retrouvons les ténors mondiaux comme Apple, Google, Facebook, Samsung, Mercedes, Alibaba, etc. Toutefois les classements comme celui d’Interbrand donne une perception intéressante capable d’inspirer toutes les marques qui naissent chaque jour. Ils ont l’avantage désormais de considérer les marques non plus comme un élément décoratif et marketing mais comme un ensemble d’aspects intégrant les profits économiques (Economics profits) et les résultats attribuables à la marque (Branded earnings). C’est sous cet aspect qu’il faut déchiffrer tous les critères de ce genre de classement qui vont mêler des informations comme « la pertinence de la marque vis-à-vis des attentes consommateurs », la « réactivité de la marque à répondre aux changements » jusqu’au « résultat net ». La marque bankable n’a pas pour objectif unique d’obtenir les faveurs des consommateurs en terme de notoriété. Elle intègre l’indispensable besoin de vendre et de générer des profits, d’actionner favorablement le goodwill (la survaleur qu’apporte la marque à l’entreprise) et de communiquer efficacement sur son utilité et sa fiabilité. La conséquence est de devenir incontournable, une marque mémorable, une marque remarquable. Est-elle obligatoirement rentable ? Non, cette logique de marque n’accède pas « forcément » à la rentabilité immédiate. Elle n’est pas exclusivement « quick win ». Elle peut même engranger des pertes pendant plusieurs années dues à des investissements qui assurent son développement. Twitter entre par exemple dans cette catégorie où la marque affiche pour la première fois des bénéfices* 12 ans après sa création et 4 ans après son entrée en bourse. Avant même d’atteindre son point mort, les attributs de séduction de la marque, sa capacité à innover, à changer les paradigmes lui donnent de la valeur. Le « Run » de la marque bankable se vérifie à moyen et long termes. C’est ainsi « qu’une marque au coin de la rue » a toutes les chances de réussir si ses décideurs sont bien inspirés pour construire solidement et durablement une stratégie de branding cohérente. S’il fallait citer un autre exemple qui parle à tous, il faut se rappeler qu’une marque comme Amazon n’a pas connu la rentabilité durant ses 8 premières années d’existence. C’est à la fin de l’année 2002 qu’elle atteignit pour la première fois une résultat net positif alors qu’en parallèle elle avait investi depuis son lancement en 1994, 3,487 milliards de dollars (investissements marketing, logistiques et technologiques) … On sait désormais, qu’elle est devenue plus que jamais « bankable ! ».
Pour mieux comprendre les aspects de la création, de la gestion, du déploiement stratégiques et tactiques d’une marque, découvrez le nouvel ouvrage « Comment créer une marque bankable ? » aux Editions Ellipses paru le 9 janvier 2018.
* Au quatrième trimestre 2017 son premier bénéfice net se montant à un peu plus de 91 millions de dollars pour 732 millions de chiffre d’affaires (perte annuelle de 108 millions de dollars, 4 fois moins qu’en 2016).
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François-Xavier Goudemand est diplômé d’un Master en Management à l’ESSEC, titulaire d'un MBA marketing commerce sur Internet de l'EMLV à Paris et d’un Master en spécialité marketing à l’ESC Amiens. Après plus de 15 ans d’expérience en tant que Directeur marketing et communication ou patron de business unit dans les secteurs du digital, des telecoms et de la grande distribution, où il a participé activement à la création de 14 marques BtoC et BtoB, il donne ici sa vision de la création de marque visant à accompagner de manière pragmatique et opérationnelle les décideurs et les acteurs des startups, des PME ou des grands groupes. Il est intervenant au sein de plusieurs grandes écoles sur le web-marketing et les marques.