Depuis notre lancement il y a six mois, notre startup JOONE Paris a connu un décollage assez incroyable. Nous avons réussi à fédérer une communauté de parents qui se retrouvent dans nos valeurs, notre savoir-faire et notre gamme de produits. C’est formidable.
Nous expliquons au quotidien à tous ceux qui s’intéressent à nos produits pourquoi nous sommes plus chers que nos concurrents. Il y a le made in France bien sûr qui coute plus cher en charges salariales et patronales, il y a toute la logistique aussi en France (pour les mêmes raisons), le fait que nos collections soient limitées ce qui nous oblige à produire en plus petite quantité et donc, effet offre/ demande, nous payons plus cher pour produire un produit que pour en produire cent.
On pousse même la transparence à expliquer la liste INCI (traduisez la liste en latin écrite en tout petit au dos de vos shampooings / gels douches etc) en direct sur notre site pour que les gens soient informés, certes, mais surtout éduqués.
Alors nous expliquons au quotidien, tous les jours sans relâche, sans lassitude et avec amour la pourquoi et le prix des choses quand elles sont bien faites.
Mais le vrai prix de la transparence, ce n’est pas une histoire d’argent
Nous sommes arrivés sur un marché hautement concurrentiel où se battent un très gros leader (qui a eu le mérite d’inventer le produit), et plein de concurrents petits ou grands, dont un certain nombre a choisi depuis quelques années de surfer sur la vague du bio.
Quand nous sommes entrés sur le marché, notre volonté de transparence radicale nous a imposé d’être honnêtes: une couche ne peut par essence jamais être biologique. Toutes les couches au monde contiennent un produit de synthèse (traduisez: un produit fabriqué par l’homme donc par la chimie), qui est le seul composant sur terre à pouvoir absorber jusqu’à 150 fois son poids en liquide. Ce qui est bien pratique quand on parle d’une couche.
Le problème est que ceux qui ont choisi de promouvoir le bio se retrouvent démunis face à notre discours transparent qui explique aux parents que lorsqu’on leur fait croire que leur couche est bio, on leur ment, purement et simplement.
Les lois du marketing sont impénétrables, et bien des entreprises choisissent de ne pas dire la vérité (mensonge par omission au mieux, vrai désir de cacher une vérité nuisible au pire) pour ne donner que des informations que le client est prêt à recevoir. Ce n’est pas forcément fait par malice ou par méchanceté, mais juste car il est difficile de donner toutes les informations au consommateur sur un packaging en supermarché. Et parfois aussi, c’est un peu arrangeant.
Adieu donc le discours honnête et transparent
Place au mono-message clair. En l’occurrence dans notre industrie, place à la pseudo couche “bio”.
Sauf que nous, 10 ans plus tard, nous avons fait le choix de modifier radicalement l’accès au produit en proposant une vente exclusivement en ligne. En dehors du côté pratique (marketing très segmenté donc plus efficace) et du côté financier (pas de négociations avec des distributeurs), le fait de vendre en ligne nous permet d’avoir plus que les 4cm2 de surface d’un paquet de couches pour transmettre un Message. Nous avons des pages entières de site web où nous pouvons expliquer en détails ce qu’on fait, comment on le fait, pourquoi en le fait. On explique même qu’on ne peut pas recycler une couche malgré les promesses de certains d’avoir une couche à XX% recyclable.
Et évidemment, ça dérange beaucoup.... Nous savions que notre désir de transparence ne serait pas facile et que notre chemin serait semé d’embûches, nous sommes préparés pour faire face à ces petites ou grosses attaques sans que jamais elles n’entachent notre désir de faire les choses différemment. Et nous sommes accompagnés par un super cabinet d’avocats qui croit fort en notre message et nous aide au quotidien à naviguer en eaux troubles.
Récemment, nous avons heurté un nouveau mur
Nous travaillons dur avec les fabricants qui ont fait le choix courageux de s’engager avec nous, qui croient comme nous que l’industrie évoluera vers la transparence et l’information, qui ont envie d’ouvrir les murs de leurs usines et de parler sans crainte d’un secteur traditionnellement très opaque.
Ça ne se fait pas en claquant des doigts, il faut des jours, des mois de discussions avec nos partenaires pour que notre volonté de transparence ne soit pas interprétée comme une menace dans une industrie où la propriété intellectuelle est très importante.
Dans cette optique, nous avons mandaté un laboratoire français indépendant très réputé et très sérieux pour faire les analyses toxicologiques de nos couches afin de nous assurer qu’en effet, nos produits étaient sains.
Comme 60 Millions de Consommateurs avait fait analyser la plupart des couches sur le marché lors de sa grande étude, donc nous nous sommes dit qu’il était inutile de re-payer des analyses comparatives avec des couches qui avaient déjà été étudiées. Pour avoir un point de comparaison, nous avons donc choisi une nouvelle marque qui s’est lancée en France en même temps que nous, un concurrent dans la vente en ligne de couches.
Nous avons payé pour faire nos analyses, et celles de notre concurrents
Nous avons payé pour obtenir un rapport comparatif de ces analyses.
Nous avons payé et signé un contrat pour tourner une vidéo avec une pharmacienne toxicologue qui explique en des termes simples et très neutres les résultats d’un rapport assez technique pour que nos clients puissent les comprendre.
Nous voulions juste être transparents et donner nous-même à nos parents ces infos. Car la vérité n’est pas l’apanage des journalistes, ça peut aussi devenir celui des entreprises.
Et là, le bât blesse
Depuis dix jours, alors que la vidéo est montée, le rapport rendu, je n’ai pas la liberté de publier la vidéo comparative ni de communiquer sur ces analyses comparatives.
Car si on commence à communiquer sur des analyses toxicologiques comparatives, alors tout le monde va se mettre à vouloir faire pareil, et que, comme toujours, c’est très compliqué d’être le premier à s’engager pour quelque chose de différent.
Car comme nos analyses sont sensiblement meilleures (pas de glyphosate, pas de dioxine, pas de HAP, un seul Composé Organique Volatile super inoffensif), le simple fait de donner officiellement ce résultat, de manière publique, devient une menace pour le laboratoire qui risquerait d’être accusé de favoritisme alors qu’ils ont juste fait leur travail de scientifiques.
Peut-être ont-ils peur d’ouvrir une boîte de Pandore où les industriels vont se ruer pour faire des analyses comparatives comme on fait désormais des comparateurs de prix. Ou peur que demain, certains de ces industriels seraient inquiets car ils seront passés du côté transparent de la force.
J’ai pas mal repoussé l’écriture de ce billet en me disant que le combat pour la transparence devait se faire avec symbiose, cohésion et confiance, dans une volonté commune de démontrer que l’on pouvait faire de l’argent en faisant les choses bien. Doing well by doing good, c’est ce qu’on m’a appris à mon MBA aux Ponts et Chaussées.
Aujourd’hui, j'ai décidé de dévoiler le résultat des analyses toxicologiques de mes couches. Car cette transparence, c’est l’avenir de l’industrie, j’en suis persuadée.
Aujourd’hui, je remonte mes manches, et je m’engage...
... Pour faire un pas de plus dans ce combat. Pour aider à mieux définir les standards de demain.
En espérant que l’industrie réagira avec soutien, et bienveillance, et prendra quelques minutes, quelques semaines pour se remettre en cause. J’en profite pour remercier mon équipe de folie qui me soutient depuis 10 jours dans cet état de stress incroyable qui régie nos journées.
Et j’espère que dans dix ans, on ressortira ce vieil article des archives en se disant avec étonnement, “ah bon, mais avant, ca n’existait pas la transparence radicale sur les produits ? C’est fou !”
C’est fou, en effet.