Maddyness commence son tour du monde entrepreneurial par la Russie. Un pays à la réputation plus que sulfureuse qui semble pourtant avoir de très bonnes raisons d’attirer les regards. Décrite par tous comme une nation de cerveaux, reconnue comme étant le premier marché Internet d’Europe (elle a dépassé l’Allemagne, en nombre d'utilisateurs, dès 2011), la Russie offre également des possibilités de financement qui dépasse très largement celles offertes en France. Trop beau pour être vrai ? Et pourtant…
Initiée par l’ex-président Dmitri Medvedev pour limiter la dépendance de l’économie russe au pétrole et au gaz, la Russie compte sur les nouvelles technologies pour mieux assurer son avenir économique. Une vision épaulée par un volontarisme politique fort et par un relais important dans les sphères privées qui soutiennent l’écosystème russe encore naissant.
L’état providence
Longtemps absent des politiques mises en œuvre dans les nouvelles technologies et plus largement vers les startups, le gouvernement encourage aujourd’hui l’écosystème par des lois comme Skolkovo mais aussi par des commandes étatiques. D’autres aides ont également été débloquées par le gouvernement et certaines en partenariat avec l’État français comme celle mis en place par Oséo et le fonds Bortnik qui permettent d’obtenir des fonds des deux côtés de la frontière.
Skolkovo, la ruée vers l’or
Si les réussites internationales sont encore rares (citons Kaspersky, Evernote ou Cut The Rope par exemple), une nouvelle Mecque des startups semble sortir de terre à Skolkovo largement appuyée par l’Etat qui dote cette ville nouvelle de largesses considérables. Le chantier est situé à 15km de Moscou et va concentrer les meilleurs universités du pays ainsi que des labos de recherche et développement russes et du monde entier, sans oublier bien sûr les startups russes et étrangères qui viendront naturellement s’agglomérer à cet énorme potentiel business.
"Le gouvernement se rend compte que le pétrole n'est pas éternel et prend aujourd'hui conscience de l'importance de l'innovation sur son économie" Adrien Henni, fondateur d'East-West Digital News
Depuis le lancement du projet en 2010, l’Etat a injecté près de 2 milliards de dollars et quatre autres à l’horizon 2016. La technopole distribue surtout de généreuses subventions à ses résidents comprises entre 250 000 et pouvant aller jusqu'à 5 millions de dollars même si les dossiers sont relativement compliqués à obtenir, l'offre est extremement alléchante pour relativement peu de contraintes (une activité de R&D en Russie et une présence physique à Skolkovo en 2015). Enfin, le dispositif de Skolkovo, qui permet de bénéficier d’une exemption fiscale pour près de 10 ans, suffit à décider de nombreux entrepreneurs.
Le privé, un secteur en forte hausse
Si les incubateurs et les concours d'innovation se multiplient en Russie, les moyens de financement sont impressionnants et permettent aux startups de s’assurer de la bonne longévité des startups. Un moyen de réduire, certains obstacles, tels ceux que les startups rencontrent couramment en France dans les premières étapes de leur financement. Pour ne citer qu'un exemple symbolique de la puissance du secteur, DST, le grand fonds russe international, a été l'un des premiers investisseurs institutionnels de Facebook en 2009. La Russie vient aussi d'être reconnue comme le pays en Europe dont la croissance des investissements en capital risque a été la plus forte sur les deux dernières années, un signe de la vitalité du secteur.
Le secteur privé participe également aux efforts entrepris par le gouvernement et notamment dans la construction de la technopole de Skolkovo pour tenter de bâtir les infrastructures nécessaires à la construction de l’écosystème startup. La présence de nombreux leaders de l’industrie High Tech dans la technopole montre également l’intérêt que porte ce secteur dans ces nouvelles perspectives avec des grands noms comme Cisco, Intel, Microsoft ou Nokia.
Une opportunité pour les français
Certains français ont déjà sauté le pas comme Capptain (Ubikod), financés par un fonds d’investissements russe (Runa Capital). Mais la demande reste relativement faible, nous confie Yannick Tranchier, fondateur d’Ob’vious, face à des a prioris qui restent très pénalisant pour la Russie. Une nation qui a pourtant l’air d’un eldorado au vu des aides prodiguées par l’État, la santé du secteur privé mais aussi par la pénurie de profils « business » sur place. C’est en effet une des grosses lacunes que semblent identifier les acteurs du secteur dans ce pays ou les profils techniques et scientifiques sont abondants mais où les cadres commerciaux et autres managers sont beaucoup plus rares.
"Les startups rêvent d'aller aux USA mais c'est loin d'être la meilleure opportunité pour elles" Yannick Tranchier, fondateur d'Ob'vious
Les Français sont également peu implantés en Russie - à la différence des Allemands qui ont mieux su comprendre l’importance du géant russe. Est-ce à cause des risques que ce pays réveille dans l’inconscient collectif (principalement le risque des hackers, de la corruption et des difficultés administratives)? La Russie a pourtant de nombreux atouts, entre des marchés intérieurs florissants, les partenariats R&D et les opportunités de financement ouvertes aux étrangers. Parions que les jeunes pousses françaises finiront par s'y intéresser.