Dans le sillon des révélations autour de l'affaire Weinstein qui a ébranlé le milieu du cinéma, nombreux sont les secteurs où la parole s'est libérée. La Tech, relativement silencieuse, n'échappe pourtant pas aux dérives sexistes, des blagues salaces au harcèlement sexuel. Pour mesurer l'étendue des dégâts, la startup Social Builder a interrogé près d'un millier d'étudiants et d'étudiantes dans des formations technologiques ou numériques.
Le phénomène #BalanceTonPorc n'épargne pas le secteur de la Tech. Du harcèlement sexuel pratiqué par certains managers des licornes de la Silicon Valley aux comportements sexistes d'étudiants des plus prestigieuses écoles françaises d'informatique, les scandales se sont multipliés dans le milieu Tech ces derniers mois. Plus que des dérapages occasionnels, ces affaires successives témoignent d'une culture sexiste dont le secteur a du mal à se défaire.
Afin de mesurer la réalité et l'étendue de celle-ci, la startup Social Builder, spécialiste de l'égalité homme-femme dans les métiers du numérique a réalisé une enquête sur le sexisme dans les formations technologiques et numériques françaises. Elle a enregistré près d'un millier de réponses, provenant d'étudiants d'un réseau de 18 formations partenaires (42, Web@cadémie, Samsung Campus, Coding Academy, Wild Code School, Simplon, Centrale Marseille, Telecom Sud Paris, Telecom ParisTech, Telecom Ecole de Management, PopSchool, Cefim, l'UPEM, O'Clock, WebForce, BeWeb, OpenClassrooms et Codi'n'Camp).
Une culture sexiste intégrée par les étudiants
Les chiffres rapportés dans l'étude démontrent à quel point les comportements sexistes sont répandus dans le secteur : 53% des répondantes ont été l'objet de blagues en rapport avec leur genre, 42% ont subi des remarques sexistes en lien avec leurs compétences et 10% ont été les victimes de harcèlement "sexiste ou sexuel" durant leur formation. Maintes fois mentionnée dans les articles traitant du sexisme dans les formations Tech, la diffusion publique de contenus pornographique est loin d'être anecdotique : 20% des répondants ont dit y avoir été exposés contre leur gré, principalement dans les écoles d'informatique (65% des cas).
Pourtant, l'ampleur de ce phénomène n'est pas appréhendée de la même façon par les hommes et les femmes. Si 86% des répondantes disent avoir été témoins de comportements sexistes et près des trois quart (73%) de blagues sexistes, seuls respectivement 42% et 31% des répondants font le même constat. "Tu ne te rends pas forcément compte de ce que tu dis quand tu es un mec", reconnaît Thomas, l'un des répondants. Dans un univers largement composé d'hommes (94% des répondants déplorent qu'il n'y ait pas assez de femmes dans le secteur de la Tech), la culture sexiste a été intégrée par les étudiants qui peinent à identifier un comportement déviant.
La légitimité des femmes constamment remise en question
Cette culture sexiste ne se traduit pas seulement par une "mauvaise période" à passer pour les étudiantes en vue d'obtenir leur diplôme. Elle a un impact négatif sur la confiance que ces étudiantes placent en elles-mêmes et la perception de leurs compétences. Ainsi, alors que 70% des étudiants disent se sentir prêts à travailler directement après leur formation, seules 56% des étudiantes partagent cette idée. Rien d'étonnant, puisque les deux tiers (67%) expliquent la faible présence des femmes dans l'univers numérique par un sentiment d'illégitimité.
"Être une femme, ça facilite l'embauche mais c'est difficile ensuite, résume Sarah, l'une des répondantes. C'est un atout d'être une femme en ce moment car il n'y en a pas assez, donc on a plus de chances d'être embauchées. Mais être la seule femme dans un service, c'est difficile et il faut en faire dix fois plus." Un constat confirmé par une étude de Booking.com sur les préjugés sexistes au sein des entreprises Tech, même dans des métiers non technologiques (marketing, communication...) : près de la moitié (48%) des femmes interrogées estiment qu'elles sont moins respectées qu'un homme ayant le même poste non technologique qu'elles et plus de la moitié des femmes occupant un poste de haute direction (52%) ou membres d'un conseil d'administration (57%) ont déjà subi des préjugés sexistes.