De l'intelligence artificielle à la cybersécurité, les deep tech envahissent notre quotidien. Si les Etats-Unis et l'Asie ont déjà pris de l'avance en la matière, l'Europe a elle aussi l'occasion de s'imposer sur la scène mondiale. Cédric Favier, venture investor chez Seventure Partners, fait le point sur l'essor de ces technologies.
Depuis quelques mois, on entend régulièrement parler des "frontier tech" ou des "deep tech" comme d’un nouvel eldorado. En France, on cible plus particulièrement l'intelligence artificielle (IA) avec notamment les initiatives "France is AI" lancée par Paul Strachman et "France AI" menée par le gouvernent. Plus largement en Europe, on parle de "deep tech", c'est-à-dire des startups avec une dimension technologique forte qui adressent un marché dynamique ou en émergence.
En plus de l'IA (au sens large), on peut notamment ajouter : la cybersécurité, le "frontier hardware" (aéronautique/espace, drones, impression 3D, robotique, véhicules autonomes, etc.), l'internet industriel (IoT, "industrial internet of things") et la réalité augmentée/virtuelle. A l'occasion de Slush, une étude détaillée a été publiée par Atomico sur le sujet présentant l'Europe comme le centre gravitationnel mondial des deep tech et la France comme un hub majeur.
La France, un écosystème favorable aux deep tech
Pourtant, selon les techno-pessimistes, après avoir perdu les batailles du soft (au détriment des États-Unis) et du hardware (au détriment de l'Asie), la vieille Europe aurait déjà manqué la nouvelle vague de la data et le retard ne serait pas rattrapable. Il serait même impossible culturellement de créer un écosystème favorable à l'innovation sur le vieux continent et l'environnement français serait même toxique. Certes, nous n'avons pas l'historique de la Silicon Valley ni la stratégie nationale d'Israël mais toutefois de nombreux atouts. Il serait absurde pour l'Europe d'essayer de reproduire ces modèles et notre écosystème pourrait être même particulièrement favorable à l'émergence des deep tech.
Au-delà des considérations macros et du buzz marketing, il y a effectivement de plus en plus de startups deep tech en phase "early stage". La startup Botfuel est un très bon exemple. Suite à une récente levée de fonds, ses fondateurs veulent faciliter l’industrialisation des "chatbots" en entreprise et révolutionner l'expérience utilisateur avec une plateforme de développement à la pointe de l’IA et du traitement du langage naturel.
On retrouve également des sociétés plus matures qui tirent parti des deep tech et qui sont en passe de devenir des licornes (ex. en France : Actility, Cedexis et Sigfox). Ce nouveau potentiel économique se situe au croisement de l’industrie, des nouvelles technologies et des sciences et représente une opportunité unique pour l'Europe. Selon John Chambers, patron de Cisco, la France serait même "the next big thing".
Une nouvelle révolution numérique, orientée B2B
Si les plus grands succès dans les dix dernières années ont été dans le domaine B2C, actuellement nous passons de l'ère de l'Internet grand public à l'Internet industriel (majoritairement B2B). Compte tenu de sa forte base industrielle, l'Europe pourrait donc bénéficier de cette nouvelle vague d'innovations et créer quelque chose d'unique. Nous disposons d'atouts culturels, humains, financiers, économiques et scientifiques pour réussir dans cette nouvelle économie, mais il reste toutefois de nombreux efforts à accomplir.
Selon moi, nous ne sommes pas à l'aube d'une Renaissance ou d'une 3ème (ou 4ème) révolution industrielle, mais d’une deuxième vague de la révolution numérique (B2B et industrielle cette fois-ci). Je suis convaincu que la puissance de l'innovation, des entrepreneurs et des communautés collaboratives peuvent produire des changements positifs et significatifs. Notre écosystème a atteint un stade de maturité majeur et l’Europe et la France ont une vraie carte à jouer pour devenir le centre gravitationnel des deep tech. Nos futurs leaders politiques doivent donc mettre en place les mesures appropriées pour soutenir ce mouvement et construire une Europe forte. La clef du succès est dans la coopération, le décloisonnement et la multidisciplinarité. Il n’y a plus de temps à perdre, tous les acteurs doivent agir concrètement, collaborer et vite !
Retrouvez cet article sur la page LinkedIn de Cédric Favier où il a été initialement publié