Il est sur les lèvres de tous les managers et entrepreneurs, fait les gros titres des journaux et anime des conférences entières. Le "Big data" s'est peu a peu imposé à tous, particuliers et entreprises, dans les dernières années. Tous ont le pressentiment que ce Big Data est vraiment un sujet central, qui préoccupe, tant ses impacts peuvent être importants, notamment au niveau micro-économique. Article rédigé par Astrid Laplanche, Growth Analyst pour La Belle Assiette.


Le Big data serait-il la nouvelle formule magique pour assurer des croissances d’entreprises plus vigoureuses et, surtout, durables? Une étude Xerox, menée par Forrester en mai 2015 auprès de 330 entreprises dans 5 pays européens tente de faire le bilan.

S’appuyer sur le Big Data pour améliorer les performances business: les attentes des managers

C'est bien confirmé, le Big Data fait désormais partie des préoccupations principales des managers et dirigeants d'entreprises : il fait partie des top priorités de près de 74% des entreprises européennes pour leurs projets en 2015.

Mais comment définir le Big Data? L’étude parle d’un “ensemble de méthodologies, processus, architectures et technologies, où des logiciels, algorithmes ou processus allant au-delà des techniques actuellement utilisées pour l’analyse de données sont nécessaires, afin de gérer des données volumineuses, analysées rapidement et variées, et finalement d’en tirer une valeur ajoutée”.

Gilles Babinet, auteur de Big Data, penser l'homme et le monde autrement, reprend en effet les “3V” pour qualifier le Big data: volume, vélocité (comprendre le fait de décider de l’angle d’analyse à la dernière seconde) et variété. Les familles d’application sont de trois ordres: révéler (segmentation stratégique, clustering), prédire (trafic, pollution) et réagir (marketing, sécurité).

À l’échelle des entreprises, ceci se traduit concrètement de façon différente, les applications variant bien entendu selon les secteurs. Par exemple, les entreprises industrielles cherchent en priorité à améliorer la sécurité des produits et services, ce qui peut passer par l’optimisation de la supply chain : le Big Data permet de collecter des données sur les machines, et de faire de la maintenance prédicative, pour éviter les pannes. En grande consommation et distribution, l’utilisation du Big Data est déjà bien connue pour tout ce qui permet d’améliorer l’expérience client et d’accroître la fidélité des clients. Deux exemples parmi des milliers : le Big Data est “customisable”.

Cependant, si les modalités sont différentes, l’objectif final des managers reste le même: faciliter la prise de décision stratégique et gagner en compétitivité.

Du rêve à la réalité, le chemin est long

Si la majorité des entreprises mesure l'enjeu théorique du Big Data, beaucoup le voient encore comme un eldorado difficilement atteignable : presque un tiers des entreprises interrogées en sont encore au stade de se demander comment créer de la donnée de qualité - sans cette base, impossible de tirer des analyses claires, précises et qui peuvent avoir un réel impact sur son activité. Ainsi, une entreprise de e-commerce qui ne dispose pas des moyens pour collecter des informations précises sur ses clients ne pourra que difficilement s'appuyer sur le Big Data pour améliorer son service client ou son expérience client en ligne.

On peut ainsi distinguer divers groupes d’entreprises, définis par différents degrés de maturité par rapport au Big Data :

  • “Datarati”, ou data-experts : elles ne représentent que 20% des entreprises sondées. Ce sont des entreprises qui possèdent déjà une haute compétence en traitement des données et pour lesquelles le Big Data a déjà un réel impact dans la prise de décision et le business planning.
  • Data explorateurs : la majorité des entreprises appartiennent à cette catégorie, comprennent l’enjeu du Big Data et mettent en place des mesures, mais dans un mode exploratoire.
  • Data cancres : ces entreprises ne sont pas encore en mesure de créer des données de qualité. Elles ne peuvent donc pas exploiter le levier du Big Data de façon précise et fiable.

Jusqu'à présent, il semblerait que la courbe d'expérience des entreprises soit croissante et sans palier: plus une entreprise fait d'efforts pour améliorer les processus de Big Data, de la qualité à l'implantation, plus elle sera en mesure d'en tirer de réels leviers de croissance.

La motivation des managers mise à l’épreuve : les nombreux freins et obstacles au déploiement du Big Data dans les entreprises

Si les data cancres sont les premiers à souligner leurs craintes par rapport à la possibilité de créer des données de qualité, ils ne sont pas les seuls à mentionner des obstacles à la mise en place d’une politique de Big Data efficace. Les obstacles qui surgissent varient en fonction du niveau de maturité numérique  des entreprises ainsi que de pays à pays.

Ainsi, en plus de la question de la production de données de qualité, les entreprises peu matures se soucient des questions réglementaires, législatives et contractuelles. On peut par exemple citer les directives européennes sur la protection des données utilisateurs, débattues depuis plusieurs mois, et qui posent la question des limites de la collecte de données sur les utilisateurs. Le consommateur ne risque-t-il pas de se faire manipuler? Comment sont réellement utilisées les données? A-t-on besoin de tant de données… Les entreprises ont du mal à suivre.

Au-delà de ces questionnements, apparaît un débat plus large, parfaitement expliqué par Gilles Babinet: “Le Big data, culture ou technologie”?

En effet, mettre en place le Big Data dans une entreprise nécessite de mettre en place de nouveaux outils, de nouveaux processus, mais aussi de repenser l’organisation de l’entreprise (organisation transversale, là où la plupart des entreprises actuelles sont horizontales), voire d’envisager une externalisation, de restructurer le management (Chief Data officer) et de revoir les compétences humaines requises dans les équipes (Data experts)... Bref, le Big Data implique une réelle transformation de l’entreprise et la mise en place d’une nouvelle culture d’entreprise, essentiellement data-driven: ce changement doit venir du haut, le CEO doit impulser ce changement et désigner des managers pour le concrétiser dans les différentes équipes.

Les entreprises européennes sont optimistes et attendent beaucoup du Big Data - et notamment un ROI positif en 12 mois, mais sont elles assez sensibilisées à l’enjeu organisationnel et culturel qu’il représente?

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