Alors que le salon Innorobo a récemment pris fin, la France réaffirme son ambition d'être un des leaders mondiaux de la robotique. Un défi qui s'accompagne de mesures gouvernementales et privées que décrypte, pour Maddyness, François Payot, Référent Stratégie Régionale d'Innovation de l'ARDI (Agence Régionale du Développement et de l'Innovation) Rhône-Alpes, la région qui a accueilli le salon :[hr]
La région Rhône-Alpes est-elle la région des robots?
Compte-tenu de son poids économique et industriel, Rhône-Alpes est une région incontournable dans le domaine. Elle dispose en effet d’un potentiel de compétences et de savoir-faire très larges dans tous les compartiments de la chaîne de valeurs d’un robot : intelligence artificielle, capteurs, Interfaces Homme-Machine, mécatronique… tant sur les plans industriels que scientifiques.
Une enquête réalisée récemment par l’Agence Régionale du Développement et de l’Innovation (ARDI) dénombre plus de 300 entreprises qui sont - ou peuvent prétendre à être - acteurs majeurs dans ce secteur, plus d’une quarantaine de laboratoires et un nombre de plus en plus important d’établissements d’enseignement supérieurs qui proposent des formations en robotique.
Comment expliquez-vous l’attrait de votre région pour la robotique?
La diversité des compétences technologiques industrielles, l’horizon à 360° des recherches couvert par les laboratoires publics et privés, les formations (grandes écoles, universités, autres) constituent ainsi un socle solide et bien réel dans un espace favorable à toutes les applications visées par la robotique, et à toutes les mises en œuvre d’une offre pertinente.
Les technologies numériques sont ancrées sur tout le territoire et sont même quasiment culturelles à Grenoble, par exemple.
La robotique étant consommatrice de ces technologies (composants électroniques, logiciels embarqués, agents intelligents, IHM, mécatronique, etc.), il était naturel que les acteurs économiques de la région se mobilisent pour faire de ce secteur un domaine d’excellence régional. Cette mobilisation qui s’articule autour de l’ARDI, des Pôles de compétitivité et des clusters présents en Rhône-Alpes favorise les projets collaboratifs et développe de ce fait un fort pouvoir d’attraction.
Que pensez-vous de la situation de cette science en France? Et si nous devions la comparer à l’international?
Il s'agit sans doute plus d’un savoir-faire que d’une science. Pour réaliser une machine capable de prendre une décision dans l’environnement pour lequel elle est prévue, il faut savoir assembler des composants logiciels et matériels. Cela relève de l’approche systémique, une ingénierie bien maîtrisée par des intégrateurs spécialistes des domaines où la robotique est une valeur ajoutée réelle. Les briques fondamentales d’un robot sont l’intelligence artificielle (association pertinente d’agents intelligents ou algorithmes logiciels) et l'interface humain/machine.
Les français ont une excellente réputation internationale dans la maîtrise des algorithmes.
De nombreux chercheurs ont établi des relations solides avec leurs homologues au Japon par exemple, ou encore aux Etats-Unis. L’INRIA, entre autres, s’est forgée une image solide en la matière et ses chercheurs travaillent en étroite collaboration avec des équipes du CNRS, de l’ENS ou du CEA.
Rapportée au nombre de citoyens français, la densité de mathématiciens (science incontournable du logiciel) dans l’hexagone est la plus élevée au monde, semble-t-il. Il faut simplement savoir en tirer partie, et la robotique est un des domaines pour lesquels cette spécialité est incontournable.
Les faits marquants que vous pourriez tirer du salon Innorobo?
Un salon enfin tourné vers l’industrie où la robotique en production est un vecteur de croissance pour la majorité des PME (en termes d’équipements à acquérir et à produire !). La robotique de service devient plus explicite : elle n’est pas seulement celle qui fera de l’espace privé (le domicile) un lieu sans contraintes ménagères par exemple, mais elle est d’abord celle qui fera de l’espace professionnel (usine, bureau, laboratoire, exploitation agricole, surveillance / sécurité, administration…) un lieu où circuleront aussi des robots qui assisteront les femmes et les hommes. La "cobotique", collaboration utile et efficace entre l’humain et la machine, est LE vecteur de développement de la robotique de service.
Le robot qui assistera la personne âgée ou en situation de fragilité chez elle devra prendre en compte (plus qu’ailleurs) le mode émotionnel de la relation humaine. C’est un pan énorme de recherche en cognitique qui est en train de s’ouvrir. Mais attention, le robot anthropoïde n’est pas encore pour demain, son homologue à roulettes est bien plus pragmatique et abordable.
Quelles startups se démarquent pour vous dans ce secteur?
A tout seigneur tout honneur, commençons par AWABOT (69) et sa vision d’une robotique de service en milieu scolaire, au domicile (HAD, MAD, etc.) et ailleurs.
- ADEPT, à Chavanod (74), et son véhicule autonome de transport (Adept Lynx),
- EOS Innovation (Evry) et son robot de surveillance des sites industriels et entrepôts.
- En Italie, Hands Company et son robot de service ADAM... et bien d’autres !
Le vaste horizon des domaines exploitables par la robotique laisse encore beaucoup d’espace à ceux qui veulent s’y lancer à condition d’accorder une attention particulière à l’approche par les usages.
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