En moyenne, il y a dans les entreprises 27 codes et identifiants que seul le dirigeant connaît. Ils donnent accès à des données indispensables au fonctionnement de l'entreprise. Ces secrets peuvent disparaitre et paralyser l'activité. Chaque année en France, 17 000 PME sont à transmettre, 8 000 disparaissent soit par manque d’anticipation soit en raison du décès du chef d’entreprise. Un créneau d'avenir sur lequel a souhaité travailler une jeune entreprise française, lancée par Benjamin Rosoor et Marc Bouguié. Baptisée Transmitio, cette startup s'attaque justement au manque de préparation, qui comprend parmi plusieurs facteurs, dont la transmissions des codes et accès aux services clés des entreprises. Pour en savoir plus à ce sujet qui peut intéresser tout entrepreneur, la rédaction de Maddyness est allée à la rencontre des fondateurs. Interview.
Quels sont par expérience, les exemples de paralysie d'entreprise suite au décès d'un des dirigeants ?
1- Les bombes à retardement
C’est un phénomène bien connu dans les petites entreprises avec le renouvellement des marques. Comme souvent c’est fait au nom du créateur, la date anniversaire (tous les 10 ans) est oubliée. C’est encore plus sensible avec les noms de domaine. Les relances des Registrar sont exclusivement faites par e-mail. Si dans l’entreprise on n’a plus accès à l'e-mail du déposant (souvent aussi le gérant), alors les relances passent...et au final le nom de domaine peut de nouveau être disponible.
70% des dirigeants de TPE/PME disposent de plus de 11 codes et identifiants web pour faire tourner sa boîte, selon une étude menée par Transmitio de Juillet 2014 effectuée auprès de 162 professionnels.
Avec le numérique, on n’est de moins en moins propriétaire des informations ou des fichiers, on loue de l’espace ou des droits d’utilisation. Il est donc nécessaire de renouveler régulièrement ces droits : mensuellement ou aux dates anniversaire. Il faut savoir que la première chose qui est faite lors d’un décès, c’est de bloquer l’ensemble des comptes en banque de la personne. Si par mégarde, la carte bancaire enregistrée pour ces services en ligne est celle de l’individu...elle ne ne permettra pas de payer l’abonnement ou bien encore le renouvellement automatique.
2- La facturation. J'ai pas de DSI, j'ai failli faire crever la boîte
Facturation et devis, prospection, carnet d’adresses...C’est souvent des informations qui sont connues du seul dirigeant de l’entreprise. Et il est d’ailleurs assez rare qu’elles soient partagées même avec des associés. En effet, ces données sont en lien direct avec le business, c’est un capital important à ne pas laisser entre toutes les mains. De plus en plus, ces informations sont dans le smartphone du dirigeant (qui se souvient d’un numéro de téléphone aujourd’hui), leur tablette ou leur ordinateurs.
Des secrets qui peuvent s’envoler et qui obligent l’équipe qui reprend la barre de la boîte à reconstruire plutôt que de “poursuivre” l’activité.
3- Je détiens les secrets de tiers
On a eu l’idée de créer Transmitio après le témoignage d’un ami “patron d’une agence immobilière”. Il était en panique parce qu’il n’avait plus accès à son site internet sur lequel il publiait ses annonces, en clair, sa principale vitrine. Et la raison était simple : son “webmaster” était mort. Son webmaster était un informaticien indépendant qui avait la main et donc les accès au système de gestion du site (CMS) et à l’hébergement. Mon ami a été obligé d’appeler la veuve qui ne connaissait absolument pas le code secret de l’ordinateur de son mari.
Aujourd’hui, on s’aperçoit que de nombreux prestataires - indépendants, freelance, auto-entrepreneurs mais aussi TPE détiennent les secrets de leurs clients via des codes et identifiants. Ils ne prévoient rien pour les transmettre en cas de besoin.
Pourquoi avoir choisi de se lancer sur ce créneau ?
Nous avons choisi de nous lancer dans la protection et la transmission du capital numérique des entreprises car personne ne prend sérieusement en compte cette problématique. On parle beaucoup de transformation digitale des entreprises, d’identité numérique des individus, sans jamais évoquer le devenir de ses données.
Si le sujet est important pour un individu, il est critique pour une entreprise. En effet, les usages du Cloud, de la dématérialisation, des services SaaS, participent à un transfert d’une partie des actifs de l’entreprise vers l’extérieur. Il nous paraît donc vital de proposer un moyen légal, sécurisé et fiable pour que les chefs d’entreprises conservent le contrôle sur la vie numérique de leur TPE et PME et puissent garantir sa transmission, en cas de décès. Il s’agit tout simplement d’une question de garantie de la continuité d’activité et donc, de préservation d’éventuels emplois.
1 profil sur 100 sur Facebook est celui d’une personne décédée, selon la CNIL
Quid de la concurrence ?
Le plus gros concurrent contre lequel nous luttons est la méconnaissance des enjeux auxquels nous répondons.
Après, il existe des solutions de gestion des mots de passes, des coffres-forts numériques. Ils offrent de la sécurité pour les données numériques, du stockage, mais ne répondent absolument pas à la nécessité de prévoir la transmission d’informations clés, aux bonnes personnes et au bon moment.
Facebook avec “Legacy contact” ou encore Google avec "Inactive account manager" ont lancé leurs propres solutions pour “léguer” son compte Facebook ou son compte Gmail mais ça n’est pas du tout satisfaisant.
Ces systèmes ont à la fois de grosses lacunes de sécurité et de fiabilité. Facebook en a d’ailleurs été victime récemment par le biais d’un journaliste qui a simulé sa mort. Quant à Google, il faut accepter de voir ses informations être transmises sur la base d’un contrôle d’activité. Si vous ne vous connectez pas à votre compte pendant un certain temps, vos données sont libérées.
Aucune entreprise ne peut courir le risque de confier des données essentielles à son business à des services aussi peu aboutis.