Afin de démontrer qu’il existe des solutions de financement en France, Maddyness part à la rencontre d’acteurs qui soutiennent l’investissement en phase d’amorçage. Premier volet de cette série, Scientipôle Capital, société de capital risque perchée au 3ème étage des anciens locaux de l’Institut d’optique d’Orsay, aujourd’hui dit « bâtiment 503 », au cœur du Plateau de Saclay.
L’histoire
Né au cœur du plateau de Saclay en 2006 dans un paysage financier déserté par les investisseurs, Scientipôle Capital est d’abord issu d'une expérimentation : celle d’investir dès l’amorçage dans la lignée d’un organisme amont (ici Scientipôle initiative, qui délivre des prêts d’honneur) afin de réduire le risque - et le coût de sélection - et accroitre les chances de réussite.
Aujourd’hui, cela peut paraître banal puisque que l’on peut constater depuis 2 ou 3 ans l’essor d’incubateur et d’accélérateur s’étant lancés dans le créneau. Mais, en 2006, il s’agissait d’une initiative innovante et celle-ci a justement séduit la Caisse d’Epargne Ile de France, qui avait également la volonté de participer à la construction du tissu économique de son territoire.
Pour les mêmes motifs, cette banque régionale a été suivie par la Banque Populaire Val de France - qui croit beaucoup au développement du plateau de Saclay - le Crédit Agricole d’Ile de France, Malakoff Médéric et Alizé Innovation. C’est ainsi que Scientipôle Capital est devenu le premier investissement de Revital Emploi. La Région Ile de France et Bpifrance ont évidemment complété ce premier tour de table.
Une société de capital risque « evergreen » d’amorçage
Scientipôle Capital est une entreprise. C’est la forme juridique d’une société de capital-risque, qui présente de grands avantages de simplicité, d’économie et de transparence, qui a été choisie. C’est également un investisseur dit « evergreen » : l’entreprise investit et désinvestit en continu, ce qui permet de respecter les cycles de développement des entreprises. Il n’y a pas, par exemple, de période de sortie impérative, celles-ci peuvent s’étaler de 2 à …10 ans, élément important dans le cadre de l’amorçage.
L’équipe de Scientipôle Capital est riche d’expérience et porteuses d’idées. Avant de se passionner pour l’entrepreneuriat au début des années 2000, Nathalie Ricoeur-Nicolaï (docteur en économie) exerçait à la Caisse des Dépôts et Consignation. Grâce à ses compétences reconnues sur les marchés émergents, elle a alors décidé de changer de métier et effectué un virage à 180°, pour éviter une certaine routine et sortir de sa zone de confort.
Quant à Jean-Pierre Humbert, président de Scientipôle Capital, il a tout simplement exercé tous les métiers. Ingénieur de formation, journaliste scientifique, directeur commercial, DRH de HP France et PDG d’Agilent, il complète sur le tard son expérience par une licence de psychologie. L’un et l’autre s’appuient sur Florence Cadereau, qui tient notamment le back-office d’une grande rigueur.
« Scientipôle Capital a pour particularité d’intervenir très en amont, après un processus d’instruction très pragmatique : Détection des bons managers. Evaluation du potentiel de la technologie (surtout à travers le marché et les clients). Vérification de la PI. On se focalise sur ce qui est important. On veille à optimiser nos process », précise Nathalie Ricoeur-Nicolaï Directrice Générale de Scientipôle Capital
La nature des investissements
La caractéristique de cette société de capital risque réside dans son approche multisectorielle, sans a priori, de manière à construire un portefeuille diversifié de sociétés dans des secteurs d’excellence de la recherche française. De fait, avec des moyens contenus, Scientipôle Capital a réalisé 23 investissements dans tous les domaines de l’innovation : Leosphère (Lidar, Eoliennes), Nanoplas (Nanotech) Muses (Véhicule électrique) Vigilio (Silver Economy) Eos (Robotique) Xamance (Cloud) Pegastech (Chimie responsable) Zodianet (Objets connectés) Dotemu (jeux)...
Les investissements réalisés ont des montants réduits et progressifs (entre 150 000 et 1 million d’euros) afin de bien accompagner la structuration, l’organisation et l’obtention des premiers marchés par les sociétés innovantes.
« L’amorçage, ce n’est pas que du capital investissement. L’accompagnement « sur mesure » des entrepreneurs est fondamental et nécessite un réel savoir-faire. L’équipe privilégie une proximité forte avec les entrepreneurs soutenus. Notre accompagnement est très opérationnel. Nous apportons conseil dans tous les domaines de l’entrepreneuriat : commercial, export, RH, industrialisation, finances. Nous pouvons mobiliser des compétences extérieures dans des domaines spécifiques si nécessaire : Marketing, PI par exemple. Pour ce faire, nous nous reposons sur un solide réseau d’experts et des centaines d’années accumulées d’expérience d’accompagnement de startups » soutient Jean-Pierre Humbert, son Président.
Point fort de ce modèle, les pertes interviennent généralement très vite, mais son plutôt limitées : 4 entreprises de leur portefeuille ont fermé, chaque fois pour des raisons liées à un facteur humain. Les résultats commencent pour leur part à arriver. En effet, Scientipôle Capital a depuis sa création, réalisé 4 sorties totales et une sortie partielle. En moyenne, chaque sortie a permis de récupérer 2,3 l’investissement initial.
L’amorçage, une situation difficile qui rassemble toujours trop d’actionnaires autour de la table
Depuis 2006, la situation de l’amorçage en Ile-de-France s’est beaucoup améliorée avec le développement des Business Angels et la création du FNA (Fonds National d’Amorçage). Toutefois, elle serait loin d’être satisfaisante qualitativement et quantitativement face au potentiel d’entreprises à financer.
« Les business angels font un travail formidable. Certains interviennent très en amont et prennent réellement des risques. Nous apprécions beaucoup les avoir comme partenaires. Mais on n’a toujours pas résolu le problème pour l’entreprise d’avoir 40-50…100 quelquefois actionnaires dans son capital. C’est un frein au développement futur » résume Nathalie Ricoeur-Nicolaï.
Pour elle, les nouveaux fonds d’amorçage sont issus de sociétés de gestion qui étaient le plus souvent plutôt orientées vers le capital risque (les phases suivant l’amorçage). Ces sociétés de gestion ont une façon bien à elle de faire de l’amorçage : les instructions sont très longues et la prise de risque serait finalement limitée. Les temporalités seraient donc trop longues pour les entreprises et ces dernières auraient tendance à chercher une solution plus rapide pour ne pas perdre le bénéfice de leur innovation, face à la concurrence montante.
Les ambitions actuelles et pour les années à venir
Scientipôle Capital est défini par ses partenaires comme un investisseur impliqué et courageux, un véritable support aux entrepreneurs. Son équipe se veut constructive et non-intrusive. Elle sait comment elle peut aider : sélectionner un candidat, construire une offre commerciale, sélectionner un sous-traitant, ouvrir des portes (banques, grands groupes)…
« L’amorçage est le stade d’investissement qui recèle le plus important gain de valeur. Mais la chaine de financement manque aujourd’hui de fluidité. Les investisseurs des tours suivants font tout pour récupérer ces gains en leur faveur en traitant mal les acteurs du premier tour. Résultat, l’amorçage qui est déjà très risqué, est peu rémunérateur. On cherche à résoudre cela en injectant de l’argent public au motif qu’il y a défaillance de marché. Mais c’est comme dans la relation grand groupe - sous traitance, je ne suis pas sûre que l’on s’attaque au vrai problème. Car à l’arrivée, il y a de moins en moins d’argent privé et l’argent public ne fait même plus levier », conclut Nathalie Ricoeur-Nicolaï
Après bientôt 8 années d’existence, Scientipôle Capital est devenu un acteur reconnu du financement à l’amorçage. Pour accompagner le potentiel des entreprises franciliennes, et particulièrement du Plateau de Saclay, la société de capital risque fait aujourd’hui le choix d’un accroissement de ses capacités d’investissement avec ses actionnaires existants et en mobilisant actuellement de nouveaux partenaires. Un modèle avec de vraies valeurs qui a su porter ses fruits et faire émerger de belles pépites :d’un côté le territoire de Saclay, un terreau fertile pour les entreprises innovantes, et de l’autre, Scientipôle Capital, qui sait faire émerger les jeunes pousses.