Se garer dans des parkings privés ou réserver sa place à l’avance sur son smartphone : le stationnement est en pleine "ubérisation" et de nombreuses startups veulent révolutionner les usages. La concurrence acharnée risque d’en laisser quelques-unes sur le carreau.
Le 1er janvier 2018, c’est bien une petite révolution qui s’est opérée dans plus de 800 communes en France. Jusqu’à présent, l’automobiliste ayant dépassé le temps payé à l’horodateur ou ne s'étant pas acquitté du prix de son droit de stationnement était passible d’une amende forfaitaire de 17 euros. Depuis cette année, chaque ville est libre de fixer un forfait post-stationnement, avec pour objectif de diminuer la fraude. En France, à peine un automobiliste sur trois s’acquitte du paiement du parking, selon la Cour des Comptes. À Paris, c’est même moins de 10%.
Une fraude qui représente un gros manque à gagner pour les municipalités, mais qui entraîne aussi des dommages collatéraux. D’abord, une sous-utilisation des parkings sous-terrains. Pourquoi s’embêter à prendre un ticket payant "alors qu’on peut se garer sans payer dans la rue", déplore dans une interview au Monde Maxime Autran, directeur général de Streeteo, la filiale d’Indigo qui en charge des activités de stationnement. Conséquence : "une forte baisse" du taux d’occupation des parkings depuis quelques années, reconnaît-il.
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Autre effet néfaste : la faible rotation des places avec congestion du trafic à la clé. 20% à 30% de la circulation urbaine serait ainsi due aux automobilistes en quête de stationnement. À la décharge de ces derniers, il faut bien reconnaître que trouver de la monnaie pour ces bons vieux horodateurs ou dénicher les caisses automatiques en sous-sol relève souvent de la gageure.
Le parking "facile et connecté"
Mais ça, c’était l’ancien monde. Car le stationnement est en pleine mue numérique, grâce à des startups qui ambitionnent de le rendre "facile et connecté". Un premier objectif consiste à proposer le paiement dématérialisé par smartphone. Plusieurs sociétés proposent déjà ce service aux municipalités, comme PayByPhone, racheté en 2016 par Volkswagen et présent dans plus de 160 villes françaises, ou Whoosh, édité par le leader français des parcmètres Parkeon, dans une cinquantaine de villes.
Une fois l’application téléchargée, il suffit de saisir le numéro d’immatriculation du véhicule et ses coordonnées bancaires pour pouvoir se garer librement et régler son parking à distance. On peut même recevoir une alerte vers la fin du temps imparti et recharger des minutes additionnelles depuis son téléphone. Le paiement dématérialisé représente déjà un tiers des profits de Parkeon.
Ouvrir les millions de places inutilisées des parkings privés
Mais la grande nouveauté concerne surtout l’élargissement de l’offre. En dehors des parkings ouverts au grand public, il s’agit de rendre disponibles à tous les milliers de places inutilisées dans les immeubles de bureaux, les hôtels ou chez les bailleurs sociaux. "Il y a sept millions de places libres dans les parkings privés dans les zones urbaines en Europe", assure ainsi à bpifrance William Rosenfeld, PDG et co-fondateur de Zenpark, le leader du parking partagé en France. "En quelques heures, nous transformons un parking privé en parking public", explique-t-il.
Il faut pour cela d’abord nouer des partenariats avec les bailleurs et les foncières. Son concurrent OPnGO a ainsi signé avec Indigo, Gecina, AccorHotels ou encore Klépierre. L’accès au parking est ensuite équipé d’un boitier électronique permettant d’ouvrir la porte via son smartphone. Dans certains parkings, déjà équipés de LAPI (Lecture Automatique de Plaque d'Immatriculation), c’est encore plus simple : la barrière reconnaît votre plaque minéralogique et s’ouvre automatiquement quand vous avez payé.
Un système gagnant-gagnant… aux effets inattendus
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les propriétaires privés ne sont pas réticents à l’idée d’ouvrir leur parking à n’importe qui. Pour de nombreux hôtels, par exemple, c’est une source additionnelle de revenus non négligeable alors que la plupart de leurs places demeurent inoccupées pendant la journée. Les bailleurs sociaux ont même constaté des effets positifs inattendus. "Certains parkings transformés en squat deviennent d’un coup beaucoup plus sécurisés lorsqu’il y a du va-et-vient", observe Damien Arnaud, le directeur commercial et marketing d’OPnGO.
L’automobiliste, lui, trouve aussi largement son compte : le paiement s’effectue d’un clic en ligne, il est possible de réserver à l’avance son parking puis d’annuler gratuitement en cas d’empêchement et les réductions négociées atteignent 60% du prix habituel. Certaines startups proposent des services additionnels, comme OPnGO qui s’est associé en octobre dernier avec la startup israélienne Polly pour un nouveau service de navigation prenant en compte le stationnement. "Une application comme Waze vous suggère un temps de transport d’un point A à un point B, mais une fois sur place vous devez parfois tourner 20 minutes avant de se garer", avance Damien Arnaud.
Les Airbnb du parking
Il existe encore une autre catégorie de parkings largement sous-utilisés : ceux des particuliers. On trouve bien des annonces de location sur LeBonCoin ou De particulier à particulier. Mais ces offres concernent des locations de moyenne et longue durée, au mois ou à l’année. Et pour cause : transmettre ses clés ou sa télécommande d’accès pour une ou deux heures de stationnement est une contrainte rébarbative pour la plupart des propriétaires. Quant à faire installer un boitier comme pour les parkings d’hôtels ou d’entreprises, ce n’est pas toujours rentable.
De nouveaux Airbnb du stationnement ont du coup développé des stratégies de contournement. Parkadom propose ainsi le service ProximiKeys : la clé ou le badge de parking est déposé chez un commerçant partenaire et peut être retiré à n’importe quelle heure par l’usager via un code secret. La jeune pousse ParkMatch, créée fin 2016 et qui se lance cette année, a trouvé encore mieux. Sa technologie brevetée permet de personnaliser une télécommande universelle, envoyée par ses soins, à partir de celle du propriétaire via une simple connexion Bluetooth. "Notre système hyper souple permet ainsi de louer son parking même pour une heure ou deux, ce qui est bien plus avantageux et maximise l’occupation", se félicite Romain Fournier, cofondateur de ParkMatch. Autre avantage : "la télécommande reste opérationnelle même hors connexion, contrairement aux applications smartphone de nos concurrents", vante-t-il. Aucun risque de rester coincé à l’intérieur en cas de panne de batterie ou en l’absence de réseau Internet. La startup vise les 15 000 utilisateurs fin 2018.
Une myriade d’autres startups gravitent autour de ce nouveau business du stationnement. Avec TwoOnPark, une appli collaborative lyonnaise, chaque utilisateur signale lorsqu’il arrive ou libère une place. Hikob et Parkki installent des capteurs pour surveiller l'occupation des places. QuCit s’appuie lui sur un outil de prédiction des comportements pour évaluer la future disponibilité des parkings.
Atteindre au plus vite la taille critique
Pour toutes ces jeunes pousses, l’impératif est d’atteindre au plus vite une taille critique. Car il est probable que comme pour Uber et Airbnb, le plus gros finisse par accaparer la quasi totalité du marché. OnePark a ainsi levé 12 millions d’euros en novembre 2017 auprès de Keolis, une filiale de la SNCF. Il revendique plus de 1000 parkings en Europe et vise les 5000 à court terme. ZenPark avance 8000 places dans une vingtaine de villes en France et 100 000 inscrits, OPnGO comptant lui déjà 210 000 places et 100 000 utilisateurs. "Nous signons en moyenne 30 nouveaux parkings chaque mois", assure Damien Arnaud. "C’est un peu la course contre la montre."
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Le hic, selon lui, c’est que les villes françaises ne jouent pas vraiment le jeu de la concurrence .À Paris, le marché du paiement mobile en voirie a été attribué à PayByPhone (Groupe Volkswagen), ParkNow (Groupe BMW) et Whoosh! (Parkeon), trois poids lourds de l’industrie. 145 000 places qui ne pourront pas figurer sur les applications des autres startups. Lors de la braderie de Lille en septembre, 200 places du réseau de la Métropole étaient réservables exclusivement via l’application ZenPark. "Les offres remportées à Paris ne sont clairement pas rentables pour les opérateurs, qui font du dumping au détriment des petites sociétés comme la nôtre, dénonce Damien Arnaud. En Belgique, le système est centralisé, ce qui permet à n’importe quelle startup d’y avoir accès via une API. Je suis persuadé que le marché va s’ouvrir. Les villes ne peuvent pas rester sur ce type de monopole arbitraire." Après les taxis et les bus Macron, encore un marché à déréglementer pour la startup nation.