À l'exact opposé de certains géants technologiques qui créent de nouveaux besoins, les startups de l'économie sociale et solidaire répondent à des attentes clairement identifiées mais auxquelles les pouvoirs publics ne répondent pas efficacement. Et dont les entreprises traditionnelles se désintéressent.
Entre les associations et les entreprises, les startups de l'économie sociale et solidaire (ESS) ont-elles réussi à trouver leur créneau ? Le rapport d'évaluation, réalisé par l'Agence Phare, sur les projets de La France s'Engage (LFSE), label créé par François Hollande pour les entreprises innovantes destinées à améliorer la société, apporte quelques précisions sur le périmètre d'action de ces startups pas comme les autres.
"Un décalage existe entre une offre institutionnelle existante portée par des acteurs publics et les demandes de certaines catégories de population", explique le rapport. Il existe donc des besoins dans différents domaines (culturel, économique, numérique, etc) qui ont bien été identifiés par les pouvoirs publics mais auxquels les solutions actuellement en place ne permettent pas de répondre ou seulement partiellement. "L'accès au numérique est un facteur important d'inégalités", note le rapport, qui souligne cependant aussi que la plupart des dispositifs existants se concentrent sur "la question de l'accès technique aux outils, plutôt que [sur] l'éducation à l'usage et l'accès à des compétences à la production des outils".
Une fracture entre les besoins et les solutions proposées
Résultat, d'un côté, des espaces culturels ou formations sont mises en place mais ne correspondent pas aux attentes de leur public cible, à l'instar des bibliothèques encore trop peu tournées vers les contenus numériques, alors qu'elles sont parfois le seul accès au numérique pour un public qui en est tenu éloigné; de l'autre, des publics en difficulté (les jeunes de quartiers défavorisés, les femmes...) se retrouvent privés de la possibilité d'acquérir des compétences dans le domaine numérique et donc d'autant plus isolés de l'emploi ou dans l'impossibilité de faire valoir leurs droits.
C'est pourquoi les startups de l'ESS ont défini plusieurs angles d'attaque pour pallier ces lacunes des dispositifs publics. Certaines misent sur des outils ou des activités en présentiel pour développer les compétences de leurs utilisateurs, notamment les plus jeunes. C'est le cas de Bibliothèques sans Frontières, qui a développé une "médiathèque en kit" comprenant notamment des tablettes et des contenus spécialement conçus pour celles-ci, ou encore de la fédération Léo Lagrange, un centre d'animations avec des activités tournées vers la production vidéo ou la création à l'aide d'imprimantes 3D. En misant sur la pédagogie par la pratique plutôt que sur un apprentissage théorique, ces jeunes pousses espèrent gagner les faveurs du jeune public.
Aider à maîtriser la technologie
Mais les jeunes pousses ne se contentent pas de mettre des outils à la disposition du public. Certaines se sont spécialisées sur la transmission de compétences dans le domaine numérique, en ciblant plus spécifiquement les décrocheurs scolaires ou les filles. Wi-Filles ou Zup de Co interviennent ainsi pendant la scolarité alors que Simplon.co cible au contraire des adultes en reconversion professionnelle qui voient dans le numérique une occasion de prendre ce virage.
Au final, "les lauréats font le choix du numérique car ils considèrent qu'il s'agit d'une manière de trouver des solutions innovantes pour répondre à des besoins sociaux déjà existants", rappelle le rapport. Sans concurrencer les dispositifs publics déjà en place, les services proposés par les startups de l'ESS ciblent d'autres publics et "complètent les dispositifs de l'action publique insuffisants et/ou cherchent à modifier des pratiques de l'action publique".