Si les success stories d'entrepreneurs du numérique relatées par les médias participent à la construction du mythe de l'argent facile dans les startups, les porteurs de projets restent cependant conscients des difficultés qu'ils risquent de rencontrer.
Les entrepreneurs sont-ils prêts à céder au chant des sirènes ? C'est ce qu'indique une étude menée Flavien Bazenet et Thomas Houy, tous deux enseignants-chercheurs à l'Institut Mines-Télécom (IMT) à la fois sur la manière dont la mythologie entrepreneuriale était fabriquée et sur l'effet de sa médiatisation sur les entrepreneurs dans le secteur numérique. Elle a croisé des données provenant de deux vagues d'enquête, une première menée entre 2007 et 2014 auprès de plus de 82 000 porteurs de projets et une seconde réalisée l'année dernière auprès de quelque 129 journalistes de presse.
Premier constat : les entrepreneurs du numérique sont très sensibles aux success stories, notamment américaines (Facebook, Snapchat, Instagram...), relatées par la presse. Des récits qui construisent le mythe de l'entrepreneur parti de rien et devenu millionnaire ou milliardaire auxquels de nombreux porteurs de projets s'identifient avec l'idée que tout est possible. Et si ces fulgurantes réussites ne concernent qu'une toute petite fraction d'entrepreneurs, ils sont pourtant nombreux à croire au mythe de l'argent facile véhiculé par ces récits : 52% des porteurs de projets numériques anticipent une augmentation (très) élevée de leur revenu actuel, contre seulement 19% des entrepreneurs d'autres secteurs.
Le risque de la désillusion
De quoi risquer une sacrée désillusion lorsqu'ils se rendront compte que l'histoire d'une startup, fût-elle un conte de fées en devenir, passe le plus souvent par une (longue) période sans pouvoir se verser de revenu. Et c'est bien là tout l'enjeu de cette étude. "En tant qu'enseignants-chercheurs notre responsabilité est d'apporter le meilleur éclairage possible et impartial, sur tous les éléments à même de déclencher l'engagement entrepreneurial de nos étudiants, soulignent Flavien Bazenet et Thomas Houy, les auteurs de l'étude. Ces 'mythes entrepreneuriaux' doivent donc être portés à leur connaissance. Notre but n'est évidemment pas de dissuader nos étudiants de se lancer mais bien au contraire de les préparer au maximum à tous les aspects de l'environnement des startups, y compris en leur donnant le recul nécessaire sur leur environnement culturel et médiatique."
Qu'ils soient rassurés, les porteurs de projets numériques sont tout de même conscients des difficultés qu'ils ne manqueront pas de rencontrer. Et se montrent même particulièrement critiques face aux démarches pour créer leur entreprises : 74% d'entre eux pensent que la création d'entreprise en France est difficile ou très difficile contre seulement 33% de l'ensemble des autres porteurs de projets. Rien d'étonnant néanmoins, alors que nombre d'entrepreneurs français rêvent de "disrupter" le Code du Travail ou d'ubériser l'administration...
Et ces difficultés ne les rebutent pas, bien au contraire. Ils se montrent même bien plus optimistes face à la perspective de l'échec que les autres porteurs de projets : 73% des entrepreneurs numériques estiment qu'un échec serait valorisé par un employeur, contre 33% dans les autres secteurs. Preuve que les sirènes de l'argent facile ne leur font pas oublier la réalité des difficultés que connaissent les entrepreneurs : pour une startup qui réussira avec brio, combien resteront sur le carreau ?