La visite d'Axelle Lemaire dans les bureaux de Creads (lors du festival de la FrenchTech) avait provoqué des remous au sein de la communauté des professionnels du Design. En effet, en visitant la "première agence de communication participative en France", la secrétaire d'Etat chargée du numérique ne s'attendait pas à essuyer ses premières critiques. Une pétition en ligne, baptisée Travail Gratuit, propose sous forme de lettre ouverte, d'ouvrir le débat à propos de l'industrialisation du travail gratuit des créatifs. Une lettre ouverte proposée par le collectif Les graphisteries, l'association Metiers-graphiques et la plateforme collaborative KobOne.
"Nous sommes des entrepreneurs. Nous créons nos emplois, et des emplois pour nos collaborateurs. Nous vivons chaque jour avec la concurrence, fût-elle à bas coût. Nous l'avons acceptée et jouons son jeu. Mais ce jeu implique des règles. Attirer des milliers de personnes dans le salariat dissimulé pour s'épargner de les rémunérer décemment ou de payer son dû à l'État n'en fait pas partie. Faire travailler gratuitement les créatifs pour construire une offre commerciale à bon compte ne doit pas être toléré."
Tel est le constat porté par les 2850 signataires de cette lettre ouverte au gouvernement (ndlr: à l'heure où nous écrivons ces lignes), qui souhaite interpeller 3 personnalités politiques: Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du Numérique, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication et François Rebsamen, ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social. Le problème soulevé par le collectif Travail Gratuit est celui de la différence entre crowdsourcing (participation libre à des projets) et appel d'offres (sélection et rémunération), différence qui pointe les abus de certaines agences, sollicitant plusieurs propositions (de design ou autre) selon un brief, mais qui n'en sélectionne et rémunère qu'une seule.
"Ne nous y trompons pas, cette tendance au travail non rémunéré n'est pas limitée au secteur de l'image, elle se répand dans tout le tertiaire. Déjà sur les blogs et les communautés, les articles fleurissent décrivant des phénomènes similaires dans les métiers de la production écrite : journalistes, rédacteurs, traducteurs... Pendant que de plus en plus de commerciaux ou d'ingénieurs tombent dans le piège des "mois d'essais" effectués sans contrats ni rémunération"
Le crowdsourcing, une option complémentaire pour freelance
Côté agence, Creads a tenu à régir en proposant un échange transparent à propos de ses activités, et insiste sur le fait que ce sont les appels à projets ouverts qui font débat, alors que ces derniers représentent 30% de leur activité (le reste étant des projets en direct avec les freelances). Dans les commentaires, il est précisé que "pour ce type de projet, entre 20 et 50 créatifs choisissent de participer et un podium des 5 créations ayant reçues le plus de votes de la communauté sont rémunérées" et que la rémunération est indiquée au lancement de chaque projet. On peut lire également en commentaire de cet échange la question suivante: "Est-ce qu'une agence comme Creads tue la profession, nous ne prétendons pas remplacer les graphistes puisque nous travaillons avec eux ! [...] Il faut bien comprendre qu'une agence comme Creads est une solution complémentaire, mais ne remplace en rien le travail quotidien d'un freelance".
Le débat reste ouvert, et la mobilisation semble très bien s'organiser, notamment sur les réseaux sociaux, où le hashtag #travailgratuit est adopté par la communauté des professionnels du design ou autres freelances. Les signataires de cette lettre ouverte souhaitent ainsi obtenir une clarification de la position du gouvernement, vis à vis de ce sujet, la mise en place d'un contrôle autour des sociétés qui pourraient abuser de cette situation et l'ouverture d'un groupe de travail permettant l'aboutissement de certaines mesures.
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