17.04.25 — 11h22

L'IA et le travail : vers une société à plusieurs vitesses

Lors d’une conférence TED très tendue qui s’est tenue à Vancouver la semaine dernière, Sam Altman a révélé qu’OpenAI comptait désormais 800 millions d’utilisateurs hebdomadaire (10% de la population mondiale), soit 2 fois plus que le dernier chiffre communiqué. Il a également assuré que son fils né en février 2025 ne serait jamais plus intelligent que l’IA. Une double accélération de l’IA générative sur son adoption et sa performance même si le sujet a été légèrement rélégué derrière les annonces à répétition de Trump sur les “tariffs”. Au même moment, une phrase qui fera date en 2025 est tombée dans un mémo interne de Shopify : "L'utilisation de l'IA est désormais une attente de base pour tous nos employés." Nous y sommes. Tobi Lütke affirme sans détour qu'un collaborateur augmenté par l'IA peut accomplir "100 fois le travail" sur des tâches auparavant impossibles. Sa directive est claire : avant toute demande de recrutement, prouvez que l'IA ne peut pas faire le job. Bill Gates et Jamie Dimon convergent vers une prédiction radicale : la semaine de 2 à 3,5 jours de travail d'ici une décennie, grâce à l'automatisation massive. Ce n'est plus de la science-fiction - les "tiny teams" de San Francisco génèrent déjà 10 millions de dollars de revenus avec moins de dix personnes, code auto-généré à l'appui. Pensons aux jeunes qui arrivent sur le marché du travail et qui se retrouvent en compétition avec l’IA : 37% des employeurs déclarent aujourd'hui préférer embaucher une IA plutôt qu'un jeune diplômé. L'économiste Kevin Thompson l'explique crûment : "Il est beaucoup plus rentable de former une IA que de rémunérer un humain sur le tas." Quels sont les jobs qui vont leur rester, comment les jeunes vont-ils trouver leur place dans l’entreprise ? Ajoutez à cela les 3 milliards de robots humanoïdes projetés d'ici 2060 par la Bank of America, dont le coût passera de 35 000$ aujourd'hui à 17 000$ en 2030, et le tableau devient vertigineux. Nous nous dirigeons vers une société stratifiée en trois classes : les "super-travailleurs" augmentés par l'IA accomplissant le travail de cinquante personnes, les travailleurs à temps partiel bénéficiant des semaines réduites, et les exclus du marché, remplacés par des algorithmes et des machines. La vraie question n'est plus technique mais profondément politique : comment répartir équitablement les bénéfices de cette productivité augmentée ? Quel statut pour ces robots qui prendront une place croissante dans nos vies ? Comment redéfinir la valeur du travail quand celui-ci ne sera plus notre occupation principale ? Les algorithmes peuvent nous aider à prendre des décisions, mais ils ne peuvent pas décider à notre place de la société dans laquelle nous souhaitons vivre. Cette révolution appelle un débat démocratique urgent sur notre avenir collectif. Le choix nous appartient encore... mais pour combien de temps ?
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