27.02.25 — 10h00

Le Slop IA : La bouillie numérique qui menace Internet

J’ai découvert une expression qui décrit parfaitement le fléau envahissant notre écosystème digital : l’"AI slop", cette masse de contenus artificiels générés par IA – textes, images, vidéos – souvent médiocres, vides de sens et conçus pour capter clics et revenus. Ce terme, inspiré de la « bouillie industrielle servie aux cochons » en anglais, désigne ces créations synthétiques de piètre qualité qui polluent les résultats Google, les fils YouTube, TikTok ou Instagram. Un exemple ? Une image virale de « Jésus fusionné avec des crevettes », symbole absurde d’un phénomène bien réel. Si les contenus trompeurs existent depuis longtemps, une désinformation dopée à l’IA les propulse à une échelle inédite. En cinq ans, elle est passée « du vélo à la fusée ». Avec des outils comme ChatGPT, Stable Diffusion ou bientôt Veo2 de Google – capable de générer des vidéos 4K imitant des styles cinématographiques précis –, une seule personne peut gérer des réseaux entiers de sites ou de contenus hyperréalistes. À Dublin, des milliers de personnes ont cherché une parade d’Halloween fictive issue d’un site d’"AI slop", MySpiritHalloween.com, créé pour maximiser le trafic. Autre cas : un vétéran américain en fauteuil roulant, jambe bandée, tenant une pancarte « C’est mon anniversaire, likez svp » devant un drapeau étoilé incomplet – un appât à clics ciblant les États-Unis. Comme un modèle de langage qui prédit le mot suivant sans notion de vérité, le slop vise l’engagement algorithmique, pas la substance. Ce phénomène pose un défi pour la confiance. Les plateformes amplifient le problème : le « Performance Bonus » de Meta rémunère ces absurdités. Des solutions émergent : la C2PA (Coalition for Content Provenance and Authenticity) est désormais soutenue par Adobe, Microsoft, Intel, Google et même OpenAI. Derrière ce nom barbare se cache une norme ouverte qui intègre des métadonnées inviolables pour retracer la provenance et l'authenticité des contenus en intégrant des informations sur l'origine (éditeur, appareil utilisé, modifications effectuées) et des signatures numériques pour éviter les alterations non autorisées ! Mais ces outils sont mis en difficulté par les solutions Open Source qu'on ne peut pas contrôler et peinent à suivre une IA qui connaît une vitesse d'adoption jamais vue et qui permet de générer des volumes extraordinaires. Pour rappel, l’IA générative a produit 15 milliards d’images en 18 mois, là où la photographie traditionnelle mettait 150 ans. On pense même à la menace d’un « Internet zombie » où les machines s’auto-alimentent de données artificielles, rendant la question « à qui faire confiance ? » centrale.

Et si nous allions vers une renaissance numérique ? L’IA générative, « un pays de génies dans un datacenter » comme l’a décrit Dario Amodei, CEO d’Anthropic, promet des avancées immenses. Pourtant, son ombre – le slop – dégrade déjà la créativité. Notre défi ? Développer un sens critique numérique et réhabiliter le rôle des journalistes et curateurs pour trier ce chaos. Dans ce train à grande vitesse, posons les rails d’un âge d’intelligence qui valorise la qualité humaine, pas la médiocrité synthétique.

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