13.03.25 — 10h00

La Vibe economy : quand l'IA transforme nos pensées en actions

Oubliez le "prompt engineering" ou même le "vibe coding" – bienvenue dans la "vibe economy", où l'intention devient presque instantanément production grâce à des agents IA de plus en plus autonomes et puissants. En l'espace d’un mois, nous avons franchi un cap décisif. Alors qu'Andrej Karpathy théorisait encore l'avènement du "vibe coding" – cette pratique consistant à esquisser des intentions plutôt qu'à écrire du code ligne par ligne – dans un post en date du 2 février 2025, nous sommes déjà propulsés vers une réalité qui dépasse ce cadre. La démo de Manus, un agent IA généraliste bâti sur les fondations de Claude 3.7 et lancé par Butterfly Effect, une nouvelle équipe chinoise après Deepseek, illustre cette évolution fulgurante. Ce nouvel agent ne se contente pas de générer du code ou des démos de jeux dont une ressemble à s’y méprendre à Super Mario Bros. Il analyse des portefeuilles d'actions, compare des budgets, effectue des recherches immobilières complexes intégrant des critères multidimensionnels (sécurité des quartiers, qualité des écoles), et trie même des CV - on pourrait donner une valeur de marché à la plupart des cas d’usages présentés à ce stade. Une démonstration de capacités qui transcende largement la simple programmation pour embrasser l'ensemble des tâches cognitives réalisables derrière un écran. Cette transformation s'opère déjà dans les coulisses de l'innovation. Un quart des startups de Y Combinator génèrent désormais 95% de leur code via l'IA. Mais ce n'est que la partie émergée d'un iceberg qui modifie profondément notre relation au travail intellectuel. La véritable révolution ne réside pas dans l'exécution parfaite de tâches prédéfinies – l'informatique classique savait déjà le faire – mais dans cette capacité nouvelle à saisir l'intention derrière des instructions imprécises. Les systèmes d'IA actuels excellent désormais à "lire entre les lignes", à comprendre notre "vibe" – cette énergie émotionnelle, ces idées fragmentaires, ces intentions floues que nous peinions jusqu'alors à traduire en actions concrètes. La Révolution de l'Information, qui a dominé les dernières décennies, semble toucher à sa fin. Son héritage : une génération d'humains programmant, analysant, navigant interminablement sur internet pour produire rapports et présentations. Cette époque pourrait faire place rapidement à celle des "vibe workers" – ces professionnels d'un genre nouveau qui excellent dans l'art de murmurer aux IA génératives pour générer à grande échelle analyses et créations d'une complexité inégalée. L'interface même de cette révolution se transforme. Quand Manus promet de "transformer nos pensées en actions", Sesame révolutionne les interactions vocales esquissant un futur où l'intention humaine se traduit instantanément en résultat tangible, sans l'intermédiaire du clavier. Cette métamorphose soulève des interrogations profondes sur la nature même du travail. Est-il acceptable de créer sans effort cognitif apparent, guidé par la seule intuition et la voix ? Peut-on encore qualifier de "travail" ce qui ressemble davantage à une conversation avec une intelligence artificielle qu'à une production laborieuse ? Notre relation au travail s'inverse radicalement. La valeur se déplace de la capacité d'exécution vers celle du questionnement – comme le suggérait avec prescience Douglas Adams dans son "Guide du Voyageur Galactique", où l'ordinateur DeepThought révélait au bout de 7.5 millions d’années que la vraie difficulté n'était pas de calculer la réponse - 42 - mais de formuler correctement la question.
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