300 000 euros d'amende et l'interdiction de diriger toute société pendant deux ans. C'est ce qu'encourent les fondateurs de l'application Heetch, poursuivis pour "complicité d'exercice illégal de la profession de taxis". Verdict en mars 2017.
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Bien qu'il n'ait duré "que" deux jours, cela fait déjà des mois que le procès Heetch fait grand bruit. Depuis l'été dernier et l'arrêté d'interdiction visant nommément les applications Djump, UberPOP et Heetch, ce dernier, seul service à avoir continué de fonctionner malgré l'interdiction, s'attendait à ce que le couperet tombe. Face aux deux fondateurs, Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, plus de 1500 chauffeurs de taxi se sont constitués partie civile pour clouer au pilori le service de "mobilité nocturne" créé en 2013 pour aider les jeunes à rentrer de soirée.
Poursuivis pour "complicité d'exercice illégal de la profession de taxis, pratique commerciale trompeuse et organisation illégale d'un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non-professionnels", les deux fondateurs n'auront pas réussi à faire entendre leurs arguments à la procureure du tribunal correctionnel de Paris, devant laquelle ils ont comparu jeudi et vendredi, qui a requis à leur encontre 10 000 euros d'amende et l'interdiction de diriger toute société pendant deux ans, leur société Heetch, elle, écope d'une amende de 300 000 euros. Le jugement sera rendu le 2 mars 2017 à 13H30.
Un service de mobilité différent de Djump et UberPOP
Depuis les premiers heurts qui ont éclatés l'année dernière avec les taxis qui font majoritairement front contre cette nouvelle concurrence sortie de terre en peu de temps, le cofondateur de Heetch, Teddy Pellerin a fait de sa différence avec UberPOP sa ligne de défense. Peu enclin à parler aux journalistes, nous l'avons pourtant rencontré l'année dernière, au moment de la tornade UberPOP, et le jeune cofondateur n'avait eu de cesse d'appuyer sur la particularité de son modèle.
" Nous sommes impactés par le tourbillon médiatique autour d'UberPOP, nous avait-il dit, mais nous n'avons pas le même modèle et nous n'avons pas à être impactés par cet arrêté. Nous touchons en grande majorité des étudiants, qui de toute manière n'auraient pas les moyens de se payer un taxi et il n’y a pas de tarification sur la plateforme. De plus, les revenus de nos chauffeurs sont limités à 6000 euros par an et ils ne peuvent pas conduire plus de 3 jours d'affilée par semaine "
Teddy Pellerin
Après un an de sursis, Heetch pourrait donc pourtant bien être obligé de raccrocher. Bien que sur le papier, le modèle ne soit pas celui des VTC, pour toutes les raisons évoquées précédemment et parce que l'application ne fonctionne qu'entre 21h et 6h du matin, il ne se rapproche pas non plus tout à fait de celui du covoiturage. Une suggestion de tarif est adressée à l'usager, et non un tarif fixe, ce qui lui laisse la liberté de dédommager le chauffeur du montant qu'il souhaite, mais les trajets effectués par les chauffeurs s'apparent plus à des courses qu'à des trajets partagés, planifiés à l'avance par le chauffeur.
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Une startup en plein boom
Suite à l'arrêté, de nombreux chauffeurs Heetch avaient ainsi été placé en garde à vue et malgré une frayeur passagère concernant l'abandon de ces derniers, l'application avait connu un véritable boom lorsque la concurrence a fini par baisser les armes. Il faut dire que le service correspond parfaitement aux besoins du coeur de cible d'Heetch, les jeunes de 18 à 25 ans, qui choisiraient plutôt un Noctilien qu'un taxi pour rentrer de soirée.
Ces jeunes clients, Heetch en a fait ses ambassadeurs dans une vaste campagne de communication : #touchepasamonheetch, qui visait à pousser les clients à prendre la parole sur les réseaux sociaux et à exprimer ce pour quoi le service ne devait pas fermer. Une campagne qui n'a visiblement pas plu à la procureure, qui l'a pointée du doigt et qui a estimé que les deux dirigeants étaient trop "décontractés" face aux gardes à vues subies par les chauffeurs et aux amendes qui leur ont été infligées.
La jeune pousse a réussi à séduire 30 000 conducteurs occasionnels ainsi que de nombreux investisseurs comme Kima Ventures, TheFamily, Alven, ViaI etc. entrés au capital de la sociét au cours de deux levées de fonds d'un montant total d'un million d'euros. Comptant aujourd'hui 51 collaborateurs, Heetch reste légèrement déficitaire malgré un chiffre d'affaires de quelques 2 millions d'euros en 2015.
Certains voient dans ce procès une véritable mise au pilori du progrès. Alors que la législation peine à évoluer, la France ne compte en revanche pas passer à côté de cet énorme gâteau que constitue l'économie collaborative. L'Assemblée nationale a ainsi donné son feu vert en début de semaine à un amendement au projet de loi de finances rectificative 2016 obligeant toutes les plateformes de type Drivy, Airbnb, Heetch ou encore Blablacar à déclarer automatiquement au fisc les revenus de leurs utilisateurs. Applicable dès 2019 - s'il reste encore quoi que ce soit à taxer d'ici là- cette nouvelle règle accompagnera l'obligation des particuliers à payer des cotisations sociales au-delà d'un certain seuil de revenus, mesure votée le 27 octobre.