Quand certains acteurs menacent d'être déracinés, les scaleups touristiques, elles, jouent les roseaux : elles plient mais ne rompent pas. Evaneos et HomeExchange, toutes deux sélectionnées dans le Next 40, résistent vaillamment à la crise qui dure depuis plusieurs mois déjà. "Nous avons la chance de ne pas être en grande difficulté" , confie à Maddyness Charles-Édouard Girard, cofondateur de HomeExchange. De la chance, aussi, du côté d'Evaneos "d’avoir une assise financière importante" , indique Éric de la Bonnardière, son fondateur. Une situation privilégiée dans un secteur sinistré, touché de plein fouet par le confinement puis la limitation des déplacements qui s'en est suivie. Mais n'est-ce vraiment que de la "chance" ?
Pas vraiment. Dans le cas de HomeExchange, l'entreprise a pu s'appuyer sur un modèle économique particulièrement résilient, celui de l'abonnement. "Pendant le confinement, notre activité s'est effectivement arrêtée... mais pas notre chiffre d'affaires, note ainsi Charles-Édouard Girard. Le confinement a donc plutôt été pour nous un sujet de service client, avec des échanges à reporter, des compensations de points à effectuer du côté de l'hôte comme du voyageur mais pas un sujet de trésorerie." Et les deux scaleups insistent sur l'hypercroissance qu'elles ont continué de connaître jusqu'en février, avant l'apparition du coronavirus, qui leur a permis de résister vigoureusement au plus fort de la crise.
Mieux calibrer l'offre par rapport à la demande
Surtout, le propre de ces roseaux 2.0 est d'avoir réagi très vite en ré-orientant leurs efforts sur des services plus adaptés à la situation. "Certains pays, comme la France, avaient déjà l'habitude de voyager en local mais d'autres, comme l'Italie, étaient principalement tournés vers l'international, remarque le cofondateur de HomeExchange. Nous avons changé notre communication et adapté notre offre pour répondre à cette logique locale. Nous avons effectué quelques ajustements et aidé les personnes qui avaient un écart de points avec la destination qu'ils convoitaient pour qu'elles puissent tout de même partir."
Chez Evaneos aussi, la crise a été l'occasion de développer de nouvelles offres, alors que les voyages long-courrier représentaient, avant la crise, environ 80% de l'activité. "Nous avons essayé de reproduire dans nos destinations européennes ce que l'on a réussi à faire en long-courrier : des séjours hors des sentiers battus, avec une empreinte locale, détaille Éric de la Bonnardière. C'est un vrai travail de fond car plus une destination est proche, plus c'est facile de partir sans agence et plus c'est compliqué de proposer des expériences originales." L'entrepreneur reconnaît toutefois qu'il ne s'agit là que d'un "levier de compensation, pas de croissance" , la priorité restant le long-courrier dès que les voyages lointains pourront reprendre.
Une manière aussi de rassurer les nombreuses agences locales partenaires de la scaleup, qui n'ont pas toutes la même marge financière que la plateforme tech, qui a levé 70 millions d'euros il y a deux ans. "On explore aussi d’autres lignes de revenus, dans l'idée de changer nos modes opératoires pour apporter davantage de valeur ajoutée aux agences. Ce sont des questions qu'on ne se serait pas forcément posées en pleine croissance." L'entreprise a ainsi mis à disposition de ses agences partenaires une plateforme SaaS pour traiter les devis des clients et leur permettre de se faire payer plus rapidement.
Penser long-terme
Enfin, la crise a été l'occasion pour les deux scaleups du Next 40 de valider leur positionnement. "Avant la crise, on observait trois tendances : un tourisme plus lent, éloigné du tourisme de masse ; tourné vers le partage et qui fait la part belle à la responsabilité en voyageant loin mais plus longtemps ou en local, égrène Charles-Édouard Girard. Nous n'avons pas eu besoin de pivoter parce que notre offre va dans le sens de l'Histoire du tourisme." Un constat partagé par le fondateur d'Evaneos qui estime que la scaleup "coche toutes les cases de ce que les voyageurs disent vouloir post-confinement" .
Chacune aborde donc ce nouveau confinement avec sérénité. Avec philosophie du côté d'Evaneos, Éric de la Bonnardière soulignant la qualité de son équipe "qui a réagi de façon mature et très compréhensive" . "Cela nous permettra de ressortir meilleurs de cette crise" , veut-il croire. Mais aussi avec pragmatisme pour HomeExchange, dont le cofondateur reconnaît "regarder beaucoup ce qu'il se passe sur le marché" . "On va bénéficier du fait d'avoir un business solide, on n'exclut pas de faire de nouvelles acquisitions" , indique-t-il. En 2017, la startup qui se faisait alors appeler GuestToGuest avait profité de sa levée de 33 millions d'euros pour mettre la main sur son concurrent américain, dont elle a depuis repris le nom.