Mis à jour le 31 mars 2021.
Sous les apparentes largesses du fonds de solidarité, mis en place par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance pour limiter les effets de la crise du Covid-19, se cache un retard de versement. Certains freelances et indépendant·e·s affirment selon France 2 n'avoir toujours pas perçu cette aide exceptionnelle, bien qu'ils aient perdu une grande partie de leur chiffre d’affaires et éprouvent des difficultés à se maintenir à flot. Une difficulté supplémentaire, alors que le statut ne convient déjà pas à tous les profils. S'il offre des avantages, tels qu'une liberté d'organisation sans commune mesure, le freelancing perd aussi parfois des adeptes. Maddyness a recueilli les témoignages de trois d'entre eux qui, pour diverses raisons, sont redevenus salariés… ou déterminés à le redevenir.
Chloé, consultante en communication
"Je travaille depuis 2015 dans l'univers des startups. Durant mes études, j'avais fait le choix de prendre mon statut d'auto-entreprise pour effectuer des missions en parallèle de mes cours. Le statut m'apportait de la flexibilité. Diplômée, j'ai plutôt fait le choix de devenir salariée dans différentes organisations – notamment chez Axeleo, puis France Digitale en tant que responsable communication. En mars 2019, j'ai voulu retravailler mon parcours professionnel et personnel. La liberté et le temps apportés par le freelancing m'avait de prime abord semblé constituer un bon compromis pour continuer à travailler de manière à ne pas laisser de trous dans le CV, de recevoir un complément financier (en plus du chômage avec Pôle emploi) et d'avoir le temps de faire une introspection sur mes compétences.
J'ai ainsi travaillé pendant 4 mois pour le lancement des trottinettes d'Usain Bolt à Paris début 2019. Je me suis laissée l'été pour me ressourcer, puis j'ai pris quelques missions de communication entre septembre et novembre 2019 auprès de startups. Si l'on ajoute celles réalisées en parallèle de mes études en école de commerce, j’ai donc travaillé 3 ans et 7 mois en tant que freelance.
En reprenant ce statut, l’année dernière, j’ai cherché à déterminer la "valeur" de mon profil sur le marché du travail tout en continuant à monter en compétences. Je m’étais frottée à un panel de missions assez large lorsque j’étais chez France Digitale, sans m’être spécialisée dans la communication. Je me suis vite rendue compte que malgré la richesse de mon parcours, cette étiquette de spécialiste me manquait afin de décrocher des missions – notamment en matière de relations presse.
Suite à des échanges avec des directeurs communication de l'écosystème, j'ai choisi de retrouver le salariat en rejoignant l’agence Rumeur Publique dans le but d’évoluer sur les problématiques de relations presse, tout en continuant à travailler en lien avec l’univers de la tech. Je pense que l’expérience de travailleur·se indépendant·e doit être vue comme de l’entrepreneuriat. Il faut avoir des objectifs très clairs en amont, élaborer une stratégie et déterminer ses propres indicateurs de performance.
Cette aventure ne peut être vécue par dépit ou en parallèle d'une recherche d’emploi. D'un point de vue personnel, je ne suis pas mécontente d’avoir retrouvé un cadre de travail adapté à mes attentes. Le salariat permet d’échanger "physiquement" avec des personnes au quotidien. Je ne serai, cela dit, pas rebutée à l'idée de redevenir freelance dans quelques temps… avec un vrai projet."
Julien, concepteur-rédacteur
"J'évolue dans les domaines du marketing, de la communication et de la publicité. J'interviens dès qu'il y a de l'éditorial ou de l'écriture qui entre en jeu chez mes clients. Journaliste de formation, j'ai évolué pendant trois ans au sein de radios associatives avant de rejoindre l’agence de communication et marketing SWPL pendant 5 ans. J'ai ensuite été Content Manager chez Startup Palace pendant 2 ans. Je suis devenu freelance suite à un licenciement économique, incité par des annonceurs qui m'ont fait savoir que cela les intéresserait de travailler avec moi si je me mettais à mon compte.
Je n'avais jamais envisagé cette possibilité, parce que j'aimais trop le confort du statut de salarié pour devenir freelance. Mais comme je touchais le chômage si je ne réalisais pas de chiffre d'affaires, je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais de tenter l'aventure, de sonder si le marché était réceptif à mes prestations et me faire du réseau. J'ai très vite goûté aux avantages du statut : organisation, gestion du temps libre ou encore une très bonne rémunération. Si j’ai abandonné le freelancing au bout d'un an, ce n’est pas parce qu'il ne me convenait pas. C'est plutôt du fait des contraintes qu’il implique. Alors que nous cherchions à déménager avec ma conjointe, mon statut passait très mal auprès des agences comme des particuliers. Conséquences prévisibles de la conjoncture actuelle, entre les garanties loyers impayés et le boom de l'immobilier dans ma région nantaise.
Pour une location, ils me demandaient systématiquement de justifier 3 années d'activité avec un bilan positif et en croissance. Cela devenait intenable et terriblement frustrant. J'ai informé mes clients que je cherchais à reprendre un poste. L'un d'eux m'a donc proposé un CDI pour m'offrir le confort du statut de salarié et faciliter mes recherches de logement. Mon employeur, basé à Paris, m'a permis de télétravailler à temps complet. Le deal est le suivant : je continue mes prestations comme je le faisais en tant que freelance avec eux dans le cadre d'un CDI en mi-temps (et d'une clause de non-concurrence) et en parallèle je reste à Nantes pour continuer des missions freelance. Je cumule donc aujourd’hui les deux activités pour avoir le meilleur des deux mondes : la sécurité et les avantages du CDI... ainsi que le confortable complément de salaire et la diversification des sujets qu'offrent le statut de freelance. Je trouve vraiment mon équilibre à travers ce modèle.
Le statut de freelance ne dépend pas uniquement de la personne, mais aussi du secteur d'activité. Il faut que celui-ci soit porteur, qu'il y ait de la demande. Ce qui m'a le plus pesé, c'est la quantité de travail. Il faut y être préparé. La production pure ne représente qu'environ 60 % du job. Le reste c'est de la comptabilité, de l'administratif et du réseautage. Au début, j'acceptais des missions comme si j'étais encore salarié, c'est-à-dire en considérant que je pouvais travailler 8 heures par jour et 5 jours par semaine. J'ai été un peu sous l'eau. Il faut savoir gérer son stress et plusieurs projets en même temps.
Côté attrait, chaque avantage vient avec ses inconvénients : on peut gérer son temps librement, mais prendre des vacances est compliqué. Le chiffre d'affaires donne l'impression qu'on gagne beaucoup d'argent, alors qu’on ne cotise pas pour la retraite ou le chômage. En revanche, cela m'a vraiment permis de me créer un réseau solide, de rencontrer des gens passionnants ainsi que de créer des relations de travail saines et enrichissantes. "
Clémence, directrice artistique et graphiste
"J’ai été freelance par deux fois. Par contrainte, après des études à l’Institut supérieur des arts appliqués et un long stage en 2014. Puis, quelques années plus tard, par envie, alors que j’étais pourtant en poste en agence. Je voulais pouvoir choisir pour quels clients et sur quels types de projets j’allais travailler. Salariée, j’avais en permanence le sentiment de ne jamais pouvoir montrer ce que vaut mon travail. Mes créations ne me ressemblaient pas, car largement orientées par mes employeurs. J’aimais aussi l'idée de pouvoir être mobile.
Si cette seconde expérience en tant que freelance est plus satisfaisante que la première, je n’ai qu'un premier aperçu en quelques mois d’activité. Je sais ô combien il est difficile de fidéliser une clientèle en fonction du domaine d’activité – d'autant plus au vu de la période que nous traversons. L'instabilité est un point assez effrayant. Nous l'avons en tête tous les jours et il faut être préparé à des surprises du point de vue administratif. Je continue à éplucher les offres à la recherche du contrat qui me ressemblerait. Le fait de travailler en équipe me manque beaucoup, par ailleurs. Cela me permet de trouver la motivation. Ce statut devrait n’être que transitoire, en ce qui me concerne."
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