Dix mois après la levée de fonds bouclée par l’Adtech DooH it auprès de La Poste Services for Equity (LPS4E), fonds filiale du groupe La Poste, les premières synergies voient le jour. La startup avait fait le choix de ce fonds un peu particulier, qui contribue au capital sous forme de services, afin notamment de profiter de l’expertise de sa filiale Probayes dans le domaine de l’intelligence artificielle. Pour la jeune pousse, qui gérait des bornes média avec un service de rechargement mobile et avait élargi ses activités depuis plus d'un an maintenant à la régie publicitaire, l’objectif était clair : oeuvrer avec Probayes à développer un algorithme capable d’hypercontextualiser les contenus promotionnels - c’est-à-dire de les adapter à la cible afin de maximiser les chances de conversion.
“Nous voulons réconcilier le public avec la publicité grâce à du contenu qui l’intéresse, insiste ainsi Mikaël Bes, fondateur de DooH it. La publicité extérieure présente toujours les mêmes campagnes et perd en réceptivité auprès des audiences.” La contextualisation des contenus n’est pas un concept nouveau dans l’univers de la publicité mais elle était réservée jusqu'à présent à la publicité en ligne, des entreprises comme Criteo en ont fait un juteux business. DooH it souhaite prendre le contre pied de ses concurrents, les médias de la publicité extérieure (outdoor, dans le jargon du secteur, NDLR) qui parient d’après la startup sur le ciblage de masse et les contenus répétitifs.
Les défis techniques de l’hyperpersonnalisation
Au-delà de la fréquentation des lieux où sont positionnées les bornes de DooH it, il a donc fallu définir des critères qui permettaient de mieux identifier l’audience à laquelle les publicités s’adresseraient. La startup en a défini quatre : le genre, l’âge pour déterminer le persona de l'audience ainsi que la durée et son niveau d’attention. Restait donc à Probayes de développer des algorithmes capables de faire cette analyse en temps réel et avec une faible marge d'erreur intégrables dans les bornes média DooH it. C’était là tout l’enjeu de la collaboration avec Probayes, startup spécialiste dans le développement d’algorithmes auto-apprenants, devenue une filiale de La Poste en 2016.
Dès décembre 2019, quelques semaines à peine après le closing de la levée de fonds de DooH it, les équipes de Probayes ont donc commencé à plancher sur le projet. “Il s’agissait d’apprendre au modèle à reconnaître le genre et la tranche d’âge des personnes qu’il voyait, explique Laëtitia Fauconnet-Viegas, responsable marketing et communication de Probayes. Le modèle pré-entraîné a ensuite été embarqué dans les bornes média via une caméra embarquée pour que le flux vidéo soit transmis à un module de traitement lui aussi embarqué.” Ainsi, dès que quelqu’un s’approche d’une borne DooH it, celle-ci est capable de déterminer, notamment, son genre et son âge afin de lui diffuser des contenus publicitaires qui correspondent à des aspirations pré-définies.
“Nous sommes très vigilants sur la gestion des données personnelles”
Laëtitia Fauconnet-Viegas, responsable marketing et communication de Probayes
Le fait d’embarquer le dispositif dans les bornes média, plutôt que de les relier à un serveur externe qui procéderait à la détermination du profil, permet de ne stocker aucune donnée, notamment vidéo, puisque tous les calculs sont réalisés en temps réel. “Nous sommes très vigilants sur la gestion des données personnelles, souligne Laëtitia Fauconnet-Viegas. Comme nous faisons partie du groupe La Poste, nous avons signé la charte data du groupe qui impose des consignes très claires en la matière.” Un gage de confiance pour DooH it, alors que les startups du secteur de l’Adtech sont régulièrement épinglées par la CNIL pour outrepasser leurs droits en matière de respect de la vie privée.
Ce bon point a cependant posé un certain nombre de défis techniques. “Il a fallu adapter le dispositif aux différentes bornes média développées par DooH it, imaginer un équipement autonome qui fonctionne sur batterie et donc prendre garde à sa consommation énergétique, égrène Laëtitia Fauconnet-Viegas. Le modèle devait avoir une bonne puissance de calcul pour déterminer très vite la cible tout en présentant une consommation énergétique faible.” Après une batterie de tests, réalisés auprès des salariés de DooH it et de certains partenaires de la startup pour vérifier que le modèle identifie correctement ses cibles, le pari s’est révélé réussi avec une marge d’erreur équivalente à celle d’un être humain, et cela en 4,1 secondes.
L’un des points-clés de la collaboration entre DooH it et Probayes, telle que définie dans le cadre de la levée de fonds orchestrée par LPS4E, résidait dans la transmission de la propriété intellectuelle de la technologie à la startup. “L’idée n’était pas de rendre DooH it captif de Probayes ou de La Poste, tient à souligner Nizar Dahmane, directeur général du fonds. Il s’agissait de lui donner les moyens d’accélerer fortement son développement, de construire une brique opérationnelle qui devienne un levier stratégique majeur stratégique.”
Un premier déploiement dans les VTC
Restait donc à intégrer l’algorithme dans les équipements gérés par DooH it et, surtout, à l’interfacer avec l’activité de régie publicitaire de la startup afin de varier les contenus en fonction des personnes touchées. “Nous avons établi des profils d’audience puis échangé avec les annonceurs et agences média pour leur indiquer que nous étions en capacité de faire de l’hypercontextualisation prédictive”, raconte Mikaël Bes. Une fois le profil de l’audience identifié, il ne reste plus à la borne média qu’à lui diffuser les contenus qui correspondent à ses centres d’intérêts… afin de maximiser les chances d'interaction utilisateur-annonceur.
Car c’est aussi là que réside la vertu du modèle conçu par DooH it. Non seulement les audiences ne sont plus assaillies de publicités très éloignées de leurs intérêts mais les commerces et lieux de passage dans lesquels sont déployés les bornes de la startup touchent une partie des revenus générés via la publicité. “Ce n’est pas un modèle prédateur, assure Nizar Dahmane, puisqu’une partie des revenus est rétrocédée aux commerçants. C’est une publicité qui rend service à toutes les parties prenantes : annonceurs, commercants et audiences..”
Dès le début de l’été, la technologie a été déployée sur la borne Digicab, un dispositif média embarqué dans les VTC sous la forme d’un écran intégré aux sièges, permettant aux passagers de visionner des vidéos. Quelques 150 véhicules VTC bénéficient déjà des Digicab intégrant ces puissants algorithmes pour faire de l’hypercontextualisation publicitaire. C’est Une nouvelle manne financière non négligeable, alors que les VTC ont été durement touchés par le confinement et la crise.
Maddyness, partenaire média de La Poste Services for Equity