C’est tout à la fois une bénédiction et une fatalité, une consécration et une malédiction. L’hypercroissance, tant louée par les médias comme les investisseurs, apporte aux startups qui la connaissent quantité de lauriers… mais aussi quelques fardeaux. La rançon de la gloire, en somme. Comme beaucoup de stars (trop) rapidement propulsées sous le feu des projecteurs, les jeunes pousses se débattent avec les affres de la célébrité que leur a apporté la croissance à trois chiffres de leurs effectifs et de leur chiffre d’affaires. Insuffisamment organisées ou encadrées, elles risquent la sortie de route, lancées à toute vitesse sur un circuit qui compte bien des virages ; mais bien préparées et entourées, elles deviennent alors des scaleups, étoiles brillantes plutôt que filantes dans la galaxie de la startup nation.
Ce passage à l’échelle est donc celui de tous les dangers. Les entrepreneur·e·s qui ont, dès le début, réussi à se projeter dans une entreprise en pleine croissance comptent ainsi une longueur d’avance sur celles et ceux qu’une montée en puissance éclair a pris de court. “Dès le départ, nous avions une véritable ambition : le besoin était clairement identifié et le marché très vaste. Nous avions donc une vision très claire de là où Payfit irait”, raconte Mathieu Bernard, aujourd’hui country manager France pour la scaleup de gestion de paie et de RH qui a intégré à l’automne dernier le Next 40. Même ambition et même perspective chez Qonto : “il faut prendre en compte le développement du produit et se préparer à l’hypercroissance”, explique Marc-Antoine Lacroix, CTO de la néobanque pour entrepreneurs et indépendants membre du French Tech 120.
Soigner les recrutements
“Nous avions envie de construire une entreprise où les salariés se sentiraient bien, seraient alignés sur un objectif commun”, se rappelle Mathieu Bernard. Mais les incantations entrepreneuriales ne suffisent pas à éloigner les inévitables difficultés charriées par le succès. En matière de RH, chacun sa méthode pour éloigner les mauvais esprits. Payfit a choisi de rapidement structurer un service de ressources humaines, alors même que les effectifs avaient à peine dépassé la dizaine de collaborateurs, afin de superviser les vagues de recrutement à venir. “Nous savions que la croissance passerait par des recrutements nombreux et de qualité”, précise le responsable France de la startup. De quoi superviser avec attention le process de recrutement, porté par les managers de chaque équipe.
Du côté de Qonto, on a plutôt misé sur les acquis de l’expérience. “C’est compliqué de se préparer à l’hypercroissance au niveau humain, surtout si l’on n’en a pas eu l’expérience auparavant”, atteste ainsi le CTO de la néobanque, qui souligne l’importance pour les startups d’avoir dans leurs rangs des personnes qui sont passées par là dans d’autres scaleups. “Bénéficier de l’expérience de collaborateurs qui ont déjà vécu le scale, les ‘been there, done that’, permet de passer des paliers importants, à 5, 20 ou 100 personnes.”
Si les fondateurs doivent pouvoir compter sur la loyauté et la fidélité des premiers arrivés, renforcer leurs équipes avec des personnes qui connaissent les enjeux de l’hypercroissance permet aussi de rassurer le reste des équipes. “Certains salariés qui n’ont connu que l’early stage ne se reconnaissent pas forcément dans une entreprise trop grande. En comparaison d’une entreprise de trois ou quatre salariés, une startup de 100 personnes en hypercroissance paraîtra toujours inefficace. Il faut donc une bonne dose de résilience pour surmonter cela.”
Ne pas oublier le produit
C’est d’autant plus important que, pendant le temps de cette première phase de structuration des effectifs, le développement du produit ne peut pas être laissé en suspens. C’est précisément là tout le challenge de l’hypercroissance : arriver à mener de front tous les combats. Comme pour le développement humain de l’entreprise, le produit doit pouvoir grandir et s’étoffer tout en correspondant à la vision de départ. “Lorsque le produit scale, que les fonctionnalités s’empilent, il peut devenir une sorte de Frankenstein, avec des complexités techniques difficiles à surmonter pour les utilisateurs”, sourit Marc-Antoine Lacroix. Pas question pour une startup, caractérisée par l’agilité, de se laisser prendre à ce piège. “Il faut prioriser les développements en ayant en tête la vision du produit à trois ans. Reste ensuite à faire le pont entre la situation actuelle et cette vision.”
Au fur et à mesure des retours des clients, le produit gagne des fonctionnalités, parfois apportées grâce à des partenaires techniques extérieurs. “Nous voulons offrir certains services à nos clients sans forcément souhaiter les intégrer au produit, parce qu’il y a des entreprises qui font ça beaucoup mieux que nous ou que cela rendrait le produit trop complexe”, liste le CTO de Qonto, qui a fait le choix d’Amazon Web Services (AWS) pour soutenir son infrastructure. L’arbitrage est ainsi fait entre les fonctionnalités à développer en interne et celles qu’il vaut mieux externaliser, via la recherche de partenaires.
Les besoins comme les moyens ne sont pas les mêmes selon les stades de développement de l’entreprise. Une startup aura tendance à privilégier le meilleur rapport qualité-prix, tandis que la scaleup cherchera la meilleure performance. “Il ne faut pas avoir de dogme en la matière mais chercher l’outil le plus pertinent et le plus adapté aux besoins du moment”, atteste ainsi Mathieu Bernard. Rappelons aussi que le temps gagné en utilisant des outils performants et stables peut être mis à profit à l’itération du produit. Et cela est précieux pour toutes les startups, quel que soit leur stade de développement ! Ainsi, Payfit a fait le choix d’utiliser très tôt les services serverless d’AWS pour gérer la mise à l’échelle automatique des capacités de calculs nécessaires à faire fonctionner JetLang, leur propre langage de programmation et service phare de la scaleup. Aujourd’hui, Payfit peut se concentrer sur le développement de nouvelles fonctionnalités comme de nouveaux marchés.
“Il faut se poser la question de l’intégration technique : qu’est-ce qui permet l’intégration technique la plus simple possible”, renchérit Marc-Antoine Lacroix. C’est ainsi notamment parce que la plupart de ses développeurs connaissaient déjà l’outil que Qonto s’est tourné vers Amazon Web Services. “Il faut choisir des outils qui répondent à certaines normes de sécurité et qui permettent de scaler”, précise encore le CTO, qui a su développer un core banking system (entendez noyau bancaire, le coeur du système de logiciels) avec l’appui d’AWS et assurer le passage à l’échelle européenne du service de la néobanque. Et si l’on peut penser que changer régulièrement de prestataire aide à faire baisser la facture, attention à la course au moins-disant : c’est surtout en nouant des relations durables et solides avec des prestataires de qualité qu’une startup bénéficiera, à long terme, d’outils performants et de réductions des coûts.
Avoir de solides bases
La recherche de partenaires business comme celle de collaborateurs nécessite donc de trouver le bon match. Et, dans les deux cas, ce match n’est possible que si un cadre de valeurs communes est respecté. Encore faut-il que celles-ci soient clairement édictées. “Il faut trouver le juste équilibre entre le mouvement positif - prendre la culture, les valeurs, déjà dans l’entreprise par le biais des collaborateurs déjà présents - et le normatif, c’est-à-dire le cadre vers lequel on veut les emmener”, indique Marc-Antoine Lacroix. Qonto s’est finalement arrêté sur l’excellence, l’ambition, le travail d’équipe et l’intégrité. Payfit, de son côté, affiche fièrement les quatre fondamentaux qui composent ses valeurs : humilité, bienveillance, excellence et passion. Et pas question que l’hypercroissance et son exigence d’efficacité balayent cela sur leur passage. “Il ne faut pas transiger sur les valeurs, notamment pour des postes-clés. C’est ce qui fait qu’on met parfois des mois à recruter les bonnes personnes à certains postes”, témoigne Mathieu Bernard.
Ce sont aussi ces valeurs qui éviteront aux entrepreneurs que leur tête ne tourne aux premières heures du succès. “Le nombre d’employés et ou de recrutements en cours n’est pas un objectif en soi, martèle le country manager France de Payfit. Ils peuvent parfois s’apparenter à des vanity metrics pour les startups”, ces chiffres avancés par les entrepreneurs pour se vanter mais qui ne témoignent en rien du succès d’une entreprise. C’est alors que les fondamentaux et le respect des valeurs centrales de l’entreprise prennent alors tout leur sens. “Ils sont déjà très importants en période d’hypercroissance mais encore plus dans une situation de crise comme on en vit aujourd’hui, atteste Mathieu Bernard. Les équipes comprennent bien les décisions qui sont prises et avoir fait tout ce travail en amont est un vrai plus.”
Maddyness, partenaire média de AWS Solutions