L’objectif de cet article est simple : aider les chefs d’entreprise à passer le cap (les amateurs de voile apprécieront !).
Objectif : constituer un matelas de liquidités
“Il faut actionner tous les leviers possibles" , explique Thomas Coutellier (RSM Sofira) :
- retarder les échéances de paiement
- négocier de manière poussée avec son banquier
- s’occuper du client
- et enfin négocier avec les fournisseurs.
Un pré-requis : mettre en place le suivi du pilotage avec la balance âgée.
Mettre en place sa balance âgée
L’objectif : avoir la vision globale de la trésorerie dans le temps. “On dispose de la lecture objective de l’argent qu’on nous doit” ,explique Frederi Scotto, CEO de Sofacto.
Kesako ? Frederi explique :
“La balance âgée ventile les créances en fonction de leur date d’échéance (30, 45, 60 jours…). On applique ensuite une lecture. Certaines créances ont pris du retard, il faut comprendre pourquoi. On adapte la prise de décision et on planifie les actions en conséquence” .
On dispose à présent d’infos factuelles. On peut suivre sereinement les quatre étapes suivantes :
Payer les charges plus tard
SALARIÉ.E.S
“J’ai déjà vécu des périodes compliquées. On perdait beaucoup de chiffre d’affaires, me confesse sous l’anonymat un.e CFO (Chief Financial Officer). Il/elle est maintenant en poste chez une licorne de la French Tech en forte croissance. Ce que j’ai retenu : inutile de cramer du cash pour rien. Si le secteur d’activité s’arrête, le chômage technique ou partiel est la première action à mener.”
Un banquier ajoute : “Une question se pose pour les salarié.e.s : quel sera le niveau de salaire ? Ce salaire prendra-t-il en compte la part variable. Quels seront les impacts sur la vie des Français ?”
CRÉANCES DE L’ÉTAT
Il faut profiter des mesures fiscales. C’est notamment le report de charges sociales et patronales. Attention, "La TVA et l'impôt sur le revenu, collecté à la source, ne sont en revanche pas concernés" , rappelle Gérald Darmanin dans Les Echos.
AUTRES CRÉANCES
Le chef de l'État a annoncé un moratoire des loyers pour les PME en difficulté. Sujet à suivre... Certains gestionnaires ont pris l’initiative d’aller plus loin et de suspendre les loyers sans distinction. Ça laisse une marge de manoeuvre aux commerçants notamment.
Négocier avec la banque
La bonne nouvelle c’est que l’État français a ouvert les vannes ! C’est la banque qui a la main ! Certains établissement ont déjà contacté les clients pour les informer des dispositions. En revanche, les opérations financières qui n’étaient pas encore finalisées vont être vraisemblablement ajournées voire gelés.
On retrouve 3 gros sujets de négociation avec la banque :
DETTES
“Pour les dettes, il faut immédiatement négocier avec la banque le report des remboursements conseille le/la CFO. Il n’y aura pas de reprise avant mai. Donc il faut demander 3 échéances, soit 3 mois de report pour gagner du temps.”
Au moment de la publication, “nous attendons les retours de Bpifrance sur un accord immédiat sans conditions de toute modifications contractuelles sur les contrats en cours” , confesse le banquier d’un groupe français. Même chose sur la réduction des délais de carence (ce délai n’intervient pas pour les sociétés de moins de trois ans).
“Cela peut aller jusqu’à 6 mois de report” , précise une responsable innovation d’un autre groupe bancaire français.
CRÉANCES CLIENTS
Il faut demander à la banque la mobilisation de créance : demander le financement à un taux réduit des créances qui restent à encaisser.
CRÉDITS D’IMPÔT
Pour les entreprises innovantes, il y a un bonus : le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) et le Crédit d’Impôt Innovation (C2I). La banque peut octroyer une avance de trésorerie du montant de ces crédits. Ce service est proposé par peu d’établissements. J’y ai eu recours quand ma startup était accompagnée par BNP Paribas.
S’occuper des clients
“Sur la balance âgée, on commence par regarder les créances côté client, recommande le/la CFO. Qu’est ce qui reste à encaisser ? En théorie, on encaisse le maximum et on essaye de décaler tes créances. Mais les clients risquent de t’envoyer bouler !”
L’enjeu pour Thomas Coutellier : “comment faire pour avoir un plan de continuité ? Pour que les clients puissent avoir le service qu’ils attendent de moi, il faut qu’ils me payent. J’appelle mes clients pour les sensibiliser.”
Négocier avec les fournisseurs
Côté fournisseurs, on analyse s’il y a déjà du retard. On trouve un terrain d’entente pour reporter les traites, voire on négocie les factures à la baisse.
Frederi Scotto ajoute : “D’un côté l’effort national, de l’autre la situation de chacun. On est tous dans une chaîne. Certains fournisseurs seront à l’écoute, d’autres traversent des situations graves. Plus que jamais, on est une chaîne de valeur. On doit regarder en amont et en aval.”
Comme dans toute négociation, on doit en sortir tous gagnants !
Les limites de l’optimisation de la trésorerie
“Je crains la réaction en chaîne, confie Thomas Coutellier. Tu ne peux pas payer tes salarié.e.s si tu n’es pas payé.e ! Si c’est stratégique et vital, il vaut mieux un petit filet de travail plutôt que pas de travail du tout !”.
Conclusion : avec du bon sens, trouvez de bons compromis !
François Abbe est fondateur d’entreprises innovantes en Angleterre puis en France avec la startup Mesclado hébergée au BIC de Montpellier.