Dans l’univers de la santé, une nouvelle génération d’objets connectés a fait son arrivée sur le marché. De plus en plus fiables, ces technologies ont pour certaines un usage strictement médical : collecte des données, suivi du patient, anticipation des maladies… Quelle révolution peut-on vraiment attendre de l'IoT (Internet des objets connectés) enfin arrivé à maturité ? Lors de la Maddy Keynote, qui se déroulait les 30 et 31 janvier derniers à Paris, trois spécialistes ont partagé leur vision sur la santé de demain.
Mieux accompagner et prévenir
Runtastic, Myfitnesspal… Sur nos smartphones, les applications pour prendre soin de sa santé séduisent les utilisateurs. Certains prolongent même l’expérience en enfilant au poignet une montre connectée. D’autres encore ont décidé de ne plus faire des kilomètres pour consulter leur médecin et optent plutôt pour la cabine de téléconsultation. C’est un fait : la santé connectée diffuse aujourd’hui dans notre société. Mais peut-elle vraiment transformer le système de santé ? " On voit déjà une croissance extrêmement importante. A horizon 2023, le marché mondial de la e-santé représentera 235 milliards de dollars ", explique Isabelle Vitali, Directrice du Centre d’Innovation Digitale de Sanofi. Cette dynamique du marché tient à plusieurs raisons : " Il y a un vieillissement de la population et en même temps un boom des maladies chroniques telles que le diabète et certains cancers ", poursuit-elle. À cela s’ajoute la révolution numérique qui impacte chaque domaine de notre quotidien, y compris le milieu médical. " Les médecins se digitalisent de plus en plus, tout comme les patients. Et puis, les aspects réglementaires évoluent aussi avec l’essor de la téléconsultation par exemple. Finalement, la réglementation est en train de s’adapter à ces évolutions ", estime Isabelle Vitali.
De son côté, l’ingénieur Éric Carreel voit dans ce virage l’opportunité de mieux accompagner les patients. " Jusqu’à présent, la médecine consistait à traiter l’urgence dans des lieux dits médicaux : hôpitaux, cabinets… Aujourd'hui, les choses changent et on est en train de basculer dans une médecine davantage tournée vers l’accompagnement et la prévention. D’où l’intérêt de se tourner vers l’IoT qui est rentré dans notre vie quotidienne ", analyse le fondateur de Withings et Zoov. En récoltant au quotidien des data, les objets connectés jouent désormais un rôle essentiel. Éric Carreel s’enthousiasme : " On passe d’une médecine avec un chiffre tous les six mois à un énorme nombre de mesures qui permettent d’observer des tendances. "
Encore des crispations
Si la révolution s’annonce prometteuse, certains professionnels de santé risquent-ils d’être mis sur le carreau ? Non, considère Isabelle Vitali, mais c’est certain, tout le monde n’ira pas au même rythme. " Il y a de la pédagogie et de l’apprentissage à faire, auprès des patients et des médecins. Dès lors que le professionnel de la santé va comprendre la valeur de la data et savoir comment l’exploiter, l’utiliser et l’analyser, le taux d’adhésion augmentera. " Pierre Foulon, Directeur du laboratoire BRAIN e-NOVATION, se dit " très confiant " sur le futur de l’e-santé. " Cela va répondre à énormément de problèmes de déserts médicaux ", souligne-t-il. D’ailleurs, tout commence déjà à s’organiser et à se structurer. En témoigne l’évolution du rôle des pharmacies. " Demain, elles serviront de point relais sur tout le territoire et on pourra s’y rendre pour faire des actes de soin ", assure Pierre Foulon.
Éric Carreel, quant à lui, se montre plus nuancé. D’après l’entrepreneur français, la transition numérique dans la santé est trop lente, notamment parce que " nos corps médicaux sont saturés et qu’il y a encore beaucoup de méfiance vis-à-vis des données ". De l’autre côté de l’Atlantique, la donne est différente. Les Américains voient, eux, l’e-santé comme le seul moyen de sauver leur système de soins. " Ils ont même inventé une nouvelle profession : celle de physician extender qui épaule les médecins pour traiter l’analyse des données et accompagner les patients ", raconte Éric Carreel qui craint que l’Europe ne rate le coche. D’autant que plusieurs grands acteurs du numérique ont d’ores et déjà parié sur la santé connectée. C’est le cas d’Apple ou Google. L'Apple Watch, par exemple, est capable de détecter une fibrillation auriculaire. Au départ raillé par les cardiologues, le " gadget " a su faire ses preuves.
Quelle éthique des données ?
Alors, comment conserver l’éthique dans la santé connectée ? Isabelle Vitali explique : " Il y a des lois qui existent. Le patient, dès lors que sa donnée est utilisée, est informé a minima. Dans certains cas, on lui demande son accord. Or, ce que l’on entend souvent, c’est un discours de peur. " Convaincue que l’information et l’éducation sont indispensables pour appréhender le virage, Isabelle Vitali dédramatise les craintes autour de l’utilisation des données. " Moi, je suis prête à donner toutes mes données de santé si cela peut aider à mieux comprendre la science ", ajoute-t-elle. Même son de cloche chez Éric Carreel : " Si on est collectivement dans un discours de peur, on tétanise tout le monde et personne ne bouge. " Qui plus est, les règlementations en vigueur - à l’instar du RGPD - sont là pour encadrer l’utilisation de nos données, de quoi limiter les crispations. Certes le jeu en vaut la chandelle, mais il s’agit de rester prudent et rigoureux. Selon Pierre Foulon, " pour être crédible, il faut être irréprochable d’un point de vue non seulement éthique mais aussi scientifique, clinique et technologique. " À ses yeux, c’est la condition sine qua non pour être adopté de tous.
Maddyness, partenaire média de Sanofi