Est-ce une révolution qui s'annonce dans le logement ou n'est-ce qu'un nouveau visage pour les résidences étudiantes ? Le "coliving", concept à la mode dans l'immobilier, gagne en tout cas en crédibilité avec une importante levée de fonds en France. "Ça se rapproche énormément de la colocation", admet auprès de l'AFP Alexandre Martin, cofondateur de Colonies : ce jeune spécialiste du "coliving" a annoncé mercredi une levée de fonds de 30 millions d'euros, assortie d'une poche de financement de 150 millions. Ce montant est rare pour une startup immobilière, un univers dans lequel les levées de fonds les plus élevées se comptent plutôt en dizaines de millions d'euros.
L'opération témoigne de l'intérêt réel des investisseurs pour le coliving, un concept que les grands groupes immobiliers se plaisent déjà à agiter depuis un ou deux ans. De quoi s'agit-il ? Théoriquement d'appliquer au logement les leçons du "coworking", l'un des rares bouleversements à avoir récemment frappé le monde de l'immobilier. Celui-ci propose de manière très souple des lieux pour travailler : du simple poste de travail à un bureau entier, pour une durée réduite allant jusqu'au mois, voire à la journée. Il a longtemps été incarné par l'américain WeWork, et si celui-ci est actuellement en pleine déconfiture, de nombreux autres groupes ont pris le relais.
Quant au coliving, c'est le même principe avec des résidences, à la frontière entre l'hôtellerie et le logement, qui mélangent appartements privés et espaces communs. Dans les résidences actuellement exploitées par Colonies, en Île-de-France et en Allemagne, les appartements sont ainsi rassemblés, par blocs d'une dizaine, autour de lieux communs comprenant un salon et une cuisine. La startup compte multiplier les résidences conçues selon ce modèle, prévoyant jusqu'à une centaine d'ouvertures ces deux prochaines années contre seulement six sites actuellement, le tout principalement en France, mais aussi en Allemagne.
L'exemple chinois
Mais là où le coworking se distingue de manière évidente de l'univers rigide des bureaux, ces descriptions du coliving rappellent beaucoup un vieux modèle, la colocation classique. "Il y a des principes de base qui sont les mêmes", reconnaît Alexandre Martin, mettant en avant des différences en matière de taille - "vous n'avez pas de colocs de quinze ou vingt personnes" - et, surtout, de services. "On a pris la liste de tous les points de friction qu'il y avait dans l'expérience d'un colocataire et on a essayé de les résoudre", détaille l'entrepreneur, citant le ménage et l'achat d'électroménager.
À son tour, le concept d'une résidence gérée existe cependant déjà. C'est le cas des résidences pour personnes âgées ou pour étudiants. "Les résidences étudiantes sont conçues pour des investisseurs sans prendre en compte les besoins du client. Ce sont des modèles qui sont là pour faire couler du béton", minimise Alexandre Martin, revendiquant au contraire une démarche qui cherche d'abord à attirer les locataires avec l'expérience promise.
Reste que la confusion est entretenue par de grands promoteurs, comme le géant Nexity, qui promet ainsi des "espaces de coliving" dans l'une de ses résidences étudiantes à Strasbourg. Ce discours est caractéristique de la vogue du concept parmi les grands groupes français. Ils sont nombreux, comme Bouygues et Vinci, à lancer des offres qualifiées de coliving, promettant de répondre, en vrac, à la difficulté à se loger dans les grandes villes, à la nécessité de s'adapter à des existences de plus en plus mobiles et à une volonté contemporaine de multiplier les rencontres.
Dans les faits, le créneau reste embryonnaire. Selon une étude publiée fin 2019 par la filiale immobilière de la banque BNP Paribas, le marché est "encore peu répandu" et n'est en mesure actuellement de loger que 5000
personnes en France. Les acteurs français du secteur peuvent regarder vers l'Asie, et notamment la Chine, où le coliving est "déjà bien développé", selon la même étude, avec des groupes qui exploitent des dizaines de milliers de logements.
Maddyness avec AFP