L’entrepreneuriat est à la mode depuis une dizaine d’années au sein de la startup nation. Les articles vantant les avantages de se mettre à son compte fleurissent : grande liberté, meilleure qualité de vie, flexibilité des horaires… et surtout plus de patron ni de hiérarchie ! Mais ces mêmes articles ont souvent occulté les inconvénients inhérents à ce statut : rémunération aléatoire, solitude, disponibilité requise 365 jours par an, pas de “congés payés”, galères administratives...
Or tout le monde n’est pas fait pour être son propre patron. En revanche, nombreux sont ceux qui aimeraient avoir une activité plus personnelle, en parallèle de leur emploi – en particulier chez les développeurs, mais pas seulement.
Il n’y a pas que le travail dans la vie
L’approche du marché de l’emploi est sans doute plus traditionnelle et conservatrice en France que dans d’autres pays. Le présentéisme, qui consiste à rester au bureau aussi longtemps que possible pour montrer que l’on travaille, est une manie française aussi répandue que improductive.
Chez Tilkee, nous sommes convaincus que le changement est source de motivation. Moi-même, je suis le premier à mener des projets en parallèle de mon activité – avec par exemple l’écriture de plusieurs livres ou des défis sportifs réguliers. Et je sais que plusieurs de nos collaborateurs s’engagent dans des associations, travaillent sur des projets personnels (création d’un jeu vidéo), ou qu’ils ont des passions dévorantes (sport, culture, art…). Et je trouve ça plutôt rassurant.
Je suis conscient que cela peut paraître surprenant, mais je crois qu’en offrant aux collaborateurs le droit de travailler pour d’autres employeurs dans le cadre de missions courtes, ou de disposer de suffisamment de temps pour s’adonner à ses passions, c’est l’entreprise qui y gagnera au final.
De fait, plutôt que d’interdire aux collaborateurs d’avoir une deuxième activité, nous avons préféré ouvrir la porte, persuadés que ce serait une source de motivation et de fidélisation pour nos équipes. Car si on les empêche de construire leur vie au sein de l’entreprise, nombreux seront ceux qui iront la construire ailleurs.
A partir de là, il fallait concevoir un système hybride qui réponde à leurs attentes, sans influer négativement sur la performance de l’entreprise.
La mise en place d’un système hybride
Avec l’aide de mon associé, Timothée, il a été facile d’imaginer ce système qui allait permettre de laisser libre cours aux activités parallèles, aux "side-projects" pour reprendre l’anglicisme à la mode. Nous souhaitions toutefois fixer une éthique et un cadre qui permettent à chacun, entreprise et collaborateurs, de s’y retrouver.
L’objectif restait de soutenir les défis personnels mais ne devait pas encourager le double emploi comme une solution de vivre plus décemment. Chez Tilkee, nous pratiquons depuis longtemps la transparence des salaires et nous nous efforçons à ce que les salaires ne soient pas dans la tranche basse du marché. Notre philosophie du "side project" était donc, avant tout, de lutter contre la routine au travail, de donner à chacun l’opportunité de s’épanouir en relevant de nouveaux défis tant professionnels que personnels.
Nous avons donc fixé quelques règles, peu nombreuses mai qui nous paraissaient importantes, parmi lesquelles :
- Proposer des contrats de 28h pour les collaborateurs qui le souhaitent afin de disposer de temps libre pour développer des projets personnels, tout en continuant à travailler principalement pour Tilkee
- Autoriser de prendre des congés sans solde dans une limite de 5 semaines par an
- Encourager des mission en freelance en sus de leur activité en CDI, après avoir défini une liste de concurrents pour lesquels, naturellement, ils ne peuvent pas travailler. Là encore, l’idée reste avant tout d’encourager l’épanouissement des collaborateurs en leur offrant un peu de liberté !
- Offrir la possibilité de consacrer du temps (maximum 1 heure) dans la journée de travail Tilkee, sous réserve que ce temps soit rattrapé à un autre moment de la journée ou de la semaine.
Ce sont là quatre premières pistes. D’autres critères peuvent être facilement définis par chaque entreprise qui souhaite développer ce système hybride.
Pour quel résultats ?
A ce jour, 10 collaborateurs sur 32 chez Tilkee sont concernés par le side-project. Et après plus d’un an, il y a quelques sujets sur lesquels nous avons pu observer un impact visible de ce mode de management :
La montée en compétences sur un sujet traité : quand, par exemple, un de nos développeurs prend une mission d’intégration Salesforce, on sait qu’il va découvrir de nouvelles fonctionnalités / de nouveaux modes de fonctionnement pour Salesforce chez Tilkee et nos clients.
L’essaimage des bonnes pratiques : par exemple, il nous arrive régulièrement d’être contactés pour des missions d’appui à la mise en place d’un process de prospection. Or ce n’est pas directement le métier de Tilkee. Mais en confiant la mission à un collaborateur, nous savons qu’il en profitera pour parler de Tilkee… et le client sera satisfait qu’on l’ait aidé à répondre à son besoin !
La fidélisation du collaborateur à qui l’employeur permet de voir “d’autres choses” : parfois, un collaborateur peut imaginer que l’herbe est plus verte ailleurs… par manque d’expérience !
Pas ou peu de turnover de l’équipe, malgré les sollicitations nombreuses et quotidiennes.
À date, que ce soit pour les managers ou les collaborateurs, nous ne voyons que très peu d’inconvénients à ce modèle hybride. Et cela nous permet même de renforcer les liens avec notre écosystème (partenaires, prospects, clients). Quand l’entreprise ne peut pas répondre à la demande, nous les proposons aux collaborateurs qui le souhaitent et nous allons jusqu’à leur donner un coup de main sur l’avant-vente. L’objectif est que toutes les parties soient satisfaites !
Et vous, quelles limites verriez-vous à ce système et qui vous empêcheraient de vous lancer ?
Sylvain Tillon est CEO et co-fondateur de Tilkee