Imaginons une jeune entreprise qui n'a plus de trésorerie et qui doit lever des fonds : un désaccord non tranché entre les associés sur l’entrée d‘un nouvel actionnaire peut alors bloquer l'entreprise. À cet instant, l’absence de décision - conséquence d’un désaccord entre associés - est ce qui peut arriver de pire pour l'entreprise. Mieux vaudrait en effet une mauvaise décision que pas de décision du tout !
Un conflit entre associés peut aussi prendre la forme d’un désaccord sur la mise en place d’un partenariat stratégique, porter sur le choix d’aborder le marché d’une certaine manière, ou bien encore sur la stratégie de financement à adopter… Les cas sont très nombreux, pour ne pas dire illimités ; beaucoup peuvent être fatals ! Il est pourtant possible de prendre les devants, en mettant en place très en amont les conditions évitant de telles situations.
Un mot-clé : anticiper !
C'est dès le début, lorsque tout va bien - et surtout lorsque tout va bien ! - qu'il faut évoquer et cadrer la suite. C’est le moment où il faut tout se dire et aussi l’écrire : ses envies et objectifs en tant qu’entrepreneur fondateur de ce projet, aussi bien professionnels que personnels, les mécanismes de décision que l’on met en place... C’est la règle fondamentale qui permet de s'affranchir d'une partie des soucis si jamais la relation se complique. Malheureusement il y a de nombreux moments où cela arrive… Surmonter les difficultés est plus simple quand les problèmes, et surtout leur résolution, ont été anticipés.
Un pacte d'associés est fondamental, même s'il n'y a que deux associés
Trop souvent, la signature d’un pacte d'associés est négligée quand il n'y a que les associés fondateurs, en particulier quand les deux se connaissent bien. Il est souvent initié à partir du moment où un nouvel investisseur arrive au capital. C’est dommageable et il faut au contraire en rédiger un dès la création de l'entreprise et lors du dépôt des statuts. Cela permet, en cas de difficulté, d’avoir formalisé et entériné la manière de sortir d’un certain nombre de ces difficultés par chacune des deux parties : la rédaction du pacte d’associés, c’est une bonne manière de se poser un certain nombre de questions et de les partager.
Éviter à tout prix le 50/50
De manière générale et sous réserve d’investissements et engagements équivalents, le capital sera du même ordre de grandeur entre les associés. Mais s'il n'y a que deux associés, il est en revanche très important que le capital ne soit pas réparti strictement à parts égales des deux côtés. Pour simplifier, il faut éviter à tout prix le 50/50.
Si les deux associés sont à 50/50 cela pose un problème en cas de désaccord et cela peut conduire au blocage de l'entreprise. Et si les deux associés tiennent néanmoins vraiment à une répartition 50/50 pour témoigner de contributions équivalentes - ou simplement d’éviter d’avoir à trancher - il faut quand même qu'ils aient défini lequel des deux aura le dernier mot, possiblement l’un ou l’autre en fonction des décisions ou domaines de ces décisions. Par exemple, l'associé A aura le dernier mot tout le temps sur les décisions qui relèvent du marketing et de la communication tandis que l'associé B aura le dernier mot pour les décisions qui relèvent du produit et de la technologie. Aucun sujet ne doit être oublié.
Il faut aussi que les associés aient, le plus tôt possible, pleinement conscience des conséquences futures de l’entrée au capital de nouveaux actionnaires pour accompagner la croissance de l’entreprise, en particulier sur l’évolution du jeu de pouvoir et la gouvernance de la société.
Se faire aider par des structures spécialisées
Accompagner les fondateurs dans la construction et le développement de leur relation entre associés est un des rôles essentiels des structures d'accompagnement de startups.
Celles-ci sont là en particulier pour accompagner les entrepreneurs dans leur quotidien et ainsi, pouvoir les alerter sur les difficultés éventuelles que telle ou telle situation pourrait déclencher.
En phase d’amorçage, cet accompagnement peut s’avérer déterminant pour définir et mettre en œuvre les process et les règles de gouvernances qui éviteront les conflits à l’avenir, grâce à des experts et coachs habitués à ces problématiques.
Une évidence : communiquer !
Au quotidien, j'invite toujours les entrepreneurs et futurs associés à échanger régulièrement sur leurs objectifs personnels. Par exemple, si un des associés ambitionne de développer sa startup pour aller jusqu'à l'entrée en bourse alors que l'autre a “juste” envie de revendre ses parts et faire une plus-value rapide, un tel décalage d’objectifs peut s’avérer source de conflits futurs. Quand on est deux, on n'est pas forcément toujours alignés sur tout. C'est normal. Mais c'est pourquoi il faut mettre en place, très tôt, les bons process de communication et de décision.
Il faut donc aligner les objectifs, aligner les esprits et définir un format de réflexion continue, d'échanges réguliers et de prises de décisions. Et cela quel que soit le nombre d’associés.
Sortir du quotidien pour mieux s'écouter
S’accorder du temps ensemble, entre associés et hors du cadre habituel est un bon moyen de sortir le nez du guidon et de fluidifier la communication.
Cela peut se faire à l’occasion de week-ends par exemple, l’essentiel étant de trouver un format convenant à chacun. Quand on monte son entreprise à deux, on se répartit souvent les rôles, les domaines d'activité et il est fondamental que les associés ne se perdent pas de vue pour éviter que la société ne se développe pas dans deux directions ou à deux vitesses, les deux pouvant progressivement devenir irréconciliables.
C'est vrai à deux ; c’est vrai aussi à trois ou plus... Plus on augmente le nombre de “variables” et plus cela devient compliqué. Attention néanmoins à ne pas confondre association et participation au capital. Rapidement après le lancement de la startup, les premiers employés ont une participation au capital, mais ne font pas pour autant partie du cercle des associés initiaux.
Quand les rôles de chacun sont identifiés, quand le pouvoir de décision est clair et que la communication est régulière et fluide, il n'y a pas de raison que l’association se passe mal. On est dès lors beaucoup mieux armés pour surmonter les difficultés qui - inévitablement - se présenteront sur la route.
Matthieu Somekh, CEO et cofondateur de Zebox