De plus en plus d’actifs - qu’ils entrent sur le marché du travail ou qu’ils aient déjà plusieurs expériences au compteur - sont attirés par la (plus si) nouvelle économie. Ces travailleurs restent toutefois volages et ne s’interdisent pas de papillonner d’une startup à une autre, butinant de-ci de-là de nouvelles compétences. Dès lors, apparaît pour les startups l’intérêt de mettre en place une vraie direction des ressources humaines. Au-delà du recrutement, il lui appartient de fidéliser les forces vives et de mettre en place une culture d’entreprise attirante.
" La mise en place d’une direction des ressources humaines est un axe stratégique perçu par les investisseurs comme un asset aussi important que, par exemple, la production ", pense ainsi Marine Crovella, DRH de la fintech Younited Credit. Une vision partagée par son homologue de chez Klaxoon, Virginie Lucuron, qui assure que " le capital humain d’une jeune pousse doit être structuré au même titre que ses autres capitaux ". Un process long et chronophage, que n’ont pas forcément le temps de mettre en place les fondateurs : " par nature une startup est en hyper croissance. Les clients, la production, la mise en service… Tout doit être géré en même temps. Au milieu de cela il est important de dégager du temps pour ses équipes, c’est là que devient nécessaire la création d’une équipe RH bien dirigée ", explique de son côté Florie Garnier, DRH de MeilleursAgents.
DRH en startup : un profil hybride
Reste que les dirigeants de startups doivent être particulièrement minutieux quand ils décident de s’offrir les services d’un.e responsable des ressources humaines. " Les fondateurs doivent, en amont du recrutement, définir très précisément ce qu’ils attendent de leur futur.e directeur.trice. Il faut un profil hybride, dans une startup, les RH ne s'arrêtent pas au recrutement ", dévoile Marine Crovella, qui gère notamment en ce moment le déménagement des locaux de Younited Credit. Les trois DRH, rencontrées lors d’un petit-déjeuner organisé par Bpifrance, partagent le constat qu’en arrivant au sein d’une startup, elles ont eu dès le départ beaucoup de travail. Il leur a fallu mettre en place de nouveaux process - ou actualiser les anciens - et notamment industrialiser le recrutement. Les jeunes pousses font bien souvent appel à des cabinets spécialisés avant de développer leur propre équipe dédiée, ce qui coûte très cher. La nomination d’un.e DRH peut donc être un vecteur d’économies.
Si la mise en place d’une direction des ressources humaines est rassurante pour les investisseurs, elle l’est tout autant pour les talents. " La certitude que ses besoins primaires, comme la gestion de sa paie, seront organisés et gérés par des spécialistes est un plus pour une personne chassée ou en recherche. Cela contribue à donner un aspect ‘solide’ à une entreprise ", estime Virgine Lucuron.
Attirer les talents
Dans un écosystème ultra concurrentiel où la prospection de talents s’apparente à la quête du Graal, les responsables RH ont une vraie valeur ajoutée. Chez Klaxoon, en plus des dispositifs classiques de la recherche - offres publiées sur plusieurs plateformes, prise de contact avec les écoles et universités… - Virginie Lucuron a également décidé d’envoyer quelqu’un de son équipe de recrutement sur chacun des salons où la startup est exposante. " Cela nous permet non seulement de mettre en avant notre marque employeur, mais aussi de rentabiliser encore un peu plus notre présence sur des événements comme Vivatech ", explique la DRH qui assure faire, en moyenne, un recrutement par rendez-vous de ce genre. La marque employeur donc, ainsi que la culture d’entreprise, sont des leviers d’attractivité qu’utilisent les jeunes pousses pour séduire leurs futur.es salarié.es : " les actifs ressentent de plus en plus le besoin d’avoir de l’impact, ils sont en recherche de sens et veulent apporter des choses concrètes à l’entreprise dans laquelle ils postulent, les startups permettent cela ", considère la responsable RH de Klaxoon.
À un certain stade de leur développement, les jeunes pousses doivent souvent recruter des profils plus expérimentés pour passer à l’échelle. Là intervient la difficulté de la confrontation avec les grands groupes, qui sont en mesure d’offrir des salaires plus alléchants. " Il est vrai que nous payons moins, concède Marine Crovella, toutefois nous offrons un niveau de responsabilité et d’autonomie plus importants. De plus, nous intéressons ce type de profil au capital, ce qui nous permet de rivaliser avec les structures plus importantes. " Florie Garnier est, de son côté, moins certaine de la nécessité de recruter ce niveau de collaborateurs : " ce sont des profils qui peuvent nous effrayer, explique-t-elle, on se demande s’ils vont pouvoir s’adapter à l’agilité d’une startup. Pour s’en assurer on structure un process de recrutement qui comporte des filets de sécurité. Une fois les entretiens passés nous organisons une journée de mise en situation et des rencontres avec des salariés avec qui ils devront travailler s’ils sont embauchés ".
Pas question toutefois de faire durer l’étape du recrutement indéfiniment. Exit les modèles qui prévoient de faire passer une dizaine d’entretiens, un escape game et deux dîners chez le fondateur… " Il faut aller très vite dans la guerre des talents, poursuit la DRH de MeilleursAgents, nous fixons à trois le nombre maximum de déplacements du candidat sur notre lieu de travail ". Il faut en effet éviter l’effet lassitude ou démotivation sur le talent en lice.
Les retenir et les faire évoluer
Une fois captés, il faut parvenir à garder ses salariés. Là aussi ce rôle incombe au service des ressources humaines. Les baby-foot et les hamacs fixés dans l’open space ne suffisent plus ! Les trois DRH interrogées s’accordent à dire que la mise en avant des fondateurs est essentielle. " Notre CEO (NDLR : Matthieu Beucher) partage régulièrement sa vision de l’avenir de Klaxoon et cela motive énormément nos équipes ", raconte notamment Virginie Lucuron. Autre axe de rétention, à rebours de ce que l’on entend régulièrement sur les vertus du management horizontal, Marine Crovella assure que les équipes de Younited Credit ont été en demande d’une hiérarchie bien établie : " Il y a trois ou quatre ans nous avions un turn-over trop important, se souvient-elle, nous nous sommes alors rendu compte que nos employés désiraient un management structuré. Ils attendaient que leurs supérieurs agissent comme des coachs leur permettant de s’élever. Nous avons revu toute la formation de nos managers pour les pousser à aider leurs collaborateurs à se développer ". Une stratégie qui a depuis porté ses fruits puisque la startup arrive aujourd’hui à un taux de rétention de quasiment 100 % de ses développeurs.
Si les startups ont beaucoup à apporter aux grands groupes, leur modèle de développement gagnerait toutefois à ce que l'on s'en inspire. Une chaîne hiérarchique claire et une direction des ressources humaines solidement constituée semblent en effet être autant d’éléments importants pour les talents, qu’ils soient en poste ou en plein processus de recrutement.