Consciente que la France dispose d’une recherche publique au meilleur niveau et d’un écosystème de startups en pleine expansion, Frédérique Vidal est persuadée de l’intérêt de les faire travailler main dans la main. La ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a donc chargé, depuis octobre 2018, François Jamet de réaliser un état des lieux sur le transfert de technologie aux startups. L’objectif de sa mission étant de rendre plus lisible et plus performant ce processus, l’ingénieur général des Mines, qui vient de rendre son rapport, a formulé plusieurs recommandations destinées à renforcer le modèle d’innovation français en fluidifiant les liens entre le monde académique et l’écosystème entrepreneurial.
" Pour intéresser une grande entreprise, une startup sera en mesure de mobiliser le financement nécessaire, mieux qu’un établissement de recherche publique ", assure François Jamet dans son rapport. Il faut donc, selon lui, pousser et aider les chercheurs à créer leurs propres jeunes pousses. Le problème est que les freins culturels restent importants et que de très nombreux chercheurs n’ont aucune appétence pour la création d’entreprise. C’est pourquoi les dispositifs de promotion de l’entrepreneuriat et d’accompagnement des projets sont essentiels pour encourager le mouvement : " Ils doivent s’inscrire dans la stratégie de recherche et de valorisation propre à chaque établissement ", explique le rapporteur.
Rapprocher la recherche du secteur économique
Chaque année, quelques 130 startups créées sur la base d’un transfert de technologie ou de savoir-faire protégés issus des laboratoires de recherches ou adossées à eux par un contrat voient le jour. C’est encore trop peu pour François Jamet, qui déplore que la progression des actions en faveur de leur création n’a pas encore eu d’impact notable sur leur nombre.
Le rapporteur explique en partie cela par les difficultés que rencontrent les établissements de recherche à trouver les bons entrepreneurs pour porter leurs projets. Certaines spécificités comme un niveau de risque très élevé dans la DeepTech et des échelles de temps pour atteindre le marché très longues, rendent les négociations complexes. François Jamet recommande donc aux établissements de recherche de recruter des profils expérimentés, maîtrisant les dimensions technologique, économique et juridique, et capables de dialoguer de façon approfondie avec les entrepreneurs sur leur projet.
Autre difficulté : les contrats liés au transfert de technologie. Les investisseurs et les entrepreneurs se plaignent du processus de négociation avec les établissements de recherche et de ses délais. Les exigences financières et les processus juridiques et administratifs internes à la recherche publique semblent obscurs au monde économique. Le rapport recommande donc d’aiguiller les établissements de recherche sur la manière dont ils peuvent se rémunérer sur la tech qu’ils mettent à disposition. Ils peuvent choisir de fonctionner par redevances, par prise de participation, ou par les deux moyens combinés.
Pour les aider à choisir il faut mettre en place une grille d’éléments d’appréciations. Exemple : si le modèle de la startup a vocation à intéresser des investisseurs, l’établissement de recherche a tout intérêt à choisir la prise de participation, mais si la propriété intellectuelle mise à disposition de la startup a un poids très important sur son modèle économique, l’établissement devrait plutôt choisir la redevance. Cette grille aurait pour effet de fluidifier et de rendre plus automatique l’établissement de contrats entre les différentes parties.
Pour aller plus loin, François Jamet recommande également de soutenir l’initiative de France Biotech de constituer avec Bpifrance un groupe de travail pour mettre en place, dans le domaine des biotechs, une base de données des licences permettant de disposer de " comparables " pour la négociation des nouvelles licences. Dans les cas où la transaction continuerait à poser problème, le rapporteur conseille de mettre en place une fonction de médiation nationale à laquelle il pourrait être fait appel par la startup ou par un établissement pour dénouer une négociation au-delà d’un certain délai.
Les grandes écoles et les universités jouent un rôle majeur dans la recherche appliquée dans le domaine des DeepTech, le génie créatif de la France en a d’ailleurs fait l’un des pays les plus innovants au monde (troisième pays du top 100, selon Clarivate Analytics). Il y a donc tout intérêt à favoriser les échanges entre le monde de la recherche et le monde entrepreneurial. C’est ainsi que la France pourra faire émerger les prochains champions des technologies de rupture.