Le capital investissement français célèbre sa plus belle année depuis la crise de 2008 avec près de 19 milliards d’euros de fonds levés et 9 milliards d’euros de désinvestissements pour 2200 entreprises concernées. Cette performance atteste une belle confiance en l’avenir et en la capacité des entreprises concernées à générer la valeur attendue par ces investisseurs… En d’autres termes, à proposer une equity story plus attractive.
Comprendre les leviers de croissance
Comment les sociétés bénéficiant de l’écosystème du capital-investissement au sens large entendent-elles créer de la valeur de façon rapide et durable, à l’heure où la lame de fond numérique rend les positions concurrentielles aussi changeantes que les plus-values peuvent être mirifiques quand les bons choix ont été faits ? Les données de France Invest peuvent être utilement mises en perspective avec celles d’une étude antérieure, où l’on apprend notamment que la création de valeur, définie comme la variation de la valeur des fonds propres de l’entreprise entre la date de sa prise de contrôle et la date de sa cession totale, au sein de l’échantillon de PME et d’ETI analysées provient à 59% d’un " effet résultat " et 38% d’un " effet multiple ".
L’importance de l’effet résultat, à savoir le plus souvent un accroissement de l’EBE résultant de l’évolution des offres et des géographies, ne surprend pas. Mais la vigueur de l’effet multiple, qui finalement pèse les deux tiers de l’effet résultat, est riche d’enseignements. Celui-ci résulte bien entendu de l’abondance de liquidités sur le marché et de la concurrence que se livrent les investisseurs ; il y a néanmoins fort à parier que l’effet multiple résulte aussi de l’interprétation qui est faite de l’activité d’une entreprise et de la manière dont cette lecture s’inscrit dans l’avenir plutôt que dans le passé.
Ainsi une entreprise qui, souvent sous l’impulsion de son tour de table, s’attache à transformer numériquement ses offres, ses canaux de distributions, ses fonctionnements internes, aura besoin de temps pour que ses initiatives se transforment en excédent d’exploitation, mais il est probable que ses multiples de valorisation commencent à augmenter plus rapidement. Voici donc à l’œuvre l’effet multiple. La performance passée ne préjuge pas des résultats futurs, c’est bien connu, mais la valeur de l’actif, elle, dépend bien d’une vision de l’avenir.
L’equity story n’est pas l’equity history. Elle s’écrit au futur
C’est bien le rapport au futur qui détermine, finalement, la " survaleur " accordée à une entreprise, la qualité de la " sortie " pour les investisseurs, ou plus simplement la possibilité de se refinancer dans les meilleures conditions.
S’il n’est pas nouveau que le travail des patrons et des conseils d’administration est de préparer l’avenir tout en tirant le meilleur parti du présent, il est clair que les entreprises sont plus que jamais écartelées entre la performance opérationnelle au jour le jour et la volonté de tirer le meilleur parti d’une révolution numérique pervasive et porteuse d’autant d’opportunités que de périls.
Personne ne peut nier le dilemme quotidien entre une croissance incrémentale parfois synonyme de sclérose et le lancement d’initiatives d’innovation de rupture, qui portent un risque élevé de décentrement au détriment des activité historiques réellement contributives.
C’est dans ce contexte qu’il nous a été donné d’observer l’intérêt croissant de la part des investisseurs en capital et des entreprises qu’ils accompagnent, pour cette forme de sous-traitance des opportunités de croissance, appelée excubation.
Améliorer son equity story avec l’excubation
De quoi s’agit-il ? Une société et ses actionnaires confient à une firme tierce le développement ex nihilo d’une activité connexe, le plus souvent à fort contenu numérique. Cette nouvelle activité possède une personnalité juridique propre et est tout entière pensée pour être ré-intégrée dans la société mère lorsque les objectifs pré-agréés ont été atteints. Le partenaire d’excubation co-investit au capital pour maximiser l’alignement des intérêts et se retire lorsque le fameux passage de zero to one, dont Peter Thiel a fait un ouvrage, est effectué.
Cette approche est utilisée pour le déploiement de nouvelles marques purement numériques type DNVB, pour le lancement de produits et de services vendus directement au consommateur ou plus simplement pour opérer une activité périphérique porteuse de forte croissance lorsqu’on veut éviter tout effet de bord sur l’activité-cœur. Ce type de pratique diffère radicalement des startups studios, qui ont la grande qualité de convertir leurs clients aux méthodes agiles mais n’assument pas le même rôle de leadership opérationnel dans la durée ni le même risque financier.
En permettant d’écrire plus rapidement, plus précisément, plus agilement les nouvelles pages du développement des entreprises, l’excubation rend plus réelle, plus tangible et in fine plus désirable l’equity story des entreprises. Celles-ci peuvent aborder dans de bien meilleures conditions les prochains cycles de leur financement, tandis que les investisseurs en capital tireront le double bénéfice d’un effet multiple et d’un effet résultat.