Le hasard, et les rencontres heureuses, font souvent bien les choses. Pour ce qui est de Techstars Paris, c’est notamment un rendez-vous avec Romain Lavault, Partner du fonds Partech, qui fait pencher David Cohen, fondateur du prestigieux programme, en faveur de l’ouverture d’un Techstars français. Il le rencontre en 2017, lors d’un passage dans la capitale. Quelques mois plus tard, la première équipe Techstars pose ses valises dans les locaux du Partech Shaker, l’immeuble de 9 étages détenu par le fonds d’investissement, qui accueille des startups du monde entier. " D’un point de vue stratégique, Paris ne pouvait plus être ignoré ", précise Julien Quintard, Managing Director de Techstars Paris. On est alors en pleine période du Brexit et les investissements en France explosent. En 2016, ils ont même dépassé les 2 milliards d’euros et pour la première fois, les investisseurs étrangers se bousculent au portillon. " Aujourd’hui, en France, il y a de l’argent -voire trop- Il y a pléthore de mentors, il y a des entrepreneurs qui gardent au moins un pôle en France pour aider les nouvelles générations à devenir meilleures et il y a des corporates qui commencent à mieux comprendre comment faire de l’innovation, résume Julien Quintard. Tout ça réuni fait que l’on a tout ce qu’il faut pour faire de grosses boîtes. Les Dataiku, Algolia, Doctolib, etc. vont se multiplier. "
Et Techstars veut être aux premières loges. Surtout quand il s’agit de " créer des géants et aider une nouvelle génération d’entrepreneurs qui ont une dimension morale, sociale et qui veulent avoir un impact positif sur le monde ", leur ambition première. Mais si la marque Techstars est puissante, il faut l’imposer dans un paysage français de l’accélération qui s’est bien structuré. On est loin des premiers essais du Camping en 2011, et Paris foisonne d’acteurs de l’accompagnement. Numa et The Family en tête. Si 1600 sociétés sont passées par Techstars à travers le monde, et ont levé au global quelques 6 milliards de dollars, comment la vision d’un accélérateur américain pourrait-elle aider les entreprises françaises, au-delà du prestige du nom ? " Il y a beaucoup d’incubateurs ou d’accélérateurs qui veulent aider les startups mais chez Techstars, les Managing Directors sont des personnes qui ont elles-mêmes créé, puis vendu leur boite, et qui connaissent donc parfaitement les problématiques des jeunes entrepreneurs ", remarque Julien Quintard. En échange de 6% du capital des sociétés, Techstars investit 120 000 dollars et se présente comme un " investisseur passif ", qui aide et accompagne la startup, et pas uniquement pendant les 3 mois du programme.
L’autre avantage de Managing Directors qui ont une connaissance du " terrain " ? Leur réseau et l’entraide qui en découle. Les 45 Managing Directors se contactent ainsi régulièrement pour discuter des startups accélérées et de leurs problématiques et partager leurs carnets d’adresse. " Avec Techstars, un entrepreneur peut entrer en contact avec n’importe qui en l’espace de deux semaines. C’est une machine parfaitement rodée, qui a accumulé beaucoup d’expérience, mais aussi beaucoup de contacts ". Leur devise ? " Techstars for Life ".
Sélectivité et ancrage local
Et pour bénéficier de la machine bien rodée, et obtenir sa carte de membre à vie, il faut se battre. L’accélérateur ne communique pas sur ses chiffres, notamment sur le nombre de candidatures, mais seules une dizaine de startups composent chaque promotion. Quand on sait qu’il faut près de 3 mois pour les sélectionner, à raison de " deux minutes par dossier, pendant 5-6 jours " pour le premier round, puis " d’une vingtaine d'appels par jour pendant une semaine " pour creuser, pour enfin faire rencontrer aux finalistes " le comité de sélection, composé d'investisseurs, d'entrepreneurs, de partenaires corporate " … il est raisonnable de penser que les dossiers de candidatures doivent se ramasser à la pelle rue du Mail.
Et la compétition n’est pas que locale. Cette année, pour la seconde promotion de l’accélérateur, sur les 11 sociétés sélectionnées, 6 sont françaises. Les autres viennent du Bénin, de Taïwan, d’Australie ou encore d’Espagne. C’est la force de la marque Techstars. Si le programme américain a du prestige sur son propre sol, il n’en perd pas une miette à l’étranger, peu importe la ville d’implantation : Berlin, Dubaï, Lisbonne, Londres ou même Toronto.
" Avant, si on voulait des financements américains il fallait flipper sa boite [passer son siège aux États-Unis, NDLR], ce n'est plus nécessaire aujourd’hui, résume le directeur du programme français. Par exemple, il y a déjà pas mal d’investisseurs de la Valley qui nous ont contacté pour participer au Demo Day du 5 décembre. On peut donc implanter Techstars n’importe où. "
La coopération étant de mise au sein du réseau, les entrepreneurs peuvent ainsi postuler dans différents programmes (locaux mais aussi thématiques). S’ils sont acceptés dans plusieurs d’entre eux, les Managing Directors se mettent d’accord sur celui qui sera le plus pertinent pour le fondateur. " On sait assez rapidement lors du process de candidature si les entrepreneurs qui postulent font également partie des 20 meilleurs dans un autre programme. Cette année on a par exemple une startup dans la musique, qui fait Techstars Paris alors qu'elle aurait pu attendre de faire Techstars Los Angeles spécialisée dans son domaine. L’expertise à LA était exceptionnelle mais le fait de faire partie de Techstars leur permet d’avoir accès à toutes les ressources, et même d’aller passer deux semaines dans ce programme en immersion. "
Jamais sans les corpo
Entreprendre n’importe où, en fonction de sa spécialité plus que de sa nationalité, une réalité prochaine ? À terme, les structures d’accompagnement pourraient bien se verticaliser davantage à l’instar de Techstars qui propose déjà des programmes " développement durable ", " retail ", " musique ", ou encore " IoT ". " Une startup dans la mobilité ira à Detroit plutôt qu’à Paris. Et ça a aussi du sens parce que les grands comptes sont plus actifs sur des verticales qui les concernent. ", ajoute Julien Quintard.
Dans le monde, Techstars a même créé des programmes sur-mesure comme Barclays New York, Londres et Tel Aviv ou encore Metro Berlin. Mais en France, c’est un consortium de grands comptes qui est adossé à l'accélérateur : AccorHotels, Air Liquide, FDJ, Groupama, Total, GEFCO et Next47. " Ils participent activement au programme, précise la Program Manager Enriqueta Gonzalez Lizardi. Nous suivons de près leur implication régulière et leur mentorat des sociétés. Si nous n’avons pas encore de cas d’investissement de leur part, il est important de créer des ponts commerciaux. " L’année dernière, les startups de la première promotion parisienne ont ainsi mis en oeuvre 11 POC avec les membres du consortium. Pas de safari donc pour les corporates de Techstars dont l’implication est essentielle à la réussite du programme. Un programme intense, mené tambour battant et constellé de " moments de grand stress ", concède Enriqueta Gonzalez Lizardi. Après un premier mois de mentorat (notamment avec des noms comme Renaud Visage d’Eventbrite, Yann Lechelle de Snips ou encore Steve Anavi de Qonto) durant lequel les fondateurs " présentent ce qu’ils font, une centaine de fois s’il le faut, pour obtenir du feedback ", la suite du programme est un enchaînement de rencontres, de " talks ", de conseils et de bilans pour faire avancer la machine. " Les CEOs arrivent plus tôt que tout le monde, ils doivent bouger plus vite, être plus agiles " surtout quand il faut tout recommencer depuis le début et pivoter. " Nous investissons sur l’entrepreneur plus que sur le produit, reconnaît Julien Quintard. C’est pourquoi nous l’entourons pour le coacher. Le produit est une représentation de l'intelligence des fondateurs, mais il arrive qu’ils doivent tout changer ".
S’il est possible de trouver des informations sur la promotion actuelle, l’accélérateur ne communique ainsi pas outre-mesure sur ses poulains et laisse à tous la surprise de voir ce que la société est devenue lors du Demo Day. Le prochain a lieu au Grand Rex le 5 décembre. Après avoir fait ses gammes chez Station F, l’accélérateur a décidé de s’affranchir de la caution Niel et de voir plus grand, mais aussi plus intime. L’occasion pour les jeunes pousses accompagnées de séduire les investisseurs et de suivre les traces des startups de la première promo, à l’instar d’Eyelights, qui a levé 2,5 millions d’euros, de Miuros qui boucle actuellement son premier tour de table, de même qui Zify, qui, en prime, a signé un partenariat avec Peugeot Motocyles. Rendez-vous est pris !
Maddyness, partenaire média de Techstars Paris.