Vous planchez sur cette idée de saucisse vegan ou d’eau en poudre depuis des mois. Et il faut vous y résoudre : l’argent ne pousse pas dans les champs. Maintenant que votre projet se concrétise, il est l’heure de partir chasser l’aide publique ou le prêt bancaire. Cela nécessite de la préparation et de l’organisation qui vous éviteront de vous perdre dans les méandres de l’administration ou de crouler sous les dossiers. Quelques pistes pour aborder sereinement cette étape cruciale.
Réfléchissez au financement en amont
De la même manière que vous ne partez pas faire les courses au moment même où la faim se fait sentir, évitez de vous préoccuper de votre business plan lorsque vos caisses sont vides. Préparer cette étape en amont vous permettra d’avoir les reins solides au moment de défendre votre projet et rassurera ceux à qui vous demanderez de vous aider financièrement. “Il est impératif de quantifier et de ventiler les besoins, rappelle Ludovic Larché, conseiller innovation de la CCI Val-de-Marne et intervenant à l’incubateur-pépiniére Rungis&Co. Des fonds propres aux aides de bpifrance, il existe une large palette d’aides qui peuvent être mobilisées pour différents postes de dépenses.” Le prêt bancaire sera ainsi plus facile à obtenir pour financer des achats de matériel de production. Et le crédit impôt recherche, très utilisé par les entreprises de l’agroalimentaire, est à privilégier pour soutenir un effort continu en R&D, notamment lorsque les aides publiques octroyées ont été entièrement consommées.
Mais certaines aides publiques sont conditionnées : contrairement au prêt, le risque est partagé entre l’organisme qui accepte de verser de l’argent et l’entrepreneur, ce qui implique que le montant de l’aide ne dépasse pas celui des fonds propres que la société peut investir pour mener à bien son projet. Il faut le savoir pour éviter d’essuyer des déceptions parce que vous n’avez pas pensé à cela avant de déposer vos dossiers… Autre astuce : n’attendez pas la fin de l’année pour déposer une demande d’aide. Bien souvent, l’enveloppe allouée pour les aides à la faisabilité a déjà été largement sollicitée et la concurrence se fait donc plus rude.
Définissez votre projet avec précision
Sachez définir précisément ce que vous faites et comment vous le faites. “Pour obtenir des aides publiques en faveur de l’innovation, il faut pouvoir prouver le caractère innovant du projet”, souligne Ludovic Larché. “Une innovation, c'est une idée nouvelle, mise en pratique, avec succès. Une innovation, c'est à la fois une démarche et le résultat issu de cette démarche”, stipule le Guide des dispositifs nationaux de soutien à l'innovation et au transfert dans les secteurs agricole, agroalimentaire, forêt, valorisation non-alimentaire, cheval, publié au mois d’avril par le Ministère de l’Agriculture et de l’alimentation. Une définition relativement large mais qui diffère selon les organismes que vous solliciterez. Certains privilégient l’innovation produit (Crédit Impôt Innovation par exemple), d’autres sont ouverts aux services, voire aux techniques marketing. Renseignez-vous en amont pour adapter votre dossier. “Lorsqu’on parle de production, il est nécessaire de détailler les procédés techniques pour que l’examinateur puisse se rendre compte des difficultés que l’entrepreneur doit surmonter, explique le conseiller de la CCI. Dans l’agroalimentaire, le fait que les chefs d’entreprise doivent entre autres tenir compte des propriétés organoleptiques (goût, texture, odeur…) du produit permet de mieux appréhender ces difficultés.”
Une seule règle prévaut pour l’ensemble des dispositifs : “montrer que son produit ou son service est plus performant que ce qui existe déjà sur le marché”. Réalisez donc un benchmark de la concurrence et soulignez votre différence, si possible en quantifiant ce que vous apportez au marché ou aux consommateurs. “Supprimer des ingrédients peut constituer une innovation en soi parce que cela peut avoir un impact sur les propriétés organoleptiques et impose de repenser les techniques de fabrication, précise Ludovic Larché. Certaines innovations liées au véganisme entrent par exemple dans ce cadre-là.”
Pensez au financement participatif
Il est aujourd’hui devenu une source de financement comme une autre. Différents dispositifs sont à votre disposition aux différentes étapes de croissance de votre projet : le crowdfunding en dons peut par exemple être utile en phase d’amorçage, pour tester l’appétence des consommateurs ; le financement participatif en capital est plutôt réservé à des entreprises plus matures, qui cherchent des montants bien plus importants et peuvent se permettre une dilution de capital.
Reste le crowdlending, que les entrepreneurs sollicitent en général comme financement complémentaire au prêt bancaire. “Comme le prêt bancaire, le prêt participatif a vocation à être remboursé, ce qui nécessite et garantit la solvabilité de l’entreprise, explique Lionel Lasry, cofondateur de la plateforme de crowdlending Agrilend hébergée à Rungis&Co, spécialisée dans les projets agroalimentaires. Mais les projets que nous présentons diffèrent de ceux soutenus par les banques : l’aquaponie ou les farines d’insecte constituent des projets trop novateurs pour les banques. Le crowdlending permet de combler ce trou dans la raquette.”
Sachez convaincre vos interlocuteurs
Ce n’est pas parce que vos interlocuteurs n’entrent pas au capital de votre entreprise que vous devez leur présenter un pitch au rabais. D’autant que “les aides peuvent se révéler très concurrentielles selon les régions”, prévient Ludovic Larché. Raison de plus pour peaufiner sa présentation et soigner les détails pour mieux sortir du lot. La plupart de vos interlocuteurs ne seront pas forcément aguerris aux spécificités de l’industrie agroalimentaire, pensez donc à clarifier votre démarche au maximum, à l’expliciter du mieux que vous pouvez sans pour autant prendre de raccourci. Vous êtes le garant du caractère innovant de votre projet, sachez le mettre en avant.
Mais, contrairement à ce que vous demanderont bon nombre d’investisseurs, ceux qui allouent les aides publiques vont également juger votre projet à l’aune de ce qu’il apporte à l’économie. Difficile de penser que de l’argent public va financer une entreprise dont l’activité contribuera à supprimer des emplois ou qui se révélera particulièrement polluante, par exemple. “Les aides publiques sont au départ calibrées pour aider les entreprises et donc l’emploi, même si les pouvoirs publics considèrent de plus en plus la dimension de retour sur investissement”, indique Ludovic Larché. Ce qui peut s’apparenter à une contrainte peut tout aussi bien se transformer en point fort : pourquoi ne pas investir dans des segments (écologie, impact social…) qui vous permettront de gagner des points auprès des consommateurs tout en vous donnant accès à de nouvelles sources de financement ?
Faites-vous accompagner dans votre démarche
Le financement est à la fois une étape cruciale et complexe. L’essor de l’entrepreneuriat et de l’écosystème startup a permis ces dernières années à différentes structures de voir le jour, qui pourront vous aider dans vos recherches. C’est le cas des accélérateurs ou des incubateurs, comme Rungis&Co, implantée sur le Marché International de Rungis, qui accompagne au quotidien les porteurs de projet et les chefs d’entreprise des secteurs agroalimentaire et logistique. Pensez également à vous tourner vers les CCI, qui peuvent vous aider à vous y retrouver dans ce vaste écosystème des aides en faveur de l’innovation et vous accompagner dans vos démarches. La CCI du Val de Marne par exemple gère Rungis&Co et anime AgroAlia le club régional des startups de la foodtech. Enfin, n’hésitez pas à contacter bpifrance mais aussi des organismes spécialisés dans l’agroalimentaire comme France Agrimer, l’Ademe ou l’Ania. Ils pourront évaluer votre éligibilité et vous aider à identifier les dispositifs d’aide auxquels vous pouvez prétendre.
Vous adjoindre les conseils d’experts vous permettra aussi de gagner du temps et de maximiser vos chances de réussite. En matière de financement participatif, les plateformes comme Agrilend vous aident à optimiser le marketing de votre campagne, s’occupent en partie de sa promotion sur les réseaux sociaux et œuvrent comme de véritables ambassadeurs pour votre projet. “Plus les entrepreneurs s’y prennent tôt, plus cela laisse de temps aux équipes pour organiser une communication efficace”, martèle Lionel Lasry.
Vous faire accompagner est aussi un garde-fou pour limiter les risques. Pensez par exemple à sécuriser votre démarche si vous lancez une campagne de financement participatif en don car elle “oblige bien souvent à se dévoiler sans protection intellectuelle”, alerte Ludovic Larché. Pour les campagnes en capital, “attention aux conditions de prise de participation”, rappelle-t-il également. Dernier écueil : le contrôle fiscal. Le risque est particulièrement élevé pour les dispositifs fiscaux (crédit impôt-recherche, crédit impôt innovation et statut de jeune entreprise innovante). A titre d’exemple, “contrairement à ce que pensent de nombreux entrepreneurs, le statut de jeune entreprise innovante n’est attribué qu’aux entreprises de moins de 8 ans qui réalisent des travaux de recherche et développement, et le fait de développer une innovation n’est pas suffisant”, souligne Ludovic Larché. Si l’administration se rend compte que vous avez indûment (même de bonne foi) bénéficié de ces dispositifs, vous serez obligé de rembourser les sommes perçues. Pour éviter cette mauvaise surprise, une seule solution : interroger en amont l’administration pour qu’elle vous éclaire sur votre situation. Cette procédure, appelée rescrit fiscal, vous protégera par la suite.
Rechercher des financements peut être chronophage mais le jeu en vaut la chandelle : une fois les aides et autres prêts en poche, vous aurez tout le temps de vous consacrer au développement opérationnel et stratégique de votre projet pour en faire un succès pérenne !
Maddyness, partenaire média de Rungis&Co.