Tout le monde en parle mais la blockchain reste encore une technologie réservée aux initiés (ou à ceux qui se font passer pour). Pourtant, les spécialistes sont formels : elle est la techno qui va réinventer notre monde, en mieux. Sécurisée, accessible à tous et nécessitant des moyens peu coûteux, elle promet de redessiner de nombreux usages si tant est qu'on lui donne les moyens de se généraliser. C'est tout l'enjeu d'un rapport publié il y a quelques jours par France Stratégie, qui a formulé sept recommandations pour développer les blockchains tout en les encadrant.
Miser sur la recherche
Parce que la blockchain n'en est encore qu'à ses prémices, l'institution préconise d'abord de multiplier les travaux de recherche "en misant sur l'interdisciplinarité". Le rapport souligne d'ailleurs que si les milieux académiques ont connu un engouement ces dernières années pour la blockchain, cette technologie est née en-dehors des laboratoires de recherche, ce qui a probablement contribué à retarder les études en la matière. Mais il est désormais temps de rattraper le retard pris. L'Inria a pour cela sélectionné quatre domaines prioritaires pour la recherche : la formalisation, la sécurité, la qualité de service et la gouvernance. Reste à lancer "un programme national plurisciplinaire" pour explorer le plus de pistes possibles.
Développer les formations
"R&D et formations doivent aller de pair", martèle France Stratégie. En effet, la France a un retard considérable sur les grandes universités américaines, qui ont toutes lancé des cursus dédiés à la blockchain. Si l'Hexagone est réputé pour la qualité de ses ingénieurs, il serait bon qu'elle en fasse de même pour ne pas louper le train de cette nouvelle technologie. "Développer des projets innovants suppose de comprendre les concepts sous-jacents et pas seulement de coder dans tel ou tel nouveau langage", prévient l'institution qui suggère d'aider les développeurs à s'approprier la blockchain. Mais aussi d'ouvrir des formations grand public pour que celle-ci ne reste pas "cantonnée aux spécialistes".
Réguler et contrôler
Mieux vaut prévenir que guérir, telle est la doctrine de France Stratégie. "Pour laisser la place à la créativité, il convient d’instituer des régulations de base qui soient raisonnablement attractives : c’est une nécessité pour soutenir les applications légales", rappelle l'institution. Et si la blockchain laisse pour l'instant la porte ouverte à toutes les arnaques, notamment dans le secteur des cryptomonnaies plus ou moins véritables, sa régulation pourrait demain permettre aux projets sérieux de gagner en visibilité... et en crédibilité. Au-delà de la définition de règles fiscales, comptables et financières qui devront s'adapter aux évolutions de la technologie, France Stratégie recommande également de clarifier la valeur de preuve d’une inscription sur une blockchain afin de limiter les usages frauduleux.
Financer le coeur de la blockchain
La blockchain est souvent perçue uniquement du point de vue des usages et la plupart des projets qui y ont recours évoquent peu ce qui est pourtant le nerf de la guerre : l'infrastructure logicielle. Cette désaffection des porteurs de projets pour cet aspect de la blockchain n'est pas sans lien avec le manque de recherche en la matière, comme évoqué plus haut. C'est pourquoi France Stratégie suggère de contribuer au financement des projets dans ce domaine, pour motiver les talents à se pencher sur la question.
Cibler les secteurs stratégiques
Si la blockchain devrait bousculer de nombreux secteurs, de la finance à la cybersécurité en passant par la santé ou les télécommunications, il serait plus judicieux de se concentrer - au moins dans un premier temps - sur des secteurs stratégiques dans lesquels l'excellence de la France serait reconnue. Le rapport cite notamment l'agroalimentaire, qui pourrait tester la blockchain dans les chaînes d'approvisionnement. C'est dans ces secteurs-clés que les projets pourraient bénéficier de conditions particulièrement favorables, à l'image des sandboxes britanniques, cités en exemple.
Démocratiser la blockchain dans le domaine public
"Il est nécessaire de développer soi-même des applications pour se rendre compte des problèmes rencontrés et y répondre de façon appropriée", pose France Stratégie. Comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, l'institution préconise donc de développer des projets de blockchain au sein de l'administration et de l'État pour que les fonctionnaires qui seront chargés de réguler la technologie puissent éprouver les problèmes auxquels sont confrontés les porteurs de projet. Et de créer une cellule d'agent publics spécialistes de la blockchain qui serait chargée de former et d'informer d'autres personnels publics. Un effet boule de neige vertueux.
Développer une monnaie numérique stable
"Le besoin est avéré pour tirer parti des possibilités des transactions programmables. Des projets existent. Il vaudrait mieux pour notre souveraineté que des réponses moins contrôlables ne soient pas fournies par des acteurs privés ou par des acteurs publics étrangers", alerte France Stratégie. Tout est dit.