Un Venture Capitaliste parisien bien établi m’a récemment affirmé avec la plus grande franchise : « cela n’a aucun sens pour une startup d’emprunter ! ». J’ai été d’autant plus surpris par cette opinion tranchée, que certains entrepreneurs estiment au contraire qu’une banque se doit de soutenir leurs startups. En témoignait, dans une tribune publiée en 2017 et accueillie avec une certaine résonance sur les réseaux sociaux, cet entrepreneur scandalisé par sa banque lorsque celle-ci lui a retiré son autorisation de découvert quelques jours avant une probable cessation de paiements. Si les obstacles rencontrés dans le développement de sa startup étaient multiples, il en tiendra son banquier pour principal responsable. Et les témoignages dans ce sens sont courants ; le banquier n’a pas bonne presse dans cet écosystème.
Chacun dispose de ses raisons pour expliquer ses réussites et ses échecs mais il paraît évident que la vérité ne peut être aussi tranchée. Emprunter peut avoir du sens pour une startup mais une banque ne devrait pas pour autant soutenir tout projet qui lui est présenté.
La dette bancaire est rarement adaptée avant une certaine maturité, …
Lors de ces premières années d’existence, une entreprise a besoin de liquidités pour constituer une équipe, créer un produit et trouver des clients. Le retour sur investissement n’étant pas immédiat, sauf exception, l’entreprise passe donc une première partie de sa vie à « consommer » ses liquidités chaque mois. Durant cette période, elle n’a pas les moyens de rembourser un crédit autrement qu’en le refinançant, soit par un autre crédit soit par un apport en capital.
Dans un cas comme dans l’autre, les financeurs n’apprécient guère que leur apport ne serve pas à l’investissement dans la croissance de l’entreprise mais au remboursement d’une dette existante. Emprunter sans avoir la capacité de rembourser peut donc être préjudiciable pour l’entreprise. Si l’on s’en tient à cela, il est raisonnable de donner raison à notre VC ; les seules sources de financements possibles sont celles qui n’impliquent pas d’échéancier de remboursement : le capital, les subventions ou encore certains comptes courants d’associés.
… mais certaines facilités bancaires aux montants mesurés sont néanmoins disponibles et peuvent être bonnes à prendre.
Notre entrepreneur avait réussi à obtenir une ligne de découvert. En effet, les banques accordent volontiers ce type de financement à de jeunes entreprises : la stratégie adoptée est d’accorder des petites lignes de crédit ou de découvert à des sociétés en forte croissance mais qui ne sont pas encore rentables. Le risque pris par la banque est pondéré par la faiblesse des montants unitaires (maximum 100k€ à 200k€), l’économie réalisée sur le coût d’acquisition ou de fidélisation des entreprises qui survivent et un soutien de Bpifrance qui contre-garantit souvent entre 50 et 70% des pertes. Du point de vue de l’entrepreneur et de la startup, c’est une aubaine : compte tenu des montants en jeu, ils pourront être refinancés sans trop de difficultés. L'inconvénient ? Cela implique une incompréhension lorsque les banques arrêtent leur soutien. Mais si ces dernières le font, c'est lorsqu'elles constatent que le risque de défaut de la startup devient trop élevé. Dans le cas de notre entrepreneur, il n’était pas surprenant de voir la banque retirer son autorisation de découvert étant données les difficultés financières de la société. On déplorera en revanche un probable manque de communication entre le banquier et son client suffisamment en amont de cette décision.
De nouvelles possibilités d’emprunt s’offriront aux startups au fur et à mesure de leur développement
Il existe toutefois une situation dans laquelle une startup non rentable peut obtenir un prêt d'un montant significatif : lorsqu’elle a la capacité de le rembourser par son activité dans le futur.
Dans la vie de toute startup qui se développe pour devenir une TPE, PME, ETI ou même licorne, il y aura forcément un moment où la rentabilité sera atteinte et où la société générera de la trésorerie. Évidemment lorsque cette situation de rentabilité est bien établie, toutes ces entreprises ont naturellement recours au crédit bancaire corporate classique. A cette étape clé où une startup est en passe de devenir rentable, elle peut trouver un réel intérêt à emprunter et quelques acteurs financiers peuvent intervenir via ce que l'on nomme la Venture Debt ou Venture Loan. Ce type de financement permet de continuer à investir dans la croissance tout en assurant l’atteinte de la rentabilité. Et rares sont les startups qui n’arrivent pas à rembourser ces prêts. Une fois celle-ci atteinte, deux solutions s’offrent à la startup : poursuivre en autofinançant son développement ou changer d’échelle en réalisant une levée de fonds significative dans des conditions bien plus favorables que si cette dernière avait été faite quelques temps plus tôt et à la place du Venture Loan.
Le Venture Loan, comment ça fonctionne ?
Né aux Etats-Unis dans les années 1980, le Venture Loan est un prêt destiné aux startups en pleine croissance cherchant à financer leur développement tout en limitant leur dilution. La forme des Venture Loan varie fortement en fonction des acteurs présents sur le marché. Celui proposé par la Banque Wormser Frères depuis 2014 présente les caractéristiques suivantes :
- Montant : entre 300 k € et 1,5 m €
- Durée : 3 à 4 ans
- Franchise en capital : jusqu’à 1 an
- Remboursement mensuel sur 3 ans
- Taux entre 8 et 12 %
- Option sur le capital via des BSA
Il s'adresse aux startups répondant aux critères suivants :
- Un CA d'environ 1m € minimum
- Des perspectives de développement significatives
- Une rentabilité déjà atteinte ou atteignable en 12 mois
- Capacité des startups à rembourser leur prêt par leur seule activité
En fonction de la maturité de l’entreprise le Venture Loan peut intervenir au même moment qu’une levée de fonds en capital ou postérieurement.
Si du point de vue du dirigeant, le Venture Loan dispose de beaucoup d’avantages, du point de vue du VC il présente un inconvénient surtout en cette période où les liquidités sont abondantes. En effet, le Venture Loan l’empêche d’investir davantage à un moment charnière et donc de se reluer. Un moindre mal ?