La transparence n’est pas le point fort des startups. Bilan, compte de résultat, bénéfices, pertes… Rares sont celles qui communiquent leurs états financiers. Allant même jusqu’à violer leurs obligations légales... L’an passé, une étude révélait ainsi qu’en 2023, seules 15 % des entreprises innovantes françaises – membres du French Tech 120 – avaient déposé leurs comptes sociaux annuels au plus tard sept mois après la clôture de l’exercice, risquant une amende de 1500 euros…
« C'est devenu le standard, seules 10 à 20% des entreprises qu'on analyse publient leurs chiffres », remarque Willy Deslandes, responsable du pôle accompagnement chez The Moon Venture, un acteur du venture capital qui a investi 50 millions d'euros ces 5 dernières années dans une cinquantaine de startups en phase de Seed ou de série A.
La peur d’alimenter la concurrence
Pourquoi une telle opacité ? « Communiquer ses données financières revient à donner des billes aux concurrents…. Une startup n'est pas rentable les premières années, et il n'est jamais très vendeur de partager publiquement qu’on perd de l'argent. Tant que les chiffres ne sont pas publics, on peut enjoliver le CA réalisé. Une fois qu'ils sont publiés, on ne peut pas revenir en arrière. C’est pourquoi on ne recommande pas spécifiquement à nos startups de communiquer les leurs », observe le professionnel selon qui ce choix stratégique a été renforcé par la loi Macron.
L'article 213 de cette loi de 2015 permet aux sociétés commerciales ayant la nature de petites entreprises ou de microentreprises de demander que leurs comptes ne fassent pas l’objet de publicité, sous certaines conditions.
Même constat chez Corentin Orsini, founder partner chez Super Capital, qui observe que « dans les domaines un peu sensibles de la technologie comme la deeptech, la RegTech, la cybersécurité, la défense. etc, les dirigeants sont encore moins enclins à partager les informations et à être transparents, c'est un peu dans leur ADN… ». Et ce même si « les données finissent toujours par filtrer d'une manière ou d'une autre à la concurrence ou à d'autres investisseurs... »
« Un plus pour les sociétés BtoC »
S’il ne donne aucune consigne aux startups qu’il a en portefeuille, Corentin Orsini juge que « la transparence est un plus pour les sociétés BtoC, qui s'adressent aux consommateurs finaux pouvant suivre l'aventure entrepreneuriale et se projeter. Certaines startups font du « Build in Public » et partagent ouvertement l'évolution de leur entreprise sur LinkedIn ou autres réseaux, dès les premières étapes de développement. C’est le cas de GreenGot, fintech française destinée aux particuliers et indépendants ou encore de la chaîne de restaurants végétariens The Fat Broccoli. Shine était aussi très transparente sur les salaires en interne, les pratiques, etc. C'était bien pour attirer les talents… »
Bientôt un observatoire des jeunes startups en amorçage
Face à cette difficulté à trouver des chiffres fiables, The Moon Venture a construit un observatoire des jeunes startups en amorçage pour lesquelles il y a en plus très peu de données. « On a calculé en interne tout un nombre d'indicateurs spécifiques pour l'écosystème startup tel le ratio 40, qui permet de comprendre si la croissance de ces jeunes startups est saine ou pas », explique Willy Deslandes. Cet observatoire devrait être rendu public au deuxième semestre 2025.