Depuis sa réforme en 2008, le dispositif « Jeune Docteur » a permis aux entreprises de bénéficier d’un crédit d’impôt de 120 % du coût salarial sur 24 mois, un levier puissant pour structurer la R&D française. Son efficacité n’est plus à prouver. Après 2008, les embauches en CDI dans la R&D ont progressé de 7,5 %, avec des hausses spectaculaires dans des secteurs clés comme la pharmacie (+32 %) et l’informatique (+28 %). De plus, en 2024, 9.200 contrats Jeunes Docteurs ont été signés, limitant la fuite des cerveaux et renforçant la place de la France dans la compétition scientifique mondiale.
La suppression de ce dispositif envoie donc un signal négatif à l’ensemble de l’écosystème de l’innovation.

Selon France Stratégie, dans son dernier rapport d’évaluation, chaque euro investi via ce dispositif a généré 1,50 € de PIB. Ce n'est pas un simple chiffre : c'est le reflet d'un effet de levier économique, d'une dynamique qui a permis à des entreprises de toutes tailles d'accélérer leurs projets de R&D, de rester compétitives sur des marchés mondiaux où l'innovation est la clé de la survie.

Alors pourquoi cette suppression ?

La Cour des Comptes, en 2021, avait relevé quelques dérives, notamment une concentration du dispositif sur les jeunes docteurs-ingénieurs, déjà bien intégrés au marché de l'emploi. Mais ses recommandations étaient plus nuancées : préconisant un ajustement ciblé permettant une économie de 90 millions d’euros, pas un effacement pur et simple.

Le premier Projet de Loi de Finances (PLF) 2025 du gouvernement Barnier avait déjà tenté de supprimer ce dispositif. Face à une forte contestation parlementaire, il avait finalement été rétabli. Pourtant, fin janvier 2025, en Commission Mixte Paritaire (CMP), il a été abrogé sans concertation, sans études d’impact récentes et sans alternative viable.

Les entreprises qui avaient intégré dans leur modélisation financière l'appui du dispositif se retrouvent soudainement face à des coûts imprévus - et qu’ils étaient impossible à anticiper. Les jeunes docteurs, eux, ne sont pas seulement orientés vers le privé… ils en sont désormais privés !
L’impact ? 9.200 contrats signés en 2024 grâce au dispositif, limitant la fuite des cerveaux et renforçant l’attractivité de la France pour les talents scientifiques, sont en sursis. Selon l'ANDÈS, la suppression pourrait entraîner une baisse de 25 % des embauches de docteurs dans le secteur privé. Ce n'est pas qu'un chiffre : c'est un signal d'alarme pour l'avenir de l'innovation française.

Un exemple concret : l’un de nos clients, qui a recruté un Jeune Docteur en octobre 2024, témoigne de l’impact immédiat de cette embauche sur ses projets. "Son arrivée nous a déjà permis d'avancer considérablement dans nos réflexions, avec des effets tangibles sur notre activité. C'est un véritable coup d'arrêt. Sans ce dispositif, nous n'avons pas les moyens financiers de le conserver." Quant au jeune docteur lui-même, son constat est sans appel : "Je n'ai plus qu'à partir à l'étranger."

Un tel recul est plus qu'un simple ajustement budgétaire : c’est un pari risqué sur l’avenir de l’innovation française.

Un coup de frein à l’innovation… sauf pour l’IA ?

Cette suppression intervient paradoxalement alors que le président Emmanuel Macron annonce un investissement massif de plus de 100 milliards d'euros dans l'intelligence artificielle.
Comment justifier un tel paradoxe ? D'un côté, on glorifie l'excellence technologique, de l'autre, on abandonne un mécanisme qui favorise la recherche en sciences humaines et sociales, indispensable pour accompagner ces mutations.

L'innovation ne se résume pas à des algorithmes : elle repose sur une compréhension fine des dynamiques humaines, économiques et sociales, domaines dans lesquels les jeunes docteurs - et notamment les labos français - excellent. Il est encore temps d’agir. La question n’est pas seulement budgétaire. Il s’agit de préserver un outil qui a prouvé son efficacité stratégique, en l’adaptant aux véritables réalités du marché.

Au moment où nos voisins européens investissent massivement dans la recherche et l'innovation, peut-on se permettre de réduire notre soutien aux jeunes talents scientifiques ? L'avenir de notre compétitivité sur la scène internationale est en jeu.

Il est encore temps de revenir sur cette décision, de réintroduire des ajustements intelligents et ciblés. Le dispositif « Jeune Docteur » n'était pas parfait, mais il était perfectible. Ignorer ses succès, c'est ignorer le potentiel des générations futures.

L’avenir de l’innovation française, et avec lui notre compétitivité économique, en dépend.