L’intelligence artificielle est au cœur d’une mutation économique et sociale sans précédent. Loin d’être cantonnée à l’univers des grandes entreprises technologiques, elle bouleverse désormais tous les secteurs. Cependant, cette course à l’innovation s’accompagne d’un cadre réglementaire de plus en plus strict, imposé par des autorités soucieuses de prévenir les abus et de protéger les citoyens. Les startups doivent donc s'adapter rapidement pour éviter de se retrouver en porte-à-faux face aux nouvelles législations.

À titre d’exemple, l’OCDE estime que le marché mondial de l’IA dans le secteur de la santé pourrait être multiplié par 16 d’ici 2030, passant ainsi de 11 milliards de dollars en 2021 à 188 milliards de dollars. Ce potentiel économique colossal ne peut alors être exploité sans une maîtrise rigoureuse des risques associés. Les réglementations, telles que l’AI Act européen, les initiatives réglementaires américaines et la future loi britannique sur la sécurité de l’IA, vont devenir des incontournables à suivre pour n’importe quelle entreprise tech.

Bâtir la confiance sur des bases solides en matière de confidentialité des données

La question de la confidentialité des données est essentielle. Les premiers contentieux en matière d’IA ont souvent trait à l’utilisation de données personnelles, un écueil commun dans le cadre de l’entraînement des modèles d’IA. Minimiser l’exploitation de ces données, les anonymiser lorsque cela est possible et adopter des pratiques de transparence ne sont plus seulement des préconisations, mais des obligations. La confiance des utilisateurs en dépend et doit être au cœur de la stratégie des startups.

Pour Ben Lyons de Darktrace (cybersécurité), les produits doivent être conçus dès leur genèse pour répondre aux normes les plus strictes. Il ne s’agit pas seulement d’anticiper des régulations plus sévères, mais d’instaurer une culture de responsabilité dès les premières étapes du développement pour démontrer la fiabilité de l’IA proposée.

La propriété intellectuelle, un enjeu majeur

Tout en étant un vecteur d’innovation, l’IA peut également poser des défis en matière de propriété intellectuelle. Pour une startup, protéger ses actifs immatériels est crucial, mais il est tout aussi important de garantir que les données utilisées pour entraîner ses modèles ne violent pas les droits d’autrui. L’origine des données et des contenus doit être systématiquement tracée, sous peine de se voir confronter à des litiges coûteux. Lors du développement et de l'utilisation de l'IA, la valeur ou la provenance du contenu ou des informations utilisées comme données d'entraînement n'est pas toujours claire.

Transparence et contextualisation

Les biais algorithmiques représentent un autre défi de taille. Les modèles d’IA sont aussi fiables que les données sur lesquelles ils sont formés. Une documentation précise des processus, ainsi qu’une transparence sur les limites des outils développés, sont désormais incontournables. De nombreuses propositions législatives incluent des exigences de transparence sur la formation des modèles et les résultats qu’ils produisent.

En Europe, par exemple, l'AI Act met l'accent sur des pratiques comme les « fiches de transparence », qui permettent aux entreprises de fournir des informations claires sur leurs modèles, leur fonctionnement et leurs objectifs. Cela aide non seulement à établir une relation de confiance avec les clients, mais aussi à se préparer à des contrôles réglementaires plus fréquents.

James Clough, CTO de RobinAI, souligne l’importance de ce dialogue avec les régulateurs. Il ne s’agit pas d’entrer en conflit avec eux, mais de collaborer pour démontrer les bénéfices de l’innovation tout en respectant les cadres légaux. Ce dialogue précoce permet non seulement de limiter les risques, mais aussi d’influencer positivement l’élaboration des réglementations.

Structurer une gouvernance interne

Les startups doivent également investir dans une gouvernance responsable de leur IA. Il s’agit de développer des politiques internes, des revues éthiques régulières et des mécanismes de surveillance. La formation des équipes sur les enjeux éthiques et réglementaires de l’IA joue ici un rôle clé. Cette éducation permet non seulement d’anticiper les problèmes, mais aussi de cultiver une culture d’entreprise qui valorise l’innovation responsable.

Comme le souligne le guide de Balderton Capital, les cadres de gouvernance doivent intégrer des processus pour évaluer les impacts des technologies IA à chaque étape de leur cycle de vie. Cette approche proactive permet non seulement de réduire les risques, mais aussi de renforcer la position de l’entreprise sur le marché.

L’IA, une opportunité sous condition

Dans un monde où l’IA redéfinit chaque jour les contours de l’économie, les startups n’ont pas d’autre choix que de s’armer face à une réglementation croissante. Cette dernière n’est pas un frein, mais un cadre structurant qui, bien compris, peut devenir un véritable levier de différenciation. Le mot d’ordre est clair : anticiper, collaborer et innover de manière responsable pour transformer la complexité réglementaire en avantage compétitif.

L’ère du "move fast and break things" est révolue. Pour prospérer, les startups doivent désormais jouer le jeu de la régulation tout en capitalisant sur l’immense potentiel de l’intelligence artificielle.