En 2023, la part du digital dans les dépenses publicitaires mondiales a dépassé le seuil symbolique des deux-tiers. Sur 100 euros dépensés en publicité, 67 vont à des plateformes publicitaires qui ont moins de 25 ans.

Dans le même temps, la part de marché publicitaire des réseaux sociaux a dépassé celle des liens sponsorisés, dont l’immense majorité est opérée par Google. Une véritable révolution tant le moteur de recherche a dominé le marché de la publicité digitale depuis deux décennies.

Si cette montée en puissance s’explique pour des raisons que nous détaillons ci-après, des questions restent en suspens pour les annonceurs, à commencer par la transparence des résultats des campagnes sur les ventes. Une posture qui vaut aux réseaux sociaux le surnom explicite de walled gardens (jardins clos).

L’engouement pour la publicité “sociale”

L’évolution des usages du digital a rendu les réseaux sociaux incontournables : comment un annonceur pourrait-il faire l’impasse sur des supports utilisés quotidiennement par une majorité de ses consommateurs potentiels ? Données socio-économiques, géolocalisation fine, connaissance intime des intérêts de chaque utilisateur, les plateformes sociales offrent également une diversité de critères de ciblage quasi inégalée.

Sans compter l’extrême simplification des processus créatifs et de multiples options de diffusion des annonces, ouvrant tout grand les portes de l’immense marché des PME.

Compte tenu de tout ceci, la publicité sociale n’est pas loin d’être une panacée pour des annonceurs en proie à la technicité croissante d’autres formes de publicité digitale, souvent bien peu opérables sans le concours d’agences spécialisées.

Et quid des résultats ? Ils sont au rendez-vous ! Les rapports de performance proposés par les plateformes mettent en avant des chiffres de ventes et autres indicateurs de rentabilité très positifs.

Pourtant, c’est bien là qu’est le problème : si les résultats calculés par les plateformes sont très positifs, les outils de mesure tiers le sont nettement moins. La faute à une transparence des données quasi inexistante.

L’impossible transparence des résultats

Depuis 30 ans que la publicité digitale existe, le marché s’est organisé pour mettre en place des techniques et outils de mesure de la performance. Bien qu’imparfaits et régulièrement mis en doute, ils n’en font (faisaient !) pas moins consensus chez les annonceurs.

Problème, les réseaux sociaux échappent totalement à cet univers de mesure tiers. Car aucune donnée liée au comportement des utilisateurs n’est autorisée à sortir (d’où le terme de Walled Gardens). Les indicateurs de performance fournis aux clients annonceurs sont mesurés et compilés par les plateformes et livrés sous forme de données agrégées, impossibles à vérifier depuis l’extérieur.

Or les méthodes utilisées pour s’attribuer des ventes et présenter de fortes rentabilités tiennent du filet à mailles fines.

Un exemple parlant : parmi les actus proposées sur votre “fil social”, une publicité pour une enseigne de produits culturels apparaît. Votre activité étant suivie, voir cette annonce sera attachée à votre profil personnel. Le soir-même, vous achetez un livre sur le site de votre enseigne de produits culturels préférée, qui se trouve être précisément celle de la publicité ci-avant.

De par la méthode d’attribution des ventes, votre achat sera associé à la publicité servie dans votre fil social et viendra en gonfler la rentabilité. Pour autant, la publicité vous a-t-elle influencée ? L’avez-vous même remarquée ? Impossible à savoir mais le rapport de performance fera foi.

Or si l’on considère que les réseaux sociaux rassemblent l’immense majorité des consommateurs potentiels d’un annonceur, et qu’un annonceur a tendance à cibler largement son audience (par genre, âge et centres d’intérêts) : il y a une bonne probabilité statistique qu’un acheteur ait été exposé à une publicité sur son réseau social préféré avant de réaliser son achat.

En déployant une stratégie d’attribution des ventes très inclusive, les plateformes sociales s’assurent de présenter des performances satisfaisantes. C’est de bonne guerre, tout le monde fait pareil. Mais tout le monde ne bloque pas les systèmes de contrôle.

La confiance n’exclut pas le contrôle

Au fil du temps, la position “juge et partie” conjuguée à l’impossibilité de mesurer les résultats de manière indépendante devient gênante pour les annonceurs, surtout dans un contexte économique difficile. Encouragés par des taux de conversion attrayants, les annonceurs investissent des sommes considérables mais ils doivent en justifier la rentabilité.

Mais comment s’assurer que ses investissements sont rentables quand on est à l’aveugle ?
C’est là que des techniques statistiques que l’on pensait révolues sont remises au goût du jour. Le cas de figure que nous évoquons ici n’est pas sans rappeler la publicité traditionnelle : TV, affichage, presse. Avant le digital, il fallait bien mesurer la performance des investissements médias. Des techniques économétriques qu’on croyait disparues, comme le Marketing Mix Modelling, reviennent en force, aidées par la puissance de calcul du machine learning.

La prise de conscience est en cours mais mettre en place un système de contrôle fiable passe par des choix forts en matière d’outils, de process et d’acculturation des équipes. C’est le fameux cycle d’amélioration continue, accéléré par la technologie !