Nouveau nom pour une nouvelle vie ? Ancien fer de lance de la French Tech avant la pandémie de Covid-19, Meero entame un nouveau chapitre de son histoire sous une nouvelle identité. Désormais, la société évoluera sous la dénomination Diffuse.ly. Une manière pour l’entreprise, un temps décrite comme le «Uber de la photographie», de tourner la page d’un passé agité avec un patron charismatique qui maîtrisait parfaitement l’art du storytelling.

En effet, sous la houlette de Thomas Rebaud, Meero a connu une ère dorée marquée par une levée de fonds de 205 millions d’euros en 2019 qui avait fait sensation dans l’écosystème. Le montant de l’opération était en réalité moins élevé et la société n’est jamais devenue à une licorne. Mais qu’importe, l’entreprise, qui s’était fixée pour mission d’assurer la production de photos et de vidéos pour les professionnels, comme Uber, Airbnb et Deliveroo, en un temps record, avait poursuivi sa trajectoire spectaculaire, en passant d’une centaine de salariés à 750 en 18 mois et en s’étendant aux quatre coins du monde (États-Unis, Inde, Japon, Brésil…). « Nous avons eu une très forte croissance entre 2016 et 2020 », se souvient Gaétan Rougevin-Baville, l’un des premiers employés de Meero, qui était alors en charge des opérations pour superviser l’expansion à l’international de l’entreprise. « Le Covid a été un gros coup d’arrêt. Le marché a été très impacté, et le développement des UGC n’a pas aidé », ajoute-t-il.

Gaétan Rougevin-Baville, artisan du pivot de Meero

Dans ce contexte, l’entreprise tricolore a réduit la voilure et allégé sa masse salariale. Entre le début de la pandémie et fin 2021, les effectifs ont fondu, passant de 600 à 350 salariés au travers de deux PSE. Fin 2022, Meero a pour de bon changé de cap sous l’impulsion de Gaétan Rougevin-Baville, qui a succédé à Thomas Rebaud (ce dernier s'est relancé dans l'entrepreneuriat avec la fintech Akka) à la tête de la société. Depuis, celle-ci a revu sa copie pour embrasser pleinement la révolution de l’intelligence artificielle. « Nous avons une approche de l’IA très verticalisée. Cela permet de nous rendre crédibles. Nous n’avons pas vocation à concurrencer des entreprises avec de très gros modèles », indique le CEO de l’entreprise qui se nomme désormais Diffuse.ly.

Cette dernière propose désormais des solutions très ciblées : CarCutter pour l’automobile, ProperShot pour l’immobilier et AutoRetouch pour la mode. « Par exemple, un concessionnaire doit prendre tous les jours des photos de voitures d’occasion. Il a donc besoin de vendre vite avec de belles photos. Notre solution lui permet de gagner 90 % de temps et c’est 80 % moins cher. On améliore le time-to-market et on diminue les coûts », résume Gaétan Rougevin-Baville. Aujourd’hui, Diffuse.ly assure traiter jusqu’à 1 million d’images pour ses 2 200 clients.

10 millions d’euros investis en deux ans dans l’IA

Dans ce cadre, la société a investi 10 millions d’euros dans l’IA au cours de ces deux dernières années. Cela lui a permis de développer pléthore de modèles, dont une dizaine créés ces six derniers mois. « Nous mettons trois mois à sortir un nouveau modèle », précise le dirigeant. Toutefois, Diffuse.ly ne part pas d’une feuille blanche. Elle s’appuie sur les grands modèles existants, avant d’ajouter sa touche personnelle. « Grâce à notre longue expérience, nous avons beaucoup de données. Nous avons donc une approche classique, selon laquelle on se concentre sur les dernières couches supérieures du modèle », ajoute-t-il. La société peut en effet s’appuyer sur une base d’images propriétaires de plus de 200 millions de photos de haute qualité qui proviennent de son activité historique.

Celle-ci appartenant désormais au passé, Diffuse.ly veut se tourner pour de bon vers l’avenir avec sa nouvelle dénomination. « En changeant de nom, on coupe le dernier lien avec le passé. Désormais nous avons une approche très différente avec une culture d’entreprise tellement différente d’il y a quatre ans », assure Gaétan Rougevin-Baville. Aujourd’hui, l’entreprise, qui compte un peu moins de 200 salariés, revendique 10 millions d’euros de revenus annuels récurrents, dont 50 % aux États-Unis. Elle ne prévoit pas de lever à nouveau des fonds dans l’immédiat, mais « on ne ferme pas la porte aux opportunités qu’on pourrait avoir », indique son patron. Et de conclure : « Nous sommes repartis sur un nouveau projet. » Après tant de péripéties depuis sa création en 2016, la société a au moins l’avantage d’avoir tout vécu ou presque dans une période difficile pour l’ensemble des startups.