Selon la dernière étude du cabinet Roland Berger et Viva Technology, 13 % des répondants estiment que l'IA jouera un rôle fondamental dans la détection des maladies, 10 % considèrent qu’elle pourra rendre les soins de santé plus efficaces… A l’inverse, seules 4 % des personnes interrogées perçoivent un effet négatif de l’IA sur la santé ! Les répondants de l’étude « How is AI changing our lives ? » publiée fin novembre par Roland Berger et Viva Technology expriment un espoir très fort en matière d’IA.
Certes, l’échantillon comporte un biais, assumé par les auteurs de l’étude : les 14 000 sondés sont des visiteurs du dernier salon Vivatech. « Ils ont une vraie appétence pour la Tech, quel que soit leur âge (de 20 à 60 ans), confirme Anne Moore, Principal Health chez Roland Berger. J’ai pourtant été surprise de cet emballement ainsi que de leur compréhension très fine des enjeux liés à la donnée de santé. Les patients ont envie d’être maîtres de leurs données. »
Enjeux réglementaires et équation économique
Autre élément relevé par la consultante : l’aisance des répondants sur des sujets autrefois réservés aux professionnels, comme le jumeau numérique. « Ils le citent spontanément comme une solution d’avenir. Il y a quelques années seulement, ça n’aurait pas été le cas. Or, c’est exact : les jumeaux numériques permettront de simuler le fonctionnement d'appareils dans différentes conditions. Ils pourront également modéliser des hôpitaux pour optimiser les services ou simuler des corps et organes humains afin de prédire les effets et résultats des traitements. »
Stéphane Tholander est le vice-président de France Biotech, association fondée il y a 27 ans, qui regroupe 700 startups spécialisées en santé (dont 250 en santé numérique, soit entre 30 et 50% du secteur) ainsi que de grands groupes, des fonds, des cabinets de conseil ou encore des pôles de compétitivité. Lui-même entrepreneur, il estime que le marché de l’IA en santé va se déployer en trois grandes phases.
D’abord, une séquence qui a déjà commencé, autour des volets organisationnels et administratifs du parcours de santé. Ce n’est pas du soin en tant que tel, c’est toute la logistique qui le rend possible : rechercher rapidement une information patient, optimiser les flux des infirmiers, gérer l’attribution des lits d’hôpitaux… « Il y a un vrai besoin et peu de freins réglementaires, donc d’ici un an ou deux, tout cela va arriver sur le marché. »
Viendra ensuite, selon Stéphane Tholander, le « deuxième paquet », celui des innovations médicales : aide au diagnostic, personnalisation du parcours patient, etc. « Cela a commencé par l’imagerie et cela va grossir, à condition qu’on trouve le bon modèle économique : qui est le payeur, pour chaque cas d’usage ? Il faut à la fois démontrer une valeur clinique et tenir compte d’enjeux réglementaires. » La pharmacie, grande consommatrice d’IA Viendront ensuite sous 10-15 ans peut-être, les médicaments qui auront été découverts et produits grâce à l’IA.
Le monde pharmaceutique est en effet particulièrement concerné, comme le souligne Anne Moore (Roland Berger) : « L’industrie pharmaceutique est très intéressée par l’IA, notamment pour réduire de manière drastique le temps nécessaire à la mise en marché d’une nouvelle molécule. Les six premières années de Discovery notamment (sur un total de 12 ans souvent nécessaires) peuvent être réduites à un an. »
Améliorer l’existant, avant de rêver plus grand
Les attentes des patients et les travaux des professionnels semblent enfin se rejoindre sur un certain nombre de territoires, à commencer par la problématique du grand âge : « L’IA peut nous aider à mieux gérer le maintien à domicile et à anticiper la nécessaire évolution de notre système de santé », estime Anne Moore.
« Tous les acteurs de l’IA justifient leurs investissements par des cas d’usage en santé, mais il serait intéressant d’aller au-delà de l’affichage et de regarder quelle est la consommation des apps (en termes de GPU !) qui est bel et bien dédiée à la santé, souligne en conclusion Stéphane Tholander (France Biotech). Quant à la sphère publique, il est impératif qu’elle s’empare du sujet pour mettre l’IA au service de l’existant. Parce qu’on ne pourra s’offrir toutes ces belles innovations en santé, que si l’on a optimisé le système au préalable ! »
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Les 14 000 visiteurs de VivaTech ont été interrogés sur leur perception de l’IA dans trois autres domaines : l’emploi et l’inclusion, l’environnement et les sources d’énergie, la démocratie et la confiance. Une page synthétise les résultats : https://www.rolandberger.com/fr/Insights/Publications/How-deeply-is-AI-changing-our-society.html?btc=FR