Qui s’en souvient ? C’était il y a plus de vingt ans, dans la bouche du premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin. Le mot « gouvernance » ressuscitait, tiré des profondeurs du vieux français. Et le terme est resté ! Il s’est même imposé dans toutes les entreprises, jusque chez les startuppers.

Et pourtant, la « gouvernance », pour un entrepreneur, reste quelque chose d’assez flou. Elle peut prendre plusieurs formes : comité stratégique, conseil de surveillance, advisory board, conseil d’administration…. Les startuppers ont l’embarras du choix, y compris dans le casting des profils dont ils vont s’entourer pour avancer sans œillères.

Un conseil d’administration dès la série A

Le baromètre publié ce jeudi 5 décembre par l’IFA, France Digitale et le cabinet de conseil Lauda Capital permet de bien comprendre l’importance de ces choix fondateurs. « Il est parfois difficile pour un startupper de comprendre la valeur ajoutée d’un administrateur indépendant, en France en particulier. Ce n’est pas encore un automatisme, cependant l’arrivée du premier administrateur indépendant est souhaitable dès que possible : elle témoigne d’un stade de maturité prometteur », souligne Marika Rathle (Lauda Capital), co-présidente du club entreprise innovante en croissance de l’IFA.

Ce baromètre intervient dans un contexte de « valorisation déflationniste » des startups et scaleups : autrement dit, elles se vendent moins bien et moins cher.

Les 40 investisseurs interrogés occupent des postes d’administrateurs, principalement au sein des sociétés investies par leurs fonds - ils sont plus occasionnellement administrateurs indépendants. A les écouter, on s’aperçoit d’abord qu’il faut une gouvernance adaptée à chaque étape de maturité de l’entreprise, du pré-seed à la série D. « Dès la création de l’entreprise, la constitution d’un conseil d’administration, une instance de pilotage indépendante de l’équipe de management, est un gage d’efficacité. L’arrivée de nouveaux investisseurs en série A, B ou C officialise cette instance, dont le fonctionnement est facilité par la présence d’un membre du comité exécutif, généralement le directeur financier, le directeur des ressources humaines, ou le directeur juridique. À un stade de maturité plus avancé, en série C ou D, la présence d’un secrétaire du conseil en titre est recommandée », indiquent les auteurs.

Le conseil d’administration a sa part de responsabilité dans le succès ou l’échec de l’entreprise. « Pour plus d’efficacité, la composition de ce conseil pour les jeunes sociétés doit être équilibrée et diversifiée, avec un à deux administrateurs indépendants dans le respect de la parité. » Une recommandation d’autant plus appréciable que seuls 7 des 40 répondants du baromètre sont des femmes.

On n’écoute pas assez le client

De quoi parle-t-on dans les conseils d’administration ? « Les travaux sur les plans de succession et la raison d’être sont peu abordés. Pourtant, il s’agit d’indicateurs forts pour anticiper au mieux les risques de l’entreprise, et pour construire son identité culturelle », répond l’étude. L’évaluation des équipes de pilotage de l’entreprise, à savoir les fondateurs et les CEO eux-mêmes, est trop faible. Et pourtant ! Il est important de se remettre en question. « Notre entreprise est notre bébé, mais on n’est pas forcément la meilleure personne pour la gérer », résumait Maya Noël (France Digitale) l’été dernier.

Autre axe de progrès, on n’ouvre pas assez la porte aux parties prenantes extérieures : clients, fournisseurs, partenaires, employés… 8 % des répondants disent n’avoir jamais (jamais !) d’interactions avec elles. Et seuls 8 % disent en avoir au contraire de manière systématique. « Les clients ne sont pas suffisamment consultés, ce qui constitue une prise de risque réelle dans les arbitrages stratégiques et opérationnels », soulignent les auteurs.

Le point faisant référence à « la dissociation » est critique. Dans une startup, le fondateur est bien souvent président du conseil et CEO, cumulant les pouvoirs. Cette dissociation s’opère plutôt en série C, avec le bénéfice d’une présidence indépendante ou plus contrainte, avec un représentant de l’actionnaire majoritaire. « Un administrateur indépendant président jouera ici son rôle fédérateur et garant de la bonne marche du conseil. »