Lancée en 2006 par Pierre-Emmanuel de Saint-Esprit et Timothée Mével, Zack s’est d’emblée positionnée sur le créneau de l’économie circulaire et du reconditionnement, en s’intéressant à la seconde vie des produits électroniques. Se vendre à un grand groupe n’était a priori pas dans l’objectif des deux fondateurs. Mais c’est un concurrent qui les a amenés à se poser la question, à l’été 2021…
« Nous avons été contactés sur Linkedin par un acteur suédois du secteur, qui avait déjà mené une acquisition en Allemagne. Par curiosité, on les a rencontrés. Ça ne l’a pas du tout fait, mais cette rencontre nous a ouvert l’esprit : on a commencé à lister toutes les synergies qu’on pourrait avoir avec un acteur plus gros, comme un distributeur ou un fabricant d’électronique », se souvient Pierre-Emmanuel de Saint-Esprit. L’objectif : aller plus vite, pour donner plus d’impact au projet de l’entreprise.
“On ne voulait pas de startup, ni de tech”
Accompagnés de la jeune banque d’affaires Kickston, les deux associés rencontrent alors une douzaine d’acquéreurs potentiels… jusqu’à passer les portes du siège de Manutan, acteur majeur européen du e-commerce BtoB comptant plus de 2.500 collaborateurs et 25 filiales. « Jamais jusqu’alors dans notre roadshow on n’avait vu une telle qualité de préparation et de connaissance du sujet. Ça a compté dans notre décision autant que le montant proposé », explique l’entrepreneur.
Pourtant, en face, chez Manutan, le “deal” était loin d’être aussi évident : « nous avions établi une thèse pour nos acquisitions, avec des critères de recherche exactement à l’inverse de ce qu’était Zack : on ne voulait pas de startup, ni de tech, mais une boîte rentable avec un chiffre d’affaires représentatif sur son marché », raconte Xavier Laurent, qui a pourtant mené l’opération chez Manutan.
“100 % des employés sont restés”
La rencontre avec les fondateurs de Zack et la conviction qu’il fallait que le groupe accélère dans le domaine de l’économie circulaire l’ont incité à changer son fusil d’épaule : « nous avons rédigé un memo pour justifier de l’intérêt d’acquérir une techno et un savoir-faire plutôt que de chercher à tout faire nous-même. Et je l’ai envoyé aussi aux fondateurs Zack. »
Deux ans plus tard, « 100 % des employés de Zack sont restés », à l’exception de Timothée Mével, qui a souhaité tourner la page d’un projet monté sur les bancs de l’école. Une exception plutôt qu’une règle dans le monde des rachats de startups par des grands groupes…
Inventer une stratégie d’accueil
Pour Xavier Laurent et Pierre-Emmanuel de Saint-Esprit, la clé du succès tient autant au “fit” initial entre les fondateurs et les dirigeants du groupe qu’à tout ce qui a suivi l’acquisition. Un processus résumé en trois lettres : PMI, pour “Post Merger Integration”. « Souvent, on a du mal à atteindre l’objectif fixé lors de l’achat d’une boîte, parce que ça a beau être le projet numéro 1 pendant l’acquisition, il y a ensuite plein d’autres projets qui arrivent. Si on n’est pas extrêmement attentif à l’intégration, on est sûr d ‘échouer et rater l’objectif de l’acquisition. Il faut donc inventer une stratégie d’accueil », explique le directeur Fusions et Acquisitions du groupe Manutan.
« Lors du rachat, nous n’avons pas négocié que la valorisation de départ, mais aussi et surtout la vision sur les années à venir. Une acquisition, ça doit passer par la création d’un projet commun », ajoute Xavier Laurent, qui a ensuite consacré « une énergie de dingue » à l’accueil de Zack au sein du groupe, pendant près de 18 mois. « On ne peut pas passer d’un rôle de patron de startup à un rôle de salarié dans un groupe : il fallait que l’équipe reste investie, avec la même posture et de l’autonomie. C’est quelque chose que nous n’avions jamais fait chez Manutan », souligne-t-il.
“Nous allons bientôt faire évoluer le modèle de Manutan”
Deux ans après son rachat, Zack pilote désormais le service “Manutan Collecte et Réemploi”. « On a lancé dans la foulée de notre rachat notre service au sein des deux filiales de Manutan France - Manutan Entreprises et Manutan Collectivités - avec tout ce que cela implique en termes de formation des équipes, d’intégrations techniques, de modèle économique… », explique Pierre-Emmanuel de Saint-Esprit, qui, pour faciliter les choses, a intégré dans son équipe un cadre historique de Manutan.
Mais la nouvelle division de Manutan ne s’est pas arrêtée là, puisque Pierre-Emmanuel de Saint-Esprit et son équipe ont décidé de s’attaquer à un nouveau sujet : le mobilier reconditionné. Une offre a été lancée en France en novembre 2023, avant une internationalisation imminente aux Pays-Bas. Surtout, « nous faisons évoluer le modèle de Manutan, qui n’est plus seulement un distributeur : nous avons “boucler la boucle” en ouvrant un centre dédié au réemploi de mobilier usagé, le Hub Circulaire, en juin 2024 », ajoute l’entrepreneur, qui y voit une confirmation supplémentaire que Manutan n’a pas racheté Zack « juste pour faire un peu d’innovation dans un coin ».
Certes, le rythme est soutenu (« la vitesse, c’est la clé pour garder les gens concentrés et impliqués », explique Xavier Laurent), mais les frictions ont aussi été nombreuses, à commencer par la découverte des process et de l’ERP du groupe, « qui a consommé une bande passante conséquente ». Autant de lenteurs difficiles à anticiper lors d’un rachat, mais qui n’ont pas entamé l’enthousiasme des équipes et leur volonté de contribuer à « transformer le groupe », tout en ayant un impact positif sur la planète.