Theremia va-t-il marcher dans les pas d’Owkin ? Si le temps fera office de juge de paix, son duo de fondatrices espère bien apporter sa pierre à l’édifice pour faire évoluer la manière dont les médicaments élaborés. Pour planter les bases de cette ambition, la société annonce une première levée de fonds en amorçage de 3 millions d’euros menée par Eurazeo et Salica Investments. Entrepreneur First, Bpifrance et des business angels, comme Olivier Vaury, ex-CFO d'Amazon France et de ManoMano, Maximilien Levesque, co-fondateur et CEO d'Aqemia, Claire Chappert, COO de SafeHeal, ou encore Jordan Guyon, CEO de Lys Therapeutics, ont également participé à l’opération.
Celle-ci intervient quelques mois à peine après la création de la jeune pousse. Derrière ce projet, on retrouve Iris Maréchal et Chloé Geoffroy. La première a notamment travaillé sur la crise des opioïdes pour le gouvernement américain, ce qui lui a permis de mieux comprendre les addictions, tandis que la deuxième est pharmacienne de formation et a réalisé une thèse avec le directeur de l’ENS pour décrypter comment le médicament fonctionne dans le cerveau.
60 % des patients abandonnent leur traitement
Elles se sont rencontrées il y a un an, en marge du programme Entrepreneur First. «Cela a été un énorme coup de foudre. Elle m’a dit qu’elle voulait créer une boîte dans l’impact, plutôt que de faire un énième SaaS B2B. De mon côté, j’avais créé pendant mes études une association contre les violences sexuelles dans l’enseignement supérieur, et j’avais adoré créé un projet de A à Z. Du coup, ça a tout de suite matché entre elle et moi», raconte Iris Maréchal, co-fondatrice et CEO de la biotech, qui est passée par BCG et Le Wagon avant de plonger dans le bain de l’entrepreneuriat.
Ensemble, les deux jeunes femmes ont décidé de s’attaquer à un problème qui gangrène l’industrie de la santé : l’approche standardisée dans la conception des médicaments. Et pour cause, les 8 milliards de personnes qui peuplent cette planète constituent autant de profils avec des différences physiopathologiques (sexe, âge, ethnie…) non-négligeables entre les patients. Or une approche standardisée peut avoir des conséquences assez fâcheuses. Par exemple, le zolpidem (somnifère) est associé à un risque accru d'accidents de la route en raison de ses effets, comme la somnolence et la diminution de la vigilance. Les femmes sont les plus touchées puisqu’elles elles éliminent le médicament plus lentement, prolongeant ainsi ses effets indésirables.
«Le malade moyen ne correspond pas à tout le monde. Par conséquent, 60 % des patients ne sont pas traités correctement et ils finissent par abandonner leurs médicaments», note Iris Maréchal. Avant d’ajouter : «Avec Theremia, l’objectif est de proposer des médicaments adaptés à tous. Et pour cela, nous avons développé un algorithme qui permet de comprendre les populations qui réagissent plus ou moins bien aux traitements. Nos modèles de machine learning sont notamment capables de comprendre les effets secondaires et leur causalité entre le traitement et la personne.»
Un algorithme pour aboutir à des traitements plus ciblés
Autrement dit, l’algorithme agit comme une sorte de balance technologique pour rééquilibrer le traitement. A l’aide de l’intelligence artificielle, Theremia est ainsi en mesure d’ajuster des éléments comme la fréquence, le dosage et la formulation des médicaments pour améliorer leur efficacité tout en atténuant considérablement les effets secondaires. Et en agissant de la sorte, cela renforce de facto l’adhésion des patients aux médicaments qui leur sont administrés.
Avec son approche, l’objectif de la biotech n’est pas de remplacer les «Big Pharma», comme le clame et haut et fort Owkin, mais plutôt de s’inscrire en complément pour les épauler. «Les groupes pharmaceutiques sont intéressés par notre technologie pour étendre leurs brevets. En leur permettant d’avoir des extensions de gamme, cela leur offre un avantage économique. Et en plus, le patient est mieux adressé avec des médicaments qui leur conviennent davantage», indique Iris Maréchal, qui figure dans la promotion 2024 du programme Female Founders Fellowship de Station F.
Les troubles neurologiques comme angle d’attaque
Dans un premier temps, Theremia se concentre sur les pathologies neurologiques. «La neurologie, c’est le parent pauvre de la partie IA dans la biotech», souligne la CEO de la biotech tricolore. Dans ce contexte, la startup a notamment noué un partenariat avec l’Institut du cerveau concernant la maladie de Parkinson. La dépression, Alzheimer et la sclérose en plaques figurent également parmi les pathologies ciblées avec cette approche «AI-driven». A ce jour, la société collabore avec une dizaine de structures, notamment pour accéder à d’importantes bases de données, indispensables pour entraîner son algorithme. «Ces partenariats sont essentiels pour valider nos hypothèses, affiner nos modèles et garantir que les traitements optimisés répondent aux besoins réels des industriels et des patients», assurent Iris Maréchal et Chloé Geoffroy.
Alors que Theremia compte actuellement une dizaine de collaborateurs, l’entreprise, soutenue par l’incubateur Agoranov, entend bien s’appuyer sur son premier tour de table pour rapidement monter en puissance. La société souhaite notamment travailler sur de nouveaux algorithmes et multiplier les partenariats avec des instituts médicaux. «On veut changer la vision sur la manière de faire des médicaments et la démocratiser pour avoir un monde avec une santé plus inclusive», indique Iris Maréchal. Avant de conclure : «L’idée est d’aller assez vite aux États-Unis.» Une conquête américaine fait sens tant l’industrie de la santé est colossale aux États-Unis. Ce n’est pas Owkin qui dira le contraire.