«Du côté des entrepreneurs français que je côtoie ici, je dirai qu’il n’y a pas d’inquiétude majeure par rapport à l’élection à venir», analyse Félicie Petit-Nivard, reporter française installée à Boston. La situation sociale aux États-Unis est pourtant au bord de l’implosion tant les tensions autour de l'élection présidentielle se cristallisent. La population américaine est de plus en plus polarisée aux extrêmes : entre les démocrates bleus et les républicains rouges, la violence peut surgir à tout moment.

Côté business, les entrepreneurs ne semblent cependant pas inquiets. «Je ne pense pas que le résultat soit si impactant», analyse Frédéric Raillard, fondateur de l’agence Fred&Farid, aujourd’hui résident à New York. «Pour le climat des affaires, c’est vraiment la période actuelle, pré électorale qui est compliquée. On sent que tout le monde est en attente des résultats. Mais une fois l’élection passée et quelle que soit son issue, tout se débloque.» Adrien Menard, CEO de Botify, partage cette sérénité business. «Les Américains sont extrêmement pragmatiques. Tout ce qui est pro-business et qui peut soutenir l’économie est bienvenu.» L’entrepreneur français développe sa scaleup depuis les Etats-Unis depuis 8 ans. Il compte près de 130 collaborateurs entre New York, Seattle et Chicago. «Je ne vois pas l’interêt de chasser ou d’entraver les entrepreneurs français arrivés dans les dix dernières années, qui ont des équipes sur place, du chiffre d’affaires déjà réalisé, des clients…»

Mais les entrepreneurs français qui projettent de s’installer dans le pays de l’Oncle Sam pourront-ils le faire ?

Un business résilient et choyé

Pour Jérémy Ghez, spécialiste des Etats-Unis, professeur associé d’économie et d’affaires internationales à HEC, s’installer aux Etats-Unis ne sera pas plus compliqué pour un entrepreneur, bien que l’immigration a été au centre des débats. «L’administration actuelle Biden-Harris a joué un rôle positif pour l’immigration liée à un emploi. Cela a été l’objet de collaboration entre l’administration et le monde des affaires.» Dans son programme, la vice-présidente veut «réparer un système d’immigration, la question des entrepreneurs étrangers n’est pas posée», poursuit Jérémy Ghez.

Côté Trump, le professeur rejoint Adrien Menard. «J’ai de la peine à croire que les règles pourraient changer pour les entrepreneurs déjà présents compte tenu du pragmatisme économique et de l’influence du monde des affaires. L’immigration légale n’est pas véritablement la cible même s’il peut y avoir quelques restrictions.» Dans le passé, il y a bien eu un renouveau du protectionnisme : «Buy American, hire Americans.» Mais Jérémy Ghez tempère : «Cela a encouragé la prise en considération des demandes de visas H-1B notamment utilisées par les entreprises de la tech et les startups.»

Le fondateur de Fred&Farid confirme : «Donald Trump, pendant son premier mandat, a maintenu l’économie et la finance. Je ne crois pas qu’il y ait de grandes angoisses.»

La société américaine en profonde évolution

Laurent Canneva, cofondateur de Spare It, une startup qui lutte contre le gaspillage, est plus mesuré. «Pour le secteur de l’environnement, dans lequel j’évolue, l’arrivée de Trump, qui s’affiche clairement comme un climats-sceptique, peut inquiéter. Son arrivée pourrait être synonyme de ralentissement de certains processus enclenchés par le gouvernement de Biden.»

L’inquiétude des entrepreneurs français souhaitant s’installer ou déjà présents aux US ne dépend pas des élections. La société américain est en pleine mutation et s’éloigne de plus en plus des sociétés européennes. «Finalement, je ne sais pas si avec notre culture cartésienne européenne de l’entrepreneuriat, nous comprenons bien la politisation du monde des affaires et de l’entrepreneuriat qui s’installe aux Etats-Unis», commente Jérémy Ghez.

Frédéric Raillard conclut : «Il y a un élément qui sera majeur en cas de victoire de Donald Trump. C’est le rôle qui sera donné à Elon Musk. Il cherchera à faire des économies dans le système américain et à amener une forme de pragmatisme d’ingénieurs dans l’administration