Pour la seconde année consécutive, Serena s’associe à l’organisation Nature4Climate qui publie un rapport sur la Nature Tech. Cette année, le rapport s’intéresse en particulier à son usage au sein des entreprises. De son côté, Serena a observé les grandes tendances en matière d’investissement dans le secteur et au niveau mondial. À partir d’une base de données Crunchbase, couvrant 1 106 opérations entre 2018 et le premier semestre 2024, le VC analyse les investissements par catégorie, phase de financement et géographie, avec un accent particulier sur les tendances observées au premier semestre 2024.

Les chiffres sont éloquents : Le marché de la nature tech explose et dépasse les 2 milliards de dollars dans le monde cette année. Entre le second semestre 2023 et le premier semestre 2024, les financements dans les startups Nature Tech ont bondi de 51 %, passant de 581 millions de dollars à 878 millions de dollars. Le nombre de transactions a augmenté de 37 %, atteignant 96 opérations au cours de cette période. 

L’agriculture en tête, mais pour combien de temps ?

Selon Xavier Lorphelin, l’un des cofondateurs de Serena qui suit de près le sujet, trois principaux facteurs expliquent cette croissance des investissements. « Tout d’abord, au niveau macro, on observe une prise de conscience sur la biodiversité, presque aussi importante que celle sur le climat. Les entrepreneurs de la tech se saisissent du sujet et les initiatives se multiplient », explique-t-il. « En Europe en particulier, tout ceci est porté par la réglementation en matière d’obligation de déclaration et de mesure d’impact, notamment avec CSRD », poursuit-il. Dernier facteur, la montée en puissance des MRV (Measurement, Reporting and Verification), soient les startups qui collectent et analysent les données liées à l'empreinte carbone sur la biodiversité. « Aujourd’hui, on recense plus d’une centaine de startups MRV, contre une quinzaine environ, il y a trois ans », avance Xavier Lorphelin.

Au sein de la Nature Tech, on observe en effet un rééquilibrage des financements entre les différentes sous-catégories. Historiquement, les technologies liées à l’agriculture durable et à l’alimentation ont capté l’essentiel des financements en Nature Tech, et 2024 ne fait pas exception. Ce secteur représente 40 % des montants investis au premier semestre 2024, soit 353 millions de dollars. Cette catégorie reste donc leader, mais en relatif, sa part a sensiblement diminué ces dernières années. « Il y a encore beaucoup de chose à faire, mais le secteur est relativement mature », commente Xavier Lorphelin.

La montée en puissance des MRV 

La grande gagnante de ce rééquilibrage est la catégorie « MRV et crédits biodiversité », qui a connu une hausse impressionnante de ses financements. En seulement six mois, les investissements dans ce segment ont atteint 224 millions de dollars, soit presque autant que pour toute l’année 2023. « L’un des sujets clés de la biodiversité est sa mesure. Or jusqu’à présent, il n’était pas évident d’analyser l’empreinte biodiversité », explique Xavier Lorphelin. « Aujourd’hui, les technologies MRV permettent d’industrialiser ce sujet, grâce à une première couche de collecte de données et une seconde couche d’analyse basée sur l’IA », détaille-t-il.

La gestion de l’eau, autre segment en forte progression, voit également ses financements augmenter. Les solutions de traitement des eaux usées, les systèmes d’irrigation intelligents et les technologies de purification gagnent en importance à mesure que la raréfaction de l’eau devient un problème central pour de nombreuses régions du monde. Ce basculement vers des solutions touchant à la gestion des ressources naturelles reflète l'évolution des priorités des investisseurs, qui cherchent des réponses à une gamme plus large de défis environnementaux.

Un rattrapage européen

Le rapport met en évidence une forte disparité entre le nombre de deals réalisés en Europe et aux États-Unis, bien que les montants investis soient toujours plus élevés outre-Atlantique. En effet, auparavant, les investissements étaient majoritairement portés par l’agriculture, et donc les États-Unis, où le secteur est gigantesque, avec des tours de tables très importants. « Aujourd’hui, la Nature Tech est tirée par les MRV, or s’il y a quelques initiatives aux États-Unis, nous sommes loin du foisonnement observé en Europe. Je pense que l’écart va donc continuer à se resserrer », affirme Xavier Lorphelin.

Cette montée en puissance des MRV explique aussi pourquoi les investissements en early-stage ont particulièrement tiré cette croissance, avec une hausse de 69 %. En effet, les MRV sont toutes de jeunes pousses. « L’Europe va continuer à s’imposer, car ces startups qui lèvent aujourd’hui en seed et en série A vont ensuite lever de plus gros tours », prévoit Xavier Lorphelin. « Même si la Nature Tech reste petite en taille la dynamique est forte. La dynamique observée sur l’early stage depuis 18 mois est fondamentale, car elle construit les années à venir : les MRV seront des “enablers” pour tout le reste », conclut Xavier Lorphelin.