Depuis plusieurs années, Bain & Company publie un rapport mettant en avant les principales tendances technologiques au niveau mondial et européen. Cette année, le sujet de l’IA générative occupe pour la première fois une place majeure dans ce Technology Report 2024. « Nous avons dressé un état des lieux pour observer le degré d’adoption de la gen IA au sein des entreprises et pour anticiper l’évolution de cette adoption dans les années à venir », détaille Thibaud Chabrelié, Associé du cabinet, expert des sujets Tech et Private Equity et co-auteur de ce rapport. « Nous avons également eu la volonté de mettre en avant des cas d’usages emblématiques et d’analyser le retour sur investissement effectif de l’utilisation de l’IA », poursuit-il. En effet, si en 2024, les entreprises de toutes natures ont plus que jamais investi dans l’IA générative, nombreux sont ceux qui s’interrogent encore sur son retour sur investissement.
Une adoption massive de l'IA
L’investissement dans l’IA s'accélère. En 2024, le nombre d’entreprises investissant plus de 100 millions de dollars dans l’IA a plus que doublé. La firme estime que le marché mondial des produits et services liés à l’IA pourrait atteindre 780 à 990 milliards de dollars d’ici 2027, avec une croissance annuelle de 40 à 55 %. Ces chiffres révèlent l'ampleur de la transformation économique générée par l’IA, non seulement dans la technologie, mais dans tous les secteurs. Dans des domaines comme le service client, le développement de logiciel ou la gestion du back-office, l’IA montre déjà des résultats. Elle a par exemple permis de réduire de 20 % à 35 % le temps nécessaire à la gestion des réponses clients. Les activités liées au développement de logiciels ont vu une réduction de 15 % du temps de codage. « Dans les fonctions sales et marketing, on a aussi observé que la capacité à créer du contenu pouvait être optimisée de 30 à 50% », ajoute Thibaud Chabrelié.
Des gains de productivités démontrés mais conditionnés
Les entreprises adoptent l’IA à grande échelle, mais le défi principal reste la création de valeur. Alors que les entreprises investissent massivement dans cette technologie, l’IA commence à démontrer des gains concrets en termes d’efficacité et de productivité. Selon le rapport, l’IA pourrait générer jusqu’à 20 % d’amélioration de l’EBITDA pour les entreprises qui l’intègrent efficacement dans leurs processus. Or, il existe certaines barrières à une adoption efficace de l’IA. « Souvent, cela vient du fait que les entreprises abordent l’AI Generative avec un mauvais objectif. Elles veulent juste montrer à leurs clients ou investisseurs qu’elles l’utilisent, mais cela les pousse à implémenter la gen IA sur des cas d’usages qui n’ont pas de véritable intérêt pour le business », partage Thibaud Chabrelié. « Le second frein est le manque d’expertise. Par nature, comme le sujet est nouveau, il y a peu de sachants », explique-t-il. “C’est là que notre expertise peut entrer en jeu, pour aider les entreprises à identifier et prioriser les cas d’usage”.
En route vers une "IA souveraine" ?
Le rapport évoque également la montée en puissance des blocs d'IA souverains, une tendance marquée par des investissements massifs de gouvernements dans des infrastructures locales. Ce mouvement vise à protéger la souveraineté technologique des nations en réduisant la dépendance vis-à-vis des grandes plateformes internationales. « À chaque disruption technologique, l’enjeu de la souveraineté apparaît, en particulier en Europe. On l’a vu avec le cloud, dont on peut estimer que les géants américains détiennent aujourd’hui près de trois quarts des parts de marché », partage Thibaud Chabrelié. « Aujourd’hui, avec l’IA, nous sommes à une croisée des chemins. On espère que les investissements vont permettre l’émergence de champions européens, mais pour cela, il faudra aussi que l’écosystème, c'est-à-dire autant les décideurs que les utilisateurs, prenne la suite », souligne Thibaud Chabrelié.