Benoît Hediard et Emeric Ernoult sont restés associés pendant presque 25 ans. Ils ont tout vécu ensemble : plusieurs pivots, des levées de fonds, des phases d’hypercroissance. Ils sont les cofondateurs d’Agorapulse, solution de gestion des réseaux sociaux. “Mon premier mariage n’a même pas duré 24 ans!”, plaisante Emeric Ernoult. Alors des conflits, des désaccords, il y en a eu entre les deux associés. Et puis un jour, ils ont pris la décision de se séparer et Benoît Hédiard a quitté Agorapulse. Aujourd’hui, pas de conflits entre les deux anciens associés : “Cela s’est super bien passé”, commente Emeric Ernoult. “On se parle encore, c'est beaucoup de maturité et beaucoup d'intelligence émotionnelle. C'est probablement plus compliqué à faire à 25 ans qu'à 50. Mais je pense que c'est la clé des séparations qui se passent bien.

Alexandre Bellity a été associé avec un de ses amis d’enfance chez Cleany, un prestataire de service de nettoyage responsable. “Pote depuis la sixième.” Aujourd’hui, Alexandre est seul à la barre de la startup. Les anciens associés ont coupé tout contact. La séparation a été brutale. Avec le recul, Alexandre Bellity a identifié quelques erreurs et aujourd’hui se forme au coaching pour accompagner d’autres entrepreneurs dans ce cas. “Ayant vécu cela, je suis devenu un obsédé de la gestion de conflits entre associés. J’en ai parlé à un club d’entrepreneurs et beaucoup m’ont appelé par la suite.

Quelques conseils pour éviter ces moments douloureux pour l’entreprise et pour les associés. 

S’accorder sur ses ambitions et la communication

On ne le répétera jamais assez, la communication est la clé. “Ecrivez-ce que vous attendez de l’autre et lisez-le ensemble, dites-le vous. Faîtes cela dès le début”, insiste le cofondateur d’AgoraPulse. Pris dans le rythme du développement d’une startup à partir de rien, les frustrations et les non-dits peuvent vite s’accumuler entre deux cofondateurs, d’autant plus lorsque l’un gère la partie business et l’autre le côté tech. 

Est-ce que je dois changer mes attentes ? À quels niveaux sont-elles ? Est-ce que je dois les adapter”, voila quelques exemples de questions à se poser régulièrement selon l’entrepreneur qui conseille même de faire cet exercice avec ses managers. 

Après trois ans seul à la manœuvre, Alexandre Bellity décide d’associer un de ses amis chez Cleany. Aujourd’hui, il reconnaît une première erreur : “Nous avions sollicité un expert comptable et établi une petite valorisation puis nous nous sommes associés à 50-50. Ce n’est ni bien ni mal mais avec le recul, je ne recommencerai pas de cette manière”, reconnaît l'entrepreneur. “On a plongé dans le travail sans prendre le temps de discuter plus que ça de la stratégie, de la vision, sans savoir ce qu’on voulait sur le long terme. Je réalise que mon associé voulait monter une petite entreprise facile à gérer qui génère 2 à 3 millions de chiffre d’affaires. Moi, mon ambition est plus grande, nous n'avons pas la même vision.” 

Au départ d’une collaboration, il est donc essentiel de s’assurer qu’on est sur la même longueur d’ondes que ses cofondateurs. Jérôme Masurel, fondateur de 50 Partners, insiste : “Il faut s'associer avec la ou les personnes complémentaires en termes de compétences, de fonctionnement et de forces et faiblesses. Il faut également passer suffisamment de temps en amont pour tester ces points à l'occasion de réflexions profondes sur le projet. Sous prétexte de travailler de business plan, bus model, maquette de produit etc, on peut évaluer la capacité à collaborer ensemble dans le temps.” Si ce temps de réflexions et de maturation n’est pas pris, les conflits peuvent émerger très vite. 

À ne surtout pas faire pour l’investisseur : “s'associer avec un copain ou une copine avec qui on s'entend bien, mais sans se préoccuper des points déjà évoqués. L'équipe peut alors se composer de profils très similaires qui vont se marcher dessus.”

L’avis de l’avocat, Cédric Dubucq, associé au cabinet Bruzzo-Dubucq :  Quelles dispositions juridiques faut-il prendre ? 

“On peut s’associer avec quiconque le désire, c’est le propre d’une société libérale qui veut stimuler l’esprit d’entreprise. Le droit des sociétés est plus que libéral, il est libertin. Tout ce qu’on demande à l’associé, finalement, est d’être majeur et non-protégé. 

 Pour autant, il faut tout de même se renseigner un minimum sur la capacité juridique du partenaire à s’associer dans une société. Selon l’activité entreprise, il faudra veiller à ce qu’il ne soit pas mineur, protégé, paralysé par une interdiction de gérer ou en situation de conflits d’intérêts. Le reste relève du bon sens, et des intuitions personnelles. 

Quant aux partenaires plus intimes, il faut distinguer selon que l’on est marié ou non. Pendant longtemps, deux époux ne pouvaient constituer ensemble une société : les règles du droit des sociétés et des régimes matrimoniaux s’accordaient mal à l’époque. Depuis lors, rien n’interdit le mélange des genres. Les problématiques apparaissent lorsque seulement un des époux souhaite s’associer par l’apport d’un bien commun : il devra alors obligatoirement avertir son conjoint qui pourra revendiquer, à tout moment, la qualité d’associé.”