Le mois d’octobre a débuté sur les chapeaux de roues pour la sphère de l’IA générative. En l’espace de quelques heures, ce sont en effet quelques milliards de dollars supplémentaires qui se sont abattus sur le secteur. Ainsi, OpenAI, l’entreprise à l’origine de ChatGPT, a bouclé une méga-levée de fonds de 6,6 milliards de dollars pour atteindre une valorisation délirante de 157 milliards de dollars, tandis que la licorne franco-américaine Poolside est parvenue à capter 500 millions de dollars dans le cadre d’une opération qui valorise désormais la société à 3 milliards de dollars.

Cette nouvelle rafale d’argent illustre une nouvelle fois l’engouement, pour ne pas dire l’hystérie, qui entoure le secteur de l’IA générative. Dans une période pourtant plus difficile depuis deux ans pour le financement de la tech, les acteurs de l’IA générative enchaînent les opérations spectaculaires, ce qui ne manque pas d’alimenter les spéculations dans le secteur.

Les gouvernances des startups de l’IA à rude épreuve

Si l’argent coule à flots, il existe cependant davantage de questions que de réponses autour de cet emballement général, y compris pour les investisseurs qui sont prêts à dépenser sans compter par peur de rater «la pépite» qui va tout emporter. Avec plusieurs dizaines de milliards de dollars injectés dans OpenAI depuis 2019, Microsoft a pris quelques longueurs d’avance, mais l’arrivée d’acteurs comme Mistral AI, dont la valorisation frôle déjà les 6 milliards d'euros à peine plus d'un an après son lancement, ou Anthropic a donné un peu plus de saveur à la course dans le secteur.

Cependant, les deux années écoulées depuis le lancement de ChatGPT ont mis en lumière certaines dérives et difficultés rencontrées par les startups qui se sont lancées dans la course à l’IA générative. Tout d’abord, s’appuyer sur des chercheurs par les prestigieux laboratoires IA des Gafam, notamment ceux de Google DeepMind et du Facebook AI Research, n’est pas synonyme de développement tel un long fleuve tranquille. Demandez plutôt à Sam Altman, le célèbre patron d’OpenAI victime d’une tentative de putsch du conseil d’administration de sa société en novembre 2023, avant finalement d’être conforté dans ses fonctions à la tête d’OpenAI après un coup de maître réalisé par Satya Nadella, le patron de Microsoft.

Sam Altman fait d’ailleurs figure de survivant parmi les 11 fondateurs d’OpenAI. Les départs dans l’état-major de l’entreprise américaine se sont enchaînés ces derniers mois. Et parmi eux, Ilya Sutskever, co-fondateur et responsable scientifique d’OpenAI, est parti créer sa propre société, tandis que John Schulman, un autre co-fondateur, a carrément décidé de rejoindre le concurrent direct, Anthropic.

En France, la startup H n’a pas attendu longtemps avant de voir son équipe fondatrice voler en éclats. Cet été trois fondateurs sur cinq ont quitté le navire, à peine trois mois après une levée d’amorçage XXL de 220 millions de dollars ! «Cela fait partie de la vie des entreprise. C’est une boîte très jeune dirigée par une équipe jeune. Il peut y avoir des risques de conflits, des egos qui s’expriment de manière plus prononcée… Il n’y a pas que les valorisations qui sont accélérées. Tout est accéléré, y compris d’éventuels désaccords entre actionnaires ou entre fondateurs», observait alors auprès de Maddyness un investisseur de la place parisienne. En effet, tout est accéléré. Pour le meilleur et pour le pire !

Un modèle économique qui n’est pas encore au rendez-vous

Pour l’heure, l’IA générative est très loin d’avoir livré tout son potentiel. Et l’équation économique pour en tirer profit est également très loin d’être optimale. Malgré un chiffre d’affaires d’environ 3,7 milliards de dollars, OpenAI s’attend par exemple à perdre près de 5 milliards de dollars cette année, selon le New York Times.

Si l’opportunité business à saisir est conséquente, les moyens à mobiliser, en premier lieu la puissance de calcul, pour construire et faire fonctionner des modèles, les dépenses à consentir sont colossales. Dans ce contexte, OpenAI, qui boxe désormais dans la même cour que SpaceX et ByteDance, le propriétaire de TikTok, avec sa valorisation exorbitante, devrait à nouveau lever des fonds dès l’an prochain avec des montants tout aussi vertigineux que ces derniers mois. Et cet enchaînement de méga-tours de table pourrait bien perdurer en 2026 et en 2027...

Point encourageant cependant, les principales entreprises du secteur ont atteint des millions de dollars de ventes en l'espace d'un an, et ce bien plus rapidement dans le cycle de vie d'une startup que les entreprises qui ne sont pas expertes dans l'IA générative à l'heure actuelle. D’après une analyse des données de paiement réalisée par Stripe, les startups d’IA fondées à partir de 2020 ont ainsi mis seulement cinq mois pour atteindre 1 million de dollars de revenus annuels et ont gagné quatre fois plus durant leur première année sur Stripe que les autres entreprises SaaS fondées plus tôt. Au bout de 20 mois, les startups IA atteignent en moyenne la barre des 30 millions de dollars de chiffre d'affaires. Une bonne traction qui doit permettre à terme d'amortir les coûts de fonctionnement. Mais à quel horizon ? L'interrogation demeure.

Cachez cette bulle que personne ne veut voir

Les investisseurs étant en plein FOMO (Fear of Missing Out), des centaines de milliards de dollars devraient donc également continuer à pleuvoir sur les autres acteurs du secteur, quand bien même certains n’ont toujours pas déployé le moindre produit ou service. Autant de liquidités qui alimentent une bulle de plus en plus colossale… Gare au moment où elle éclatera !

Celle-ci pourrait rapidement se chiffrer en plusieurs centaines de milliards de dollars, avec un retour sur investissement complètement incertain pour les fonds qui misent aveuglément dans le secteur. Face à cet engouement hystérique pour l’IA générative, l’année 2025 apportera peut-être quelques éléments de réponse, ou simplement encore plus d’argent à une bulle qui risque de faire beaucoup de dégâts quand elle éclatera pour de bon.