En 1890, le pétrole et l’électricité donnent le coup d’envoi d’un nouveau modèle linéaire : extraire, produire, consommer, jeter, basé sur un sentiment de quasi-infinité des ressources. Il amène des avancées technologiques majeures qui ont longtemps rendu invisibles les déchets qui s’accumulent à un rythme inédit dans l’histoire du vivant et la souffrance croissante de l’environnement. En moins de 100 ans, c’est 30.000 ans de coexistence pacifique avec l’environnement qui sont littéralement effacés et dès les années 1990 nous devons reconnaître qu’il nous faudra désormais faire face aux conséquences car nous n’avons pas les moyens de compenser les coûts écologiques et économiques croissants. Mais les startups qui mènent la quatrième révolution industrielle en ce début de siècle n’en ont pas toujours conscience.
Les risques écologiques d'une innovation aveugle
Prenons l’exemple des batteries lithium-ion, essentielles à la transition vers les véhicules électriques. Bien que leur production soit en plein essor, leur recyclage reste un défi majeur. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, seulement 5 % des batteries lithium-ion sont actuellement recyclées en Europe. Cela signifie que la grande majorité de ces produits finit en décharge, générant des déchets toxiques à long terme. Les startups qui misent uniquement sur la technologie, sans intégrer une réflexion circulaire, s’exposent à des crises de ressources et à des coûts environnementaux de plus en plus élevés.
Le secteur textile, autre exemple révélateur, montre également les dangers d'une approche technologique déconnectée de l’économie circulaire. Nombreuses sont les startups qui développent des matériaux innovants, mais la majorité de leurs produits finit en décharge ou est incinérée. En France, 60 % des déchets textiles suivent cette voie, selon Eco TLC, alors même que des solutions circulaires existent pour réduire l'impact environnemental de cette industrie. Cette course à l’innovation, sans prise en compte des déchets produits, met en lumière les risques liés à l’absence de vision durable.
Par ailleurs, si le passage à des systèmes de production intelligents et connectés, la robotisation ou l’IA permettent de gommer une partie de l’écart des coûts de production entre les pays à bas coûts et les européens par exemple, c’est insuffisant pour éviter qu’au-delà des effets d’annonce les acheteurs et les consommateurs retrouvent vite le chemin du moins disant d’Asie du sud-est, annihilant ainsi les efforts de réindustrialisation en cours.
En fin de compte, une startup qui se focalise uniquement sur la prouesse technique sans considérer l'impact environnemental court le risque de devenir rapidement obsolète. L’innovation n’a de valeur que si elle est capable de perdurer, et dans un monde où les ressources se raréfient, cette pérennité ne peut être garantie que par l’intégration de l’économie circulaire grâce à laquelle on produit mieux pour l’environnement, mais contrairement à certaines idées reçues, on produit également moins cher.
L’économie circulaire, levier de transformation inéluctable
Face au mur environnemental et économique qui se dresse devant les modèles linéaires, l’économie circulaire apparaît comme la solution la plus adaptée pour répondre aux enjeux actuels. En optimisant l’utilisation des ressources, en réduisant les déchets et en repensant les modes de production, ce modèle propose une véritable alternative durable. Pourtant, il reste encore largement sous-utilisé dans l’industrie française.
Pour les startups industrielles, adopter un modèle circulaire offre de nombreux avantages. D’une part, cela permet de réduire les coûts de production. Selon l’Agence de la transition écologique (ADEME), l’écoconception, pilier de l’économie circulaire, permet de réduire les coûts jusqu’à 30 %. En optimisant l'utilisation des matériaux, les startups peuvent non seulement limiter leur dépendance aux matières premières vierges, mais aussi mieux maîtriser leurs coûts face aux fluctuations des prix. L’ajout de ce « circularity by design » aux progrès des modes de production est un cocktail détonnant à même de consolider durablement notre réindustrialisation.
D’autre part, l’adoption de l’économie circulaire répond à une demande croissante de la part des consommateurs et des investisseurs. Ces derniers privilégient de plus en plus les entreprises qui intègrent des critères environnementaux et sociaux dans leur modèle. En 2023, les fonds d’investissement ESG ont capté plus de 51 milliards d’euros en Europe, selon Morningstar. Les startups qui s’engagent dans une démarche circulaire deviennent ainsi plus attractives pour les investisseurs et renforcent leur capacité à lever des fonds.
S’engager dès aujourd’hui pour survivre demain
Pour les startups industrielles, adopter l’économie circulaire dès les premières étapes de leur développement n’est donc plus une option, mais une nécessité. D’abord, parce que les régulations environnementales se durcissent de plus en plus. Les entreprises qui ne prennent pas le virage de la durabilité risquent d’être rapidement rattrapées par des contraintes légales croissantes. La loi anti gaspillage pour une économie circulaire, adoptée en 2020 en France, impose déjà des objectifs clairs aux entreprises, notamment en matière de gestion des déchets et de recyclage.
Ensuite, les startups doivent comprendre que la circularité est un facteur clé de différenciation sur le marché. Alors que la concurrence s’intensifie, les jeunes entreprises qui intègrent des pratiques durables se démarquent non seulement par leur impact environnemental, mais aussi par leur capacité à proposer des produits plus responsables, mieux adaptés aux attentes des consommateurs, moins cher à produire et plus rentables. Dans un monde où la transparence et la durabilité deviennent des critères de choix déterminants, adopter un modèle circulaire permet aux startups de gagner la confiance de leurs clients, de fidéliser leur audience et de séduire les investisseurs.
Pour réussir cette transition, les startups peuvent en plus s'appuyer sur des programmes d'accompagnement et des initiatives spécialisées, comme l'Accélérateur d'Amorçage Industriel Circulaire (AAIC) du CSI. Ce type de programme offre aux jeunes entreprises un soutien stratégique pour intégrer l’économie circulaire dans leur modèle industriel, tout en les aidant à accéder à des financements spécifiques et à élargir leur réseau de partenaires. L’AAIC, en accompagnant les startups tout au long de leur parcours, démontre que la circularité n’est pas seulement une option théorique, mais une réalité concrète et accessible.
Pour conclure, l’industrie de demain sera circulaire ou ne sera pas !
La fascination pour l’innovation technologique ne suffit plus à garantir l’avenir des startups industrielles. L’économie circulaire n’est plus une option, elle est un impératif. Les startups industrielles qui négligent cette réalité prennent le risque de s’effondrer sous le poids de modèles dépassés et inadaptés. L’innovation technologique, sans une réflexion éthique et durable, est une impasse.