Aux États-Unis, un régime équivalent à celui de la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée), s’applique. Dès lors qu’une entreprise vend à un utilisateur final qui réside aux États-Unis, elle est concernée par la ‘sales tax’. Cette problématique concerne donc les entreprises implantées aux États-Unis comme celles qui opèrent depuis la France. 

Pourtant, nombre d’entreprises ne sont pas en conformité sur ce sujet, la plupart du temps par manque de connaissance. « La sales tax est très spécifique, beaucoup de gens ne maîtrisent pas ce sujet. C’est assez technique, mais en réalité, une fois qu’on a compris le principe, ce n’est pas si compliqué », introduit Fabien Messina, Head of Accounting, Tax and Consolidation chez Pigment, startup qui vient de lever 145 millions de dollars.

Sales tax vs TVA : les grandes différences

Ce système présente quelques différences majeures avec celui mis en place au sein de l’Union européenne. En effet, la TVA est une taxe multi-étapes prélevée à chaque étape de la production et de la distribution d'un produit, avec la possibilité pour les entreprises de récupérer la TVA payée sur leurs achats. La sales tax, elle, n’est prélevée qu’une seule fois, au moment de la vente finale au consommateur, sans possibilité de récupération pour les entreprises. 

Autre différence majeure, la TVA est un système largement harmonisé au sein de l'Union européenne, tandis qu’aux États-Unis, il n'y a pas de taxe fédérale sur les ventes, chaque État établit ses propres règles. Le taux de cette taxe varie considérablement d'un État à l'autre, et même d'une ville à l'autre. « C’est là que réside le risque. Comme il n’y a pas de convention fiscale entre chaque État américain et le gouvernement français, les sociétés étrangères sont soumises à la même réglementation que les sociétés américaines dès lors qu’elles réalisent des ventes sur le sol américain », alerte Yoann Brugière, cofondateur d’Orbiss, cabinet ​​spécialisé dans le développement des entreprises aux États-Unis.

« Au niveau de la sales tax, la difficulté réside surtout dans la mise en place. Comme tout est décidé au niveau local, il est impossible de gérer cela manuellement. Le New Jersey, par exemple, applique un taux unique dans tout l'État alors que dans le Colorado, les taux peuvent varier d’une ville à l’autre et même d’une rue à l’autre. Il est donc nécessaire d’avoir un project manager et des outils pour gérer cela », analyse Yoann Brugière. Sur le marché, les deux outils leaders sont aujourd’hui Avalara et Tax Jar.

Le conseil d’Orbiss : créer une société américaine

Pour Orbiss, la règle de base est de s’enregistrer auprès du gouvernement américain dès lors que l’entreprise vend à des utilisateurs finaux sur le sol américain. « Dès que l’on réalise un certain nombre de ventes, il est pertinent de créer une société américaine et de faire en sorte que les ventes passent par la société américaine », détaille Yoann Brugière.

« Il y a tout de même des seuils de chiffres d’affaires pour être redevable, qui se situent en fonction des états entre 100 000 et 500 000 euros », précise-t-il.

« Le jour où on commence à prendre en main ce sujet, c’est un travail à plein temps ! », partage Fabien Messina.  Quand il est arrivé chez Pigment, il a tout remis d’équerre, mais en continuant à facturer avec la société française. Aujourd’hui, Pigment passe à l’étape suivante avec Orbiss en utilisant sa filiale américaine qui facturera les clients US.

« Quand nous avons commencé à travailler avec Fabien Messina, il avait déjà beaucoup étudié le sujet et travaillé de son côté, mais la plupart du temps, quand les entreprises frappent à notre porte, il y a beaucoup de choses à remettre en ordre », partage Yoann Brugière. « Or, en termes de coûts, les entreprises gagneraient beaucoup à anticiper ce sujet », poursuit-il. « Sans compter les coûts cachés, en termes de temps passé à déconstruire des choses construites », ajoute Fabien Messina.

« Le processus d’enregistrement n’est pas techniquement compliqué, mais à mon sens cela reste plus intéressant, en termes de coûts et de temps passé, de le déléguer à des personnes dont c’est le métier », avance Fabien Messina. « Opérationnellement, c’est assez lourd, car en enregistrant la nouvelle société, nous devons aussi revoir tout ce qui découle : la facturation, la comptabilité, le CRM, etc..», explique-t-il.

« À terme, quand les volumes de ventes grossissent, il devient plus intéressant d’internaliser cette fonction, et d’utiliser une société comme Orbiss, comme support sur des sujets techniques », complète Yoann Brugière.

La sales tax, un sujet trop souvent négligé

« Je suis étonné du nombre de directeurs comptables de startups qui ne sont pas du tout aux normes au sujet de la sales tax, et qui ne sont, pour certains, même pas au courant du sujet », s’étonne Fabien Messina. « C’est un risque souvent négligé par les sociétés françaises et de manière générale non-américaines, notamment dans l'e-commerce et le software, car leur modèle n’ayant pas de frontières physiques, elles ne regardent pas nécessairement où sont leurs clients », confirme Yoann Brugière. « Or, en cas de contrôle et de manquement, c’est la société française qui est directement mise à risque, car la plupart du temps, ces marques n’ont pas de société enregistrée aux États-Unis », illustre Yoann Brugière.

Il est important d’être conscient des obligations et des risques liés aux manquements, et de mettre en place les bons outils en se faisant accompagner par des experts. « Un conseil : commencer à se renseigner dès le premier euro facturé aux US. Même si les choses ne sont pas mises en place tout de suite, au moins on peut les anticiper », conclut Fabien Messina.