Médaillé de bronze, d’argent et d’or en saut en longueur lors des quatre dernières éditions des Jeux Paralympiques d’été, Arnaud Assoumani se retrouvera à nouveau sur la piste dans quelques jours. A Paris, cette fois, non loin des Ulis, en Essonne, où il a grandi. Pour améliorer ses performances et briller de nouveau, il s’est soumis à un entraînement complet, bien plus complexe qu’il n’y paraît.

A l’abri des regards indiscrets, on mesure, on compare les données, on participe à des recherches scientifiques et technologiques. On découvre alors que la tech fait partie intégrante du sport. Et si elle n’est pas uniquement utilisée pour les paraathlètes, elle revêt pour eux une dimension particulière.

Des prothèses plus légères et pratiques

Arnaud Assoumani est né sans avant-bras gauche. Cela ne l’a pas empêché de s’illustrer dès ses 11 ans dans le monde de l’athlétisme. Enfant, il portait de temps en temps une prothèse, pour gagner en équilibre lorsqu’il faisait du vélo notamment, mais à l’époque, celles-ci étaient lourdes et peu pratiques. Mais il courait sans. “Je me souviens qu’en 2003, lors de mes premiers championnats d’Europe, beaucoup d’athlètes ne portaient simplement pas de prothèses. Certains avaient des tiges pour prendre appui, mais ce n’était pas légion.”

Ce n’est qu’en 2011 qu’il entame des recherches plus poussées pour obtenir une prothèse plus pratique et légère. Avec une équipe de biomécaniciens, ils analysent chacun de ses mouvements, récoltent des données et les analysent, testent différents poids de prothèses pour trouver “celui qui n’est pas délétère sur les compétences”. Il faut tout un travail de réadaptation : le corps a longtemps été habitué à compenser un léger déséquilibre, et doit désormais composer avec de nouveaux paramètres. Heureusement, les progrès technologiques ont permis d’améliorer largement la fabrication de prothèses.

Sommeil, nutrition, rythme cardiaque : l’ère du data-sport

Côté tech, il n’y a toutefois pas que les prothèses qui bénéficieront à sa pratique : “à haut niveau, l’optimisation de la performance se veut holistique, explique Arnaud Assoumani : tout compte. Le sommeil, la nutrition, les équipements sportifs avec lesquels on s’entraîne…”

Il peut compter sur des technologies qui “n’existaient pas il y a dix ans”. Pour courir, il utilise par exemple des tapis avec capteurs de force et écrans 3D, capables de recréer des dénivelés, et même l’effet de cailloux sur la route. Parce que les para-athlètes seraient “encore plus exposés aux risque de blessures” (du fait des déséquilibres potentiels notamment), le niveau d’entraînement est très élevé, et doit parer à toute éventualité. Chaque jour, le sportif procède à différents examens médicaux : un électrocardiogramme, un électroencéphalogramme, et un test de variabilité cardiaque qui avant, “ne pouvaient se faire qu’en allant à l’hôpital”, et sont désormais accessibles à domicile un peu partout ailleurs.

“La nuit, on peut aussi calculer le rythme cardiaque, l’indice de récupération et de sommeil, grâce à des montres ou des bagues”, complète Mathieu Jeanne, entraîneur et chargé des projets de développement technologique de l’Equipe de France de para cyclisme.

Concernant le mental et le cognitif, la recherche avance aussi. “On travaille sur la gestion du système nerveux, le taux d’hormones, de cortisone, le stress, la fatigue.” Même le temps de réaction peut être amélioré, avec un travail poussé de synchronisation neuro-musculaire, grâce à un dispositif d’”eye motion”, qu’Arnaud Assoumani pratique régulièrement.

Des moyens financiers et humains accrus

Mathieu Jeanne et Arnaud Assoumani ont tous deux constaté de grands progrès, rendus possibles grâce à des budgets en hausse.

“Le secteur se professionnalise beaucoup, constate Arnaud Assoumani. En France, nous avons la chance de pouvoir être remboursés par la Sécurité Sociale pour certaines prothèses ou fauteuils adaptés à la pratique du sport. Car ce sont des équipements qui peuvent coûter très cher : entre 5 000 et 20 000 euros parfois…” 

“Depuis trois ans, l’Agence Nationale du Sport (ANS) nous a fourni une aide financière précieuse. Nous étions en retard par rapport à d’autres pays et manquions de moyens, tant au niveau matériel qu’humain. Aujourd’hui pour l’Equipe de France de para cyclisme, nous avons deux entraîneurs et un analyste vidéo et data à temps plein, et un mécano ce qui n’était pas le cas avant : en 2011 - 2012, on n’avait même pas une personne salariée à temps plein.”

L’écart de moyens financiers s’est réduit entre le parasport et le sport valide, passant de 1 euro investi contre 20 euros à un écart d’1 euro pour 6 euros environ.

Nos interlocuteurs soulignent aussi le rôle essentiel et l’accompagnement de grandes entreprises. Arnaud Assoumani a rejoint la “Team EDF”, il y a déjà 14 ans. “Sans eux, je ne serais pas en équipe de France, et je n’en serais pas à ce niveau-là, souligne Arnaud Assoumani. Même s’il y a eu des progrès, on n’est encore pas suffisamment aidés en France en tant que sportifs de haut niveau. D’ailleurs, ce n’est pas un métier reconnu. La plupart des athlètes doivent conjuguer leur pratique sportive avec un travail en parallèle.”

De son côté, l’entraîneur de l’Equipe de France de para cyclisme a travaillé avec Airbus et Michelin, qui les ont  aidés à obtenir des tandems plus performants et de meilleurs pneus. “Le marché spécifique n’est pas très développé, même si on commence à voir arriver des marques « made in France » qui s’intéressent aux handi bikes sur-mesure. Alors on s’appuie sur les travaux de géants, dont le but n’est en soit pas de commercialiser des tandems, mais de faire connaître leur savoir faire sur le carbone, ou sur la fabrication de pneus fins…”

Ces investissements, publics ou privés, contribuent à améliorer le quotidien des para athlètes, mais aussi leurs performances. Car le matériel de pointe est une “grosse plus-value” dont tous les pays ne disposent pas.